• A Paris, le choix à haut risque des communistes

    Nous publions une contribution de Roger Martelli, historien, membre de la Fase, sur le vote des communistes à Paris. Ces derniers se sont prononcés pour une participation à la liste socialiste conduite par Anne Hidalgo. Cette contribution est parue sur le site de Médiapart.

    Le PCF parisien ira donc officiellement aux élections municipales sur la liste conduite par la socialiste Anne Hidalgo. Une majorité (57 %) des adhérents qui se sont déplacés pour voter ont fait ce choix, proposé par la direction fédérale parisienne (à 67 %) et soutenu officiellement par le secrétaire national du parti lui-même. La démarche était quadruplement motivée : par le souci de continuité d’une politique municipale dont le PC ne s’est jamais démarqué sur le fond ; par les écarts ressentis entre la direction nationale du PS et la municipalité parisienne ; par l’acceptation socialiste locale d’un certain nombre de choix sociaux proposés par les communistes parisiens ; par la volonté de ne pas abandonner la perspective à terme d’un rassemblement de toute la gauche.

    Personnellement, tout en considérant avec les communistes que le rassemblement était le fil rouge du Front de gauche et que « l’autonomie » n’était qu’une médiation pour y parvenir, j’ai jugé dès le départ que cet engagement parisien aux côtés du PS était une faute. Il porte d’abord le risque d’une immense confusion politique. Comment peut-on, en effet, récuser une politique nationale sociale-libérale, ouvertement choisie en 2012, et accepter une gestion par les mêmes dans des grandes métropoles qui sont le terrain par excellence du déploiement territorial de cette politique ? L’alliance conclue va d’autre part s’avérer un marché de dupes. La recomposition territoriale française, fondée sur « l’attractivité » des territoires, passe par la disparition de ce qui reste de la tradition sociale de « banlieue rouge ». Pour le PS, cette dilution passe par deux voies simultanées : le grignotage électoral des positions communistes (le modèle du « 93 ») et la voie législative de l’intégration métropolitaine. Quel que soit le choix communiste dans les grandes villes françaises, cette stratégie socialiste se poursuivra et s’amplifiera. Dès lors, à quoi bon la cautionner par avance, en participant à des alliances dominées par les socialistes ? Paradoxe, en tout cas : les écologistes, qui sont au gouvernement, seront en campagne sur une liste parisienne séparée, tandis que les communistes, qui critiquent le gouvernement, seront côte-à-côte avec les socialistes parisiens. Allez comprendre… En pleine affaire Leonarda, convenons que cela fait pour le moins désordre !

    Les communistes ont pu constater, dans la dernière période, que la perspective d’une alliance locale avec le PS ébranlait les fondations du Front de gauche et qu’elle divisait les militants communistes eux-mêmes. Cela n’a pas été pris en compte. La direction du PCF affirme que son choix parisien ne remet pas en cause son engagement national et qu’il ne dit pas l’amorce d’un revirement stratégique. Je considère qu’il faut prendre cette affirmation au mot. Mais je regrette d’autant plus que le risque de fragilisation de la plus prometteuse alliance à gauche de ces trente dernières années ait été considéré comme moins important que le maintien de positions électorales locales aléatoires. Au fond, en 1998, l’alliance inédite du PCF et du PS aux élections régionales avait donné au PC la plus forte représentation régionale de son histoire : or il l’a payée du désastre électoral cuisant des années suivantes.

    Que faire désormais ? En premier lieu, on doit souhaiter que s’offre la possibilité, dans la capitale, de voter pour une liste du Front de gauche fidèle à son esprit : qui ne sépare donc pas la nécessaire clarté politique (impliquant une critique raisonnée du social-libéralisme) et le souci du rassemblement le plus large (interdisant toute exclusive et toute mise en demeure). En second lieu, il est bon d’affirmer que le Front de gauche reste la seule issue et qu’il ne peut se priver aujourd’hui de quelque force que ce soit, quel que soit le choix conjoncturel ou la posture adoptés par telle ou telle de ces forces. En troisième lieu, on peut convenir que l’épisode malheureux témoigne des fragilités d’un Front de gauche qui se réduit encore trop au tête-à-tête du PCF et du Parti de gauche.

    Faire du Front le lieu d’une véritable et prometteuse synergie, et non le terrain de stratégies particulières ; en tirer les conséquences en matière de fonctionnement : tel sont les enjeux des prochains mois. Ils conditionneront l’avenir même du Front de gauche. C’est dire qu’il en va de la dynamique de la gauche tout entière.

    Roger Martelli, historien, co-directeur de Regards

     

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