• Combien seront-ils les salauds dans l'Hémicycle?

    salauds

     

    La proposition de loi socialiste visant à sanctionner les clients de prostituées ne suscite pas seulement un débat au sein de la société, elle provoque également des divisions dans tous les partis politiques. Entre jeux de mots graveleux et craintes pour les libertés, on entend tout et n’importe quoi.

    D’abord les adversaires du projet de loi en appellent à la liberté, voyant dans ce texte une œuvre moralisatrice. Certains craignent que la répression s’étendent ensuite au libertinage. D’autres se disent soucieux du sort des prostituées et du risque de rendre la prostitution plus cachée, plus masquée.

    Pour Elisabeth Badinter, ex-féministe de service, « L’Etat n’a pas à légiférer sur l’activité sexuelle des individus ». On se demande si elle a bien compris l’enjeu du projet de loi. Pour elle la femme doit disposer librement de son corps et donc se prostituer librement comme étant un de ses droits.

    Le chanteur Antoine, signataire parmi les 343 Salauds, estime qu’il y a un contrat libre entre la prostituée et son client, donc licite. Le chanteur n’a jamais vraiment travaillé de toute sa vie et ignore ce qu’est un contrat de service dont l’objet doit être licite. Dans le cas contraire, un contrat avec un tueur à gages pourrait faire l’objet de la jurisprudence Antoine en matière de contrat librement consenti. Seul le tueur devrait alors être poursuivi et non pas son client. Dans le fond, il est possible que le chanteur, privé de lunettes Atoll, soit de passage en France pour se faire un peu de promo et de tune avant de repartir vers d’autres histoires d’eaux océanes. Cela ne l’a pas mis à l’abri des idées courtes et il a gardé les cheveux longs.

    Pour le Professeur Bernard Debré, beaucoup de ses collègues favorables au projet  « sont restés à une vision de la prostitution qui date des années 1950 ». Pour lui si le projet est voté, on interdira demain « le sucre, le sel, le gras ». Cette prédiction est curieuse dans la bouche d’un médecin, car le notre nous les interdit déjà par prescription. Ensuite si ce docte élu UMP était un esprit moderne et indépendant, il ne serait pas membre du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) depuis mars 2008. Il s’est en outre fendu en 2011 d’un essai très moralisateur avec ce long titre évocateur :De l'éthique ou le choix de l'homme - Petit traité subversif sur l'homme, ses arrangements avec Dieu, Le diable, la vie, la mort, l'avenir. En ce qui concerne sa position sur le projet de loi pénalisant les actes sexuels tarifés, on se demande quel arrangement il a pu passer avec le diable. Dans son ouvrage, il s’inquiète de ce que l'homme joue avec les transgressions ancestrales au risque d'oublier qui il est. Avec des accents hugoliens, il apostrophe notre société, stigmatise son égoïsme. Seul prédominerait l'homme dont le destin peut sans cesse basculer s'il ne tient pas compte de l'autre, c'est-à-dire de lui-même. En tenant compte du client de la prostituée, de qui le penseur Bernard Debré tient-il compte ? La prostitution ne se limite pas à quelques « escortes » et «call-girls » prisées par de riches clients.

    On a eu droit à « Touche pas à mon sexe » contre le mariage gay au nom de la morale judéo-chrétienne. Contre la loi, du côté des clients de la prostitution, on brandit la banderole hypocrite « Ne touche pas à ma pute » et quelques prostituées ont renvoyé la balle avec « Touche pas à mon client !».  Le client doit rester roi ! Ceux qui sont favorables à leur pénalisation sont pointés du doigt comme étant d’affreux moralistes castrateurs. La marchandisation des corps devrait donc rester légale au même titre que celle du sucre, du sel et du gras. Tous ces libertaires occasionnels font mine d’ignorer que dans plus de 80% des cas, la prostitution est un trafic d’êtres humains. Il ne s’agit pas de consentement mais de contrainte. Ils se focalisent sur quelques prostituées consentantes alors que leur grande majorité est soumise. On nous a montré, sur des chaînes TV, deux prostituées contre le projet de loi et elles ont bien voulu répondre aux journalistes. L’une avait plus de la soixantaine et n’a pas envie de vivre avec le « minimum vieillesse ». Peut-être est-elle aujourd’hui consentante mais l’était-elle à 20 ans ? Continuerait-elle à se prostituer s’il ne s’agissait pas d’une nécessité financière ? On nous a montré une plus jeune qui portait un masque. Elle a dit être roumaine et que dans son pays les gens travaillaient pour moins de 200 euros par mois. Comment est-elle arrivée en France ? Comment a-t-elle été acceptée sur son lieu de prostitution ? Peut-on venir de Roumanie et se prostituer sans un réseau de proxénètes ? Des nouvelles cargaisons (car il s’agit bien de marchandises) arrivent de Mongolie. Le dumping sexuel va-t-il s’ajouter au dumping social ?

    En Espagne,  la libéralisation du commerce du sexe en Catalogne n’a réglé aucun problème lié à cette prostitution mais les a aggravés. La réglementation prostitutionnelle était apparue comme un remède de régulation sécuritaire. Une dizaine de clubs étaient ouverts dans la province Géronaise. On ne vient plus seulement s’y achalander en produits à bas coûts. Cette partie de la Catalogne, est devenue un « district moral », un espace d’encanaillement licite. Dix ans après, la réglementation prostitutionnelle n’a pas abouti à la maîtrise de l’ordre public et à la limitation du nombre de prostituées ; l’enrichissement des proxénètes, hôteliers semble être le seul objectif atteint. L’institution du commerce sexuel à attirer de nouveaux réseaux, et l’on a constaté le doublement de leur nombre sur cette courte période. On parle même de concurrence et déjà de dumping sexuel. Les incidents de rue n’ont pas cessé, les autorités locales devant ainsi, en 2006, et plus récemment en 2012, prohiber le commerce sexuel de rue contre les prostituées et les clients.

    Qu’un chanteur plus souvent en bateau ou dans des îles lointaines soit à côté de ses pompes, on peut le comprendre mais qu’un docteur député explique que la prostitution n’est plus celle des années 1950, c’est affligeant. Qu’en sait-il ? Dans sa carrière chirurgicale il a vu plus de prostates que de vagins. Peut-être cela ramène-t-il à son parti pris masculin et à sa vision arrangeante de la prostitution ? Tous les policiers en activité dans les services chargés de la répression du proxénétisme sont nés après 1950. Allez leur demander si la prostitution dans la majorité des cas est un contrat librement consenti et si les proxénètes d’aujourd’hui sont de gentils amants désintéressés ! Ceux que nous connaissons disent le contraire, même si les machines à sous ont un temps permis aux proxénètes de se recycler. Comment des jeunes filles et des femmes arrivent-elles sur le tapin en provenance des pays de l’Est, d’Afrique et maintenant aussi de Chine ? En quoi la traite des blanches a-t-elle changé depuis les années 1950 ? Il s’agit toujours d’une contrainte sous des menaces, d’un esclavage sexuel.

    Nous avons cru un temps qu’il n’y avait que 343 salauds mais il faut croire qu’ils sont plus nombreux. Même si nous devons être traités d’affreux moralistes, il nous paraît juste que le client de la prostitution ne soit pas le seul coupable épargné par la loi dans le trio Client-prostituée-proxénète. Pénaliser le client permettra de réduire la demande de prostitution et donc les gains des proxénètes. La seule victime est la prostituée.

    On peut penser que la morale est une houppette pour ceux qui dénoncent une « loi moraliste ». Ce sont souvent les mêmes libertins qui, sur d’autres sujets politiques, veulent qu’elle soit une étrille pour les libertaires. La prostitution pose un problème moral qui n’a rien à voir avec le libertinage. Elle est comparable à l’individu en bonne santé qui vend une partie de ses organes pour gagner de l’argent et qui est la victime d’un trafic très lucratif pour celui qui le mutile. La prostitution est rarement l’expression de la libre disposition de son corps par la prostituée. On peut penser que le client consomme un rapport sexuel similaire à un  viol dans la mesure où le rapport sexuel est imposé même si c’est un proxénète qui l’oblige et non pas directement le consommateur. C’est bien de consommation dont il s’agit comme pour le trafic de drogue. D’ailleurs il s’agit le plus souvent des mêmes réseaux.

    Le texte décrié par les salauds décomplexés prévoit (je dirais même seulement) une amende de 1500€ pour l’achat d’actes sexuels, et cette amende sera doublée en cas de récidive. Toutefois les choses seraient plus claires si la prostitution elle-même était interdite alors qu’on supprime le délit de racolage. On se trouve alors dans la situation où le client pourra être racolé mais sera puni s’il cède à la tentation. N’est-ce pas de la provocation autorisée ? A contrario, si un client obtient un rapport et refuse de payer ou reprend son argent, l’infraction sera-t-elle retenue ? Un rapport impayé avec une prostituée est-il  légal ? Le viol d’une prostituée est-il une infraction ? Voilà des questions pour un débat juridique qui se soldera par un vote le 4 décembre prochain.

    Finalement ce projet de loi semble passionner nos élus davantage que le budget et la réforme des retraites. Cela en émoustille certains qui doivent rêver de maisons closes. Pourquoi ne pas rétablir les Bordels Miliaires de Campagne (BMC) pour nos soldats envoyés au quatre coins du monde ? C’est vrai que l’on ne parle plus de prostituées, de péripatéticiennes, de putes, de catins, de filles de joie, de belles de nuit… mais de travailleuses du sexe. Les proxénètes sont déjà favorables à des CDI pour les bonnes gagneuses mais sont prêts à consentir des CDD aux occasionnelles. Ils promettent de créer des emplois, non seulement d’inverser la courbe du chômage mais aussi de respecter la parité homme-femme. Une carte d’abonné sera offerte par le Mouvement des Proxénètes de France à chacun des 343 salauds qui profiteront des réductions, des soldes et des promotions. Le sexe pourrait même entrer en Bourse !

    Feministone

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