• Faites la solidarité!

    Alors que nous écoutions un représentant de la diaspora arménienne en France faire un discours aux côtés de François Hollande pour les cérémonies parisiennes de la 99ème commémoration du génocide arménien, une phrase prononcée introduit notre propos aujourd’hui. Il a dit : « Plus le monde se mondialise, plus les questions se globalisent, plus il y a besoin de solidarité..." (Ara Toranian , 24 avril 2014)

    Faites la solidarité ! Fêter la solidarité !

    La mondialisation telle que les puissances de l’argent la font évoluer construit un monde de plus en plus morcelé et de moins en moins solidaire. Elle ne relève que de l’ordre économique et politique. C’est le modèle économique néolibéral appliqué à l’ensemble du globe qui laisse sur le côté les pays récalcitrants ou sous-développés. La mondialisation organise sans humanisme le transfert des personnes, des informations, des biens et des services avec pour règle la compétitivité et la croissance. La mondialisation n’est pas la solidarité internationale comme on voudrait le faire croire. Ce ne sont que des consensus et des compromis qui sont mis en œuvre dans des circonstances déterminées. Les Etats se soumettent à la loi du marché avec ses espaces et ses zones monétaires. Les peuples subissent cette loi avec la mise en place de politiques d’austérité et la dérèglementation du travail.

    La solidarité devrait pousser les hommes à s’accorder une aide mutuelle. La solidarité est un problème de conscience vis à vis de l’autre. Aujourd’hui, elle régresse sur le plan international et cela produit un monde individualiste et communautariste avec ses soubresauts et leurs victimes.

    D’aucuns nous diront qu’il existe une action humanitaire internationale et la charité. L’humanitaire ne s’occupe que de l’homme biologique et ne fait pas évoluer l’humanisme. « Tout se passe comme si, dans l’humanitaire, l’homme n’était plus qu’un objet d’une forme singulière d’écologie, comme s’il n’était plus qu’une des occasions de cette universelle sollicitude pour le vivant et le naturel qui tient lieu aujourd’hui de conscience », écrivait le philosophe Robert Redeker[1] dans un article intitulé« L’humanitaire devant l’avenir » (critique de la non anthropologie humanitaire). L’auteur ne crache pas dans la soupe humanitaire. Il reconnaît des intentions louables à ce qui s’y engagent et des actions nécessaires. Toutefois  l’humanitarisme n’est pas un humanisme, à moins de réduire ce dernier à la simple préoccupation envers l’être humain individualisé et isolé de la société.

    Citons aussi un extrait du texte « De la dépolitisation humanitaire », écrit par Benoît Coutu : « La construction idéologique humanitaire du sujet-victime dépouille le sujet de toute identité politique en le réduisant à sa seule souffrance. Une identité de victime est justement ce qui ne peut n’être ni devenir une identité politique, qu’elle ne peut être ni l’amorce d’un mouvement politique ni être un sujet politique puisque « impropre » à la subjectivation politique... Vulgairement, nous serions tentés de dire que si l’homme est un « animal politique » depuis Aristote, à force de nier le caractère politique de l’homme en se revendiquant d’un apolitisme universel ou en le réduisant à un homo economicus, il ne lui reste plus que sa dimension animale ! »

    La charité s’est placée à l’avant-scène de l’action sociale, là où la politique ne donne plus de réponses aux besoins d’utilité sociale. L’interventionnisme à visage humanitaire fait florès dans des guerres qui n’en finissent plus, répartissant les hommes entre bonnes et mauvaises victimes. Malheureusement, l’humanitaire sert souvent de manteau de vertu camouflant lâchetés et renoncements, voire des intérêts financiers et économiques.

    L’humanisme est un idéal à atteindre. On ne peut pas l’atteindre en lui tournant le dos. Si l’on passe par l’inhumain pour s’en approcher, il ne faudrait pas faire, une fois pour toutes, de l’inhumanité un humanisme.  L’individualisme et la compétition ne sont pas des valeurs humanistes. Le pillage des richesses naturelles n’est pas une action humaniste. Le marché des armes n’est pas une activité commerciale solidaire et humaniste. La destruction de la planète n’est pas une œuvre humaniste…etc. On pourrait allonger la liste de toutes ces perversions de la mondialisation qui n’est qu’un internationalisme mercantile pour lequel l’humanité se divise en deux catégories d’individus : les exploiteurs et les exploités, autant dire les bourreaux et les victimes de demain.

    La solidarité suppose un échange à différents niveaux de la société et non pas  la mise en compétition des individus qui aboutit à la destruction de la solidarité jusqu’à sa plus petite forme qui est familiale. Le libéralisme économique et la mondialisation en marche induisent des effets contraires à une solidarité active. Chacun est mis en compétition avec l’autre. La mise en concurrence permanente développe l’égoïsme et la xénophobie.

    eurohumain

    La solidarité active est pourtant possible, nécessaire et urgente. Pour cela, il faut refuser les effets négatifs de cette mondialisation économiques et financière, dus aux valeurs et aux croyances du libéralisme économique  que sont la « concurrence nécessaire, la déréglementation  et la privatisation de tous les secteurs d’activités » au profit  de quelques-uns. Cette économie de marché et de rente se développe par la croissance économique et de spéculation financière. Lorsqu’il n’y a plus de croissance, ce sont les peuples qui en pâtissent.

    Cet abandon de tout, jusqu’à l’Etat lui-même, au secteur privé et cette vision néocolonialiste du monde conduisent à l’exploitation sans restriction des ressources naturelles et des hommes, jusqu’à un point de non retour dont les plus grandes victimes seront nos enfants. Le plus grand nombre sera jeté dans la précarité et la misère si les démocraties ne changent pas de cap. Le tiers-monde est une poudrière que des millions de migrants cherchent à fuir vers un Eldorado pour se perdre dans le triangle des Bermudes d’une humanité dont ils sont exclus. Cet Eldorado devient un enfer social avec ses millions de chômeurs et de travailleurs précaires.

    En France, l’ensemble de la société paye les charges sociales, de santé, la réparation des dommages causés par l’activité déréglementée des entreprises privées. C’est l’impôt qui finance le système éducatif qui forme les futurs salariés qui pour une grande majorité utilisent les routes ou les transports publics. Tout cela doit-il être mis à la disposition des exploiteurs pour qu’ils fassent toujours plus de profits? Il est courant de dire que la solidarité se fait sur le dos du contribuable alors que des milliards sont consacrés au secteur privé. Il est passé sous silence que la dépense publique est un précieux levier de croissance. On préfère, à chaque crise économique, désigner les mêmes boucs émissaires : les fonctionnaires, les retraités, les chômeurs, les malades, les immigrés…etc.

    Cette mondialisation est en passe de s’imposer. Nos politiques, acquis au libéralisme économique, ne cessent de nous répéter que la mondialisation est inévitable, irréversible et nécessaire. Ils ne disent pas que ce système ne profitera jamais à l’ensemble de la planète, mais à certains pays et à certains individus de ces pays.

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    Cette situation résulte d’un des effets les plus pervers de la mondialisation qui est le transfert du peu de richesse du bas de la société vers le haut, ce qui est la conséquence directe de la rémunération du capital au détriment du travail. Si la mondialisation produit plus de biens et services, cette production ne profite qu’à une petite partie de la population mondiale. Des multinationales s’approprient tout ce que produit la planète, y compris l’eau tout en polluant l’air. Partout les intérêts particuliers se substituent à l’intérêt général. Des lobbies agissent et influencent le cours politique des choses. On le constate dans la construction de cette Europe austéritaire où s’est installé le « grand trafic néolibéral » pour reprendre un opus écrit par Gabriel Amard[2] qui a lutté pendant 25 ans, pour sortir les lobbies et la finance de la vie communale. Son combat le plus emblématique est sans nul doute celui contre les multinationales de l’eau, qu’il raconte dans La Guerre de l’eau, et L’eau n’a pas de prix. Pour toutes ses actions en faveur des biens communs du vivant, il s’est vu remettre un passeport de citoyenneté universelle à la Maison de l’UNESCO en mai 2013.

    Le système néolibéral de la mondialisation est conçu et organisé pour profiter à la classe aisée de tous les pays, par conséquent l’intérêt des uns est en conflit direct avec l’intérêt des autres. Pour que les uns s’enrichissent, il faut que les autres s’appauvrissent.

    Face à ce rouleau compresseur libéral, la solidarité est le seul rempart avec la  nécessité de réaffirmer nos valeurs universelles et de renforcer la démocratie. La solidarité mondiale doit supplanter la mondialisation économique.  L’humain d’abord ! C’est le cri d’alarme à entendre.  Solidarité ! C’est la solution pour créer une alternative politique à une fausse fatalité. Mondialisons la solidarité, pas la misère ! Des solutions concrètes existent. Des économistes les expliquent, comme le font les « Economistes atterrés » et d’autres jamais sollicités par la presse audiovisuelle qui a son gotha d’experts patentés dont il est nul besoin de rappeler l’Almanach. Pour s’informer, il suffit de ne pas subir passivement une propagande libérale qui monopolise la plus grande partie des média. Des sites existent et des conférences sont données.

    A Ajaccio, à l’initiative de Manca alternativa/Ensemble et du Parti de gauche, membres du Front de gauche, une conférence débat sur le thème « Changer l'Europe » est organisée Mardi 13 mai 2014 à 18 heures avec la participation d'Henri Sterdyniak, économiste à l'Ofce-Sciences politiques de Paris, membre de l'association les Economistes atterrés. C’est l’occasion d’entendre un autre discours que la rengaine néolibérale habituelle destinée à endormir les consciences.

     U barbutu

     


    [1] Il a écrit aussi « L’inhumain humanitaire », essai sur une écologie de l’humain.

    [2] Dans Le Grand Trafic néolibéral, Gabriel Amard démonte la manière dont est née et surtout la façon dont fonctionne l’Europe austéritaire. Un «â€¯manuel de désobéissance européenne », voilà la nouvelle arme qu’il propose pour expliquer et lutter contre l’Europe des lobbys, pour débusquer les endroits où les intérêts particuliers se substituent à l’intérêt général. Cette clarification est plus que nécessaire au moment où les extrémistes et les intégristes de tous bords prospèrent sur la peur de l’Europe. Europe 2020, Politique agricole commune, TSCG, le militant du parti de gauche décrypte pour vous avec précision chaque recoin de la novelangue européenne. Il explore chacun des lieux de la domination des marchés, pour que le peuple s’en mêle, pour qu’une remise en cause de ce système puisse avoir lieu et plaide pour l’interdiction des lobbys.

     

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