• Hollande dialogue avec lui-même

    Hollande dialogue avec lui-même

    Le dialogue citoyen a été à la hauteur de l’opération de communication organisée par l’Elysée et de la côte de Hollande dans les sondages.  Le président a pu développer son discours lénifiant, rester sur la forme en évitant le fond, faire des ellipses et suivre son objectif : faire croire qu’il est encore de gauche et qu’il défend le modèle social français. Même si Hollande a sans doute galvanisé sa garde rapprochée en quête d’arguments électoraux, son intervention télévisée n’a été qu’une navigation entre deux eaux avant le naufrage final.

     

    L'émission s’est déroulée en direct du musée de l'Homme, à Paris. Elle a été conduite par trois journalistes : David Pujadas, Léa Salamé et Karim Rissouli. Nous avons eu droit à des questions faussement offensives et tous les débats sont restés à l’écume sans jamais aller au fond des choses. Quatre Français ont interrogé François Hollande : une cheffe d'entreprise, la mère d'un jihadiste mort, un conducteur d'autocar, électeur du FN, et un étudiant blogueur de gauche qui participe aux nuits debout sans en être un porte-parole.

     

    Lorsque l’on passe en revue les citoyens sélectionnés, on comprend qu’un casting a été organisé et qu’on attendait d’eux que chacun joue un rôle de composition. L’ordre des passages a dû être très étudié. En premier lieu, c’est la charmante entrepreneuse qui sera la seule à intervenir sur le code du travail. Ensuite, honneur aux femmes, c’est la mère du jihadiste à qui succède le père de famille FN qui précède l’étudiant d’origine maghrébine. Du cousu main ! Un metteur en scène n’aurait pas fait mieux pour réaliser le scénar d’une fiction politique.

     

    Hollande dialogue avec lui-mêmePour aborder le projet de la loi Macron (alias El Khomri), c’est la patronne d’une PME qui a apporté la contestation, pas celle des salariés mais celle des patrons. Cette dame a tourné autour de la question pour finir par demander encore plus de précarité. Elle aimerait pouvoir signer des contrats de travail de 20 heures, ce qui permettait à François Hollande de passer pour le défenseur des CDI à travers la loi El Khomri. Bien entendu, personne n’est venu aborder dans le détail les nouvelles conditions de licenciements qui transforment les CDI en des CDD améliorés. Aucun représentant syndical ou manifestant contre la loi El Khomri n’est venu bousculer ce dialogue entre un président libéral et une patronne ultralibérale.

     

    Hollande dialogue avec lui-mêmeEn ce qui concerne la mère du jihadiste mort, elle a posé peu de questions et a surtout donné son avis sur le besoin de combattre la radicalisation en donnant son expertise personnelle. François Hollande a expliqué qu’il avait pris l’initiative d’une loi sur la déchéance de la nationalité dans l’émotion générale qu’avaient suscitée les attentats et pour maintenir la cohésion sociale. Il aurait été influencé par les parlementaires réunis en congrès lors duquel tous, droite et gauche, se sont levés à l’issue de son discours contenant le projet de loi constitutionnelle.  Doit-on voir dans la cohésion sociale, son rêve de rallier à sa cause des électeurs de droite et d’extrême-droite ? La déchéance de nationalité n’était pour lui qu’une mesure symbolique et non pas la solution à la lutte contre le terrorisme.

     

    Hollande dialogue avec lui-mêmeNous passerons brièvement sur le chauffeur d’autobus, électeur du Front national, qui a abordé le problème de sécurité posé par les migrants de Calais  (pas ceux occasionnés par les ratonnades qui sont éludées). Le citoyen frontiste a répété, à plusieurs reprises, qu’il n’était pas raciste et que la plus grande partie des gens du FN ne le sont pas comme tous les musulmans ne sont pas jihadistes. Il a aussi évoqué le pouvoir d’achat, se plaignant de ne pas pouvoir s’en sortir avec quatre enfants et évoquant sa mère qui a travaillé de 14 ans à 62 ans pour recevoir une retraite qui ne lui permet pas de survivre.   Pour Field et Pujadas, il n’est de colère légitime que lepéniste...

     

    Hollande dialogue avec lui-mêmeL’étudiant choisi des Nuits debout a justement un nom maghrébin mais il est venu parler des promesses électorales faites à la jeunesse par François Hollande. En 2012, il votait pour la première fois. Séduit par le discours du Bourget, il a voté Hollande qui, pour avoir bonne conscience, a une mauvaise mémoire. Le jeune citoyen est passé par un lycée professionnel avant de revenir dans un lycée généraliste et de réussir à son bac. Il est en deuxième année de sciences économiques. Aujourd’hui, il est déçu et le dit. Il a, en dernier lieu, évoqué les nuits debout et le besoin de démocratie participative qui traduit l’échec des partis politiques. Nous avons assisté d’abord à une tentative de récupération de la politique participative par un Hollande qui se souvient avoir été jeune et contestataire (sous-entendu « il faut que jeunesse se passe »). L’intervention de l’étudiant a été rapidement écourtée lorsque ce dernier a répliqué que Hollande avait entretenu le système qu’il venait de verrouiller par la loi de modernisation des élections présidentielles. C’est donc au moment où le dialogue citoyen devenait un vrai dialogue que l’émission a été close. La contestation de gauche n'était pas prévue au programme. 

     

    Hollande dialogue avec lui-mêmeLe dialogue ne s'est pas étendu sur la démocratie participative. C’est Léa Salamé qui a renvoyé l’étudiant dans le public devant un François Hollande surpris par cette entorse dans une émission pourtant maîtrisée qui, jusque là, lui permettait d’égrainer un bilan de futur candidat à sa succession. La question de sa réélection lui étant posée, il fera connaître sa candidature à la fin de l’année, après quelques autres émissions bien lissées sur les chaînes nationales. Il a toutefois remis Emmanuel Macron à sa place de Ministre de l’économie en ajoutant « il sait ce qu’il me doit » et Manuel Valls sur l’interdiction du voile dans les universités. Le voile ne sera pas interdit dans les universités même s’il l’est dans d’autres lieux. Nous apprenons que le député François Hollande s’était abstenu sur l’interdiction du  port de la Burka mais qu’aujourd’hui il l’aurait votée.

     

    Hollande dialogue avec lui-mêmeFrançois Hollande s’est montré satisfait de lui-même et résume son bilan. Pour lui, « Oui, ça va mieux: il y a plus de croissance, moins de déficit, moins d'impôts, plus de compétitivité, plus de marges pour les entreprises, plus de pouvoir d'achat pour les salariés». La loi El Khomri sera votée et non pas retirée.

     

    Sa politique étrangère reste la fierté de notre Chef d’Etat. Concernant la Syrie, il reste sur ses positions qui sont aussi celles de la Turquie et de l’Arabie Saoudite. Il est en parfait accord avec Merkel en ce qui concerne les migrants et le rôle joué par la Turquie dans le traitement de ce problème international devenu européen.

     

    Lorsque Léa Salamé (beaucoup plus offensive dans l’émission « On n’est pas couchés ») lui a cité François Mitterrand pour qui la première qualité d’un Président n’était pas le courage mais l’indifférence,   « François Second du PS » a inversé les qualités choisissant le courage et disant que l’indifférence n’est pas une qualité pour lui. Il rappelait alors qu’il ne pouvait pas rester indifférent aux victimes des attentats, aux soldats morts au Mali et aux familles des victimes. Notre président vit constamment dans le drame mais ne le montre pas C’est pareil pour les critiques qui le touchent, il joue l’indifférent mais ne l’est pas. Il a la conviction d’être humain mais nous savons qu’il est énarque et menteur. Il est déconnecté du peuple qu’il désigne sous le mot « la rue ». Le peuple, ce n’est pas la rue. Ce sont des êtres humains. Les Français ne sont pas la France au nom de laquelle il parle. Ce sont des êtres humains. Hollande s’évertue à se montrer courageux. L’est-il pour autant ? Ce n’est pas ce dialogue citoyen qui en est la démonstration car, à vouloir convaincre sans péril, on trompe sans gloire. Bien entendu, ce matin Le Foll et Cambadélis assurent le SAV de cette opération ratée de communication.

     

    Hollande a dialogué avec lui-même dans une émission complaisante. Il est resté dans la fiction d’un faux dialogue citoyen. Il pense que la France va mieux même si elle ne va pas bien. Nous avons plutôt tendance à penser que Sarkozy nous a amenés au bord du gouffre et que Hollande nous fait faire un grand pas en avant. Cela aurait sans doute inspiré quelques bons mots à Coluche comme « Hollande pour briller à la télévision il mangerait du cirage ! » ou bien «  Hollande lorsqu’il répond à une question, une fois qu’il a répondu, tu ne comprends plus la question posée ».

     

    Battone  

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 15 Avril 2016 à 11:11

    Daniel Schneidermann dans le nouvel Obs :
    "La voilà donc en action, la France selon Field et Hollande, co-producteurs de l’émission. Le voilà donc, le carré français idéal selon la télé d’Etat. La startupeuse sexy, le mariniste nordiste, la mère de djihadiste, et l’étudiant « nuitdeboutisant » (avec séquence de présentation où il applaudit aux assemblées générales de la place de la République devant la caméra de France 2, pour bien montrer qu’il « soutient le mouvement »).

    N’y manque qu’un tout petit détail, un grain de sable, trois fois rien  : les ouvriers non « marinisés », car paraît-il, il en reste quelques-uns. Ils étaient prévus, en la personne de Nadine Hourmant, ouvrière chez le volailler Doux (voir son interview). Une plume élyséenne courageuse l’a rayée au dernier moment. Rayée, la colère du peuple. Pour Field et Pujadas, il n’est de colère légitime que lepéniste.

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