• Hollande se défile sur l'avenir...

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    François Hollande est venu en Corse pour  commémorer la libération de l’île, premier département français à se libérer  en 1943. Il avait fait savoir par ses communicants qu’il n’aborderait aucun autre sujet. Toutefois il demandera « au gouvernement de recevoir les élus de l'assemblée de Corse, pour poursuivre la réflexion sur la meilleure façon de tenir compte des spécificités de l'île». Il a déclaré à ce sujet ; «Mon engagement, c'est de respecter les élus et leur travail (…) Mais mon obligation, c'est de rester dans le cadre de la République».

    Contrairement à ce qui était annoncé, François Hollande a bien voulu aborder les sujets de la langue corse et du statut de résident pour soulever le problème de leur inconstitutionnalité et  de l’impossibilité d’obtenir la majorité renforcée requise pour les réformes constitutionnelles.  La parade aux promesses non tenues est la même que pour le vote des étrangers aux élections municipales. Hollande n’est pas contre la signature de la charte européenne des langues régionales et minoritaires mais il ne peut rien faire, dit-il. Pour le reste, il dit qu’il ne faut pas ajouter de la loi à la loi et que, dans bien des domaines, les outils juridiques existent mais sont pas ou mal utilisés. Ce serait le cas par exemple aussi bien dans le domaine de la sécurité que celui de la spéculation immobilière.

    Aujourd’hui, Le chef de l’Etat fait confiance aux élus de l’assemblée corse pour discuter tout en mettant des limites à la « meilleure façon de tenir compte des spécificités de la Corse » : la constitution. Il n’a eu avec eux qu’une réunion sur le thème de la violence avec les mêmes litanies que son prédécesseur et plus récemment son ministre de l’Intérieur.

    La législation linguistique en matière de langues régionales et minoritaires est récente dans l’histoire de la France. Pour la période contemporaine, quatre lois méritent d'être relevées: la loi Deixonne de 1951, la loi Haby de 1975, la loi Bas-Lauriol de 1975 et la loi Toubon de 1994. Le 21 juillet 2008, un article 75-1 a été introduit dans la Constitution : « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. » Voilà un article qui  a attisé les craintes d’identitarisme et de communautarisme même si cette disposition enterre les langues régionales dans le patrimoine de la France au même titre que les objets archéologiques dans les musées. On sait bien qu’elle ne sauvera pas les langues régionales de l’extinction. Aucun droit nouveau n’a été introduit. Aucun moyen financier n’a été prévu pour le soutien des langues régionales. A l’époque bling bling, le « ministre de l'Identité » avait évoqué devant l’assemblée nationale les dangers d'un cadre juridique de reconnaissance des langues régionales, en estimant que ce cadre se heurterait aux «principes d'indivisibilité de la République et d'égalité devant la loi». Par la suite, le délégué général à la langue française et aux langues de France, M. Xavier North, a justifié ainsi la position du gouvernement (le 5 février 2010 à L'Express): « L'arsenal juridique français sur ce sujet étant déjà très riche, une nouvelle loi sur les langues régionales n'est pas forcément nécessaire. Il suffirait que l'on utilise de manière plus volontariste celles qui existent…. On ne peut pas comparer une nation unitaire comme la nôtre et des pays fortement décentralisés, voire fédéraux, comme l’Espagne, le Royaume-Uni ou l’Allemagne. Le territoire métropolitain compte au moins une dizaine de langues régionales, voire vingt si l’on reconnaît la diversité des langues d’oc et des langues d’oïl. Accorder des droits opposables à une langue supposerait évidemment de les étendre à toutes, ce qui porterait atteinte à l’indivisibilité de la République et à l’unicité du peuple français, selon les termes du Conseil constitutionnel, qui s’est opposé pour cette raison en 1999 à la ratification par la France de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires ».

    Malgré la création d’un comité consultatif au sein du Ministère de la Culture et de la communication en mars 2013 et son 56e engagement électoral (Je ferai ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires), auréolé dans sa mission de Chef de l’Etat, François Hollande a fait marche arrière en se déclarant empêché par la constitution. Il avait pourtant ajouté jadis: «Je veillerai à ce que tous les moyens soient mis en œuvre pour définir un cadre légal clair et stable pour toutes les langues régionales.» En précisant que «le prochain acte de décentralisation devra y contribuer».

    Il n’y a plus rien à  attendre ! La Corse restera sur des mesures symboliques et déclaratives. Pourtant, sur la question des langues régionales, tous les sondages et toutes les enquêtes d'opinion sont unanimes : les Français veulent que leurs langues régionales soient protégées et encadrées par une loi. Désormais, les nouveaux États qui entreront dans l'Union Européenne devront ratifier la Charte. La France, qui aime donner des leçons aux autres en matière de démocratie, se met elle même au ban des démocraties européennes. C'est pour plusieurs observateurs une illustration supplémentaire du fonctionnement chaotique du gouvernement français de François Hollande. Mais, sur cette question des langues régionales, tous les gouvernements français ont privilégié la non-intervention stratégique.

    On l’a compris : le dossier corse n’avancera pas plus avec Hollande qu’il ne l’avait fait avec Sarkozy et d’autant moins que certains sujets font toujours débat chez l’électorat insulaire derrière une apparente majorité obtenue à l’Assemblée de Corse. Nous n’avons pas entendu évoquer la possibilité de passer par la voie référendaire notamment sur  l’accroissement du pouvoir législatif et réglementaire de la Collectivité Territoriale de Corse. Il faut rappeler que François Hollande lui-même n’affectionne pas particulièrement  le référendum, même si, à l'occasion de son discours au Conseil constitutionnel célébrant le 55e anniversaire de la Ve République, il a promis de "mieux associer les citoyens à la vie publique". Pour ce faire, il a notamment annoncé un projet de loi "avant la fin de l'année" visant à instaurer le "référendum d'initiative populaire", introduit en 2008 sous la présidence de Nicolas Sarkozy dans l'article 11 de la Constitution.  Selon l'article 11 de la Constitution en 2008, les citoyens peuvent être consultés par référendum sur un projet de loi relatif à l'organisation des pouvoirs publics, la politique économique, sociale ou environnementale. Ce dispositif (dans lequel le terme « populaire » est abusif) nécessite une loi organique pour être appliqué et pourrait ne jamais déboucher sur un référendum véritablement populaire. En outre, son périmètre  sera limité.

    François Hollande est venu en Corse. Nous retiendrons tout de même qu’il a rappelé à toute la France que la Corse contribua à la libération de la France par une insurrection populaire contre les Occupants. Il a rappelé que les Goumiers marocains avaient aussi participé à la libération de la Corse, premier territoire libéré de l’occupation nazie et fasciste. Ce n’est là que rétablir l’histoire en ce qui concerne l’attitude patriotique et héroïque des Corses, des résistants communistes et des Goumiers marocains, longtemps tenue sous l’éteignoir. Il aura fallu 70 ans pour le faire. De nombreux résistants auraient été vite oubliés si les Corses eux-mêmes n’avaient pas gardé leur mémoire.

    C’était hier aussi l’occasion pour le chef de l’Etat de se prononcer sur les sujets qui se débattent à l’Assemblée de Corse au lieu de se montrer d’abord agacé par les dits sujets pour finalement parler pour ne rien dire. Les Corses ont sans doute noté l’absence de la tête de Maure à côté de ceux de la France et de l’Europe lors des cérémonies à Bastia. Pourtant ce drapeau allait bien avec la présence des vieux Goumiers marocains. Des Corses ont donné leur vie pour la France mais aussi pour et au nom de la Corse. Des Marocains sont venus leur donner main forte.  Un bout de l’histoire nationale face à l’occupation nazie et fasciste mais aussi de l’histoire coloniale de la France avec la connotation péjorative donnée au mot « Goumier [1]» dans le monde du travail.

    Allez ! Malgré quelques loupées et oublis dans les cérémonies, on ne peut que s’associer à ce rappel historique tardif et aux hommages rendus à nos  résistants corses de tous bords politiques mais aussi à ces Goumiers marocains venus à notre rescousse. Depuis la guerre, la Corse a accueilli des Marocains qui forment la communauté étrangère la plus importante sur l’île. C’est la preuve du lien qui s’est tissé entre les deux peuples.

    Hier, on a défilé pour la commémoration de la libération de la Corse en 1943 et Hollande s'est défilé sur l'avenir de la Corse du Vingt-et-unième siècle.

    Battone

     
     


    [1] Les goumiers marocains étaient des soldats appartenant à des goums, unités d’infanterie légères de l'armée d'Afrique composées de troupes autochtones marocaines sous encadrement essentiellement français. Ces unités ont existé de 1908 à 1956. Dans le monde du travail, on qualifie de « goumier de service »  celui qui obéit et fait le travail pour les autres.

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