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J'ai un rêve pour les Syriens...
François Hollande joue le va t’en guerre en rappelant son succès malien. Il se place ainsi comme le grand ami de l’oncle Sam par une accélération de sa prise de position qui lui fait doubler la ligne plus prudente des parlementaires britanniques qui ont mis la bride au fougueux Cameron. Le dictateur Bachar El - Assad est accusé d’avoir utilisé des armes chimiques contre une partie de sa population. Des experts de l’ONU enquêtent mais peu importe le résultat de leurs investigations, il faut châtier Assad. Il s’agit pourtant d’une guerre civile dans laquelle la seule ingérence sur le terrain des actions guerrières est celle de djihadistes de la mouvance Al Qaïda.
Qui sont les victimes ? La population tout entière.
Qui sont les assassins ? Il y en a dans les deux camps.
Quel rapport peut-il y avoir avec le Mali ? Au Mali, la France était aux côtés des Maliens et du pouvoir en place contre des djihadistes. L’affaire malienne a été une conséquence collatérale du bourbier libyen puisque c’est en Lybie que nous avons participé à l’armement des mêmes djihadistes. En Syrie, on nous refait le coup de la Lybie… Sauf que trois grands pays s’opposent à toute ingérence : la Russie (très fermement), la Chine et l’Iran. Alors on nous dit qu’il s’agit encore de réagir à des massacres de populations et à l’usage des armes chimiques. Qui a vendu ces armes aux Syriens ? Qui détient ces armes ? Il a même été question d’usage de napalm et de bombes au phosphore… Se souvient-on de l’usage de ces bombes par les Américains au Viet Nam ? Se souvient-on d’Hiroshima ? Se souvient-on de tous les génocides du Vingtième siècle ?
Tous les pays ont des cadavres dans leurs placards. Par ailleurs, les amis d’hier comme Kadhafi, Moubarak… et Assad deviennent les tyrans d’aujourd’hui. Cela s’appelle « changer son fusil d’épaule ». Ce n’est pas en jouant au gendarme néo-colonialiste que l’on résoudra le problème des régimes despotiques dans les anciennes colonies.
L’histoire a toujours démontré que les grandes nations agissent par stratégie et jamais par humanisme. Les Américains se sont déjà fourvoyés en Irak et en Afghanistan. Il y a un peu plus d'un an, le président américain avait mis en garde le régime de Damas : l'utilisation d'armes chimiques constituerait une "ligne rouge" à ne pas franchir. La crédibilité de M. Obama serait donc en jeu. "Il est dangereux que les menaces d'un président sonnent creux", prévient le journaliste Michael Crowley. Le but ultime, résume Aaron Miller,est de rester du bon côté de l'histoire face au plus grand déploiement d'armes chimiques depuis que Saddam Hussein les a utilisées contre les Kurdes et les Iraniens." Les commentaires vont bon train sur les motivations américaines et le caractère symbolique de son éventuelle intervention. Hollande vient de se mettre dans le même dilemme en préconisant l’intervention. Il a mis sur le tapis sa crédibilité et celle de la France. Il vaudrait mieux agir que de ne rien faire contre l’utilisation des armes chimiques. Voilà l’explication qui poussera à intervenir. On se souvient pourtant que Saddam Hussein avait fait gazer des villages kurdes en Irak et des iraniens lors de la guerre irako-iranienne. Finalement l’intervention américaine s’est faite bien plus tard sur de fausses preuves de fabrication d’armes nucléaires et donc loin de l’usage des armes chimiques. Avec le recul de l’Histoire, la politique des Etats-Unis apparaît à géométrie variable. Hollande semble pour sa part se mettre sur une ligne interventionniste. L’intervention au Mali semble avoir éveillé chez lui une vocation de gendarme du Monde, à moins qu’il ne compte à chaque intervention militaire gagner quelques points dans les sondages.
Nous avons participé au conflit libyen et à ses conséquences qui ont été l’armement et le renforcement des mouvements djihadistes. Peut-on dire que le printemps arabe soit un succès en Egypte lorsqu’un gouvernement islamiste élu démocratiquement est renversé par un coup d’état dans l’indifférence de la communauté internationale ?
Partout où les Etats-Unis et ses alliés interviennent, nous assistons à la chienlit et à la montée de l’intégrisme. Alors qu’Obama réfléchissait encore sur la décision à prendre, Hollande a rapidement tranché pour châtier Assad. Les parlementaires français pourront en discuter à postériori. Seul le Président décide. Le premier Ministre anglais n’a pas autant de pouvoir ( ni la Reine d’Angleterre d’ailleurs). A qui profiterait l’intervention ? Sans doute à ceux qui ont rallié l’idée comme la Turquie (qui ne reconnait pas le génocide arménien) et Israël (qui ne reconnaît officiellement que le génocide juif et n’a toujours pas résolu le problème palestinien et ses rapports avec le monde arabe).
Il est révoltant que des populations soient massacrées et prises en otages par les belligérants. Toutefois, une intervention militaire ne doit pas être décidée pour rester crédible ou monter dans les sondages. En Syrie, se ranger dans un camp ne fait que renforcer la force de l’autre qui commet aussi des atrocités par barbarie et dans le but d’imposer la charia dans tous les pays arabes. Tous pratiquent la terreur selon le concept de “guerre totale ”, tel que l’a défini le général américain Philip Shéridan. Pour ce stratège cynique, en temps de guerre, il fallait infliger autant de coups décisifs que possible à l’armée ennemie et causer aux habitants tant de souffrance qu’ils en vinssent à souhaiter la paix. Il avait même ajouté : « La population doit être réduite à n’avoir plus que les yeux pour pleurer à cause de la Guerre ».
N’y a-t-il pas d’autres voies qu’une intervention qui va jeter de l’huile sur le feu, tout en assurant qu’il ne s’agit pas de renverser Assad? N’est-ce pas prendre le risque de le rendre plus fort encore ? Au lieu de recréer les conditions d’une guerre froide avec la Russie, il serait plus logique de faire acte de diplomatie pour obtenir de Vladimir Poutine une intervention ferme auprès d’Assad. Seuls les Russes peuvent forcer Assad à renoncer à l’usage des armes chimiques et plus généralement à protéger toute la population syrienne comme il en a le devoir. Ensuite, c’est aux forces progressistes et démocratiques syriennes de changer les choses. Elles ont besoin d’un soutien international mais uniquement financier et moral. « Nous sommes sur la poudrière du monde… on ne joue pas avec le feu…Ce ne peut pas être le système des shérifs", a déclaré Mélenchon qui qualifie toute intervention militaire d’erreur gigantesque. Ce serait, plus qu’une erreur, une faute aux conséquences tragiques. Sur ce point, Pierre Laurent a écrit dans une lettre ouverte à Hollande : « Mais une intervention militaire de Washington et de ses alliés constituerait aujourd'hui un degré supplémentaire dans une escalade sans issue. Bombarder la Syrie serait ajouter la guerre à la guerre, entraînant le risque jusqu'ici inégalé d'un embrasement de toute la région ainsi qu'en témoigne la violence qui s'étend au Liban ».
Ce n’est pas en s’ingérant une fois encore dans un conflit intérieur que l’on participera à l’établissement d’une paix durable. Assad et ses opposants ne sont pas les seuls responsables de ce qui se passe. Il faut s’interroger sur le rôle et la responsabilité des Djihadistes dans cette guerre civile mais aussi sur les motivations de ceux qui financent les deux camps. Qui finance Assad ? Qui finance Les djihadistes ? La presse a cité L’Arabie Saoudite d’un côté et le Qatar de l’autre.
La Syrie, comme d’autres pays, n’a pas une population homogène. Les fractures sociales y sont plus importantes que dans le monde occidental. La pauvreté y a ses légions. On y rencontre des communautés différentes aux multiples confessions. Le monde arabe est lui-même divisé en deux civilisations principales, sunnite et chiite. On peut imaginer les manipulations exercées et les divisions entretenues intra et extra muros. Les conflits sont toujours d’une grande complexité et ne peuvent être réglés par des frappes de missiles. En dehors de l’ONU, toute intervention apparaît inopportune et contre-productive. A vouloir jouer les gendarmes du Monde, on accumule les bavures humaines et politiques. Le monde changera lorsque les conflits se régleront d’abord par la voie diplomatique. En attendant, il apparaît plus urgent d’organiser des couloirs humanitaires et de chercher les moyens de protéger efficacement les populations.
Ce ne sont pas des chefs de guerre qu’il faut aux Syriens mais un Martin Luther King dont on vient de remémorer le fameux discours prononcé devant 250.000 Américains à Washington le 28 août 1963. I have a dream… J'ai un rêve, qu'un jour, cette nation se lèvera et vivra le vrai sens de sa foi : « Nous tenons ces vérités comme allant de soi, que les hommes naissent égaux. »
Pidone
Tags : Syrie, Obama, Hollande, Assad, Martin Luther King
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