• L'ENA et son anagramme

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    Fleur Pellerin, ministre de la culture, a révélé qu’elle ne lisait que les notes, les textes législatifs… mais pas d’autre littérature depuis deux ans. Que Fleur Pellerin ne lise pas, c’est son droit mais, alors, qu’elle n’incarne pas la culture. Elle en représente une conception économique et technologique qui est plus proche de l’anti-culture. Elle ne pouvait même pas se souvenir de la note qu’on a dû lui fournir sur Patrick Modiano, prix Goncourt 2014. Il s’agit d’une femme mais notre propos n’est pas sexiste  car nous pourrions prendre n’importe quel énarque parvenu, et, en premier lieu, l’actuel président de la république. Nous avons simplement puisé dans l’actualité un exemple frappant du système énarchique. L’aveu de Fleur Pellerin est révélateur de l’énarchie qui fabrique des technocrates ambitieux. Les énarques pensent pouvoir faire preuve de compétences dans tous les domaines, y compris là où ils ne sont que des béotiens.  C’est ce qu’exprime une citation de Michel Audiart extraite du film « Le Président » : « On est gouverné par des lascars qui fixent le prix de la betterave et qui ne sauraient pas faire pousser des radis ».  Leur gestion comptable s’avère le plus souvent affligeante et leur communication est jalonnée de gourdes plus grosses que leurs ambitions. On pourrait revenir sur les propos d’Emmanuel Macron lorsqu’il parle d’illettrisme ou d’autocars pour les pauvres… etc.

    Avec Nicolas Sarkozy, c’est la profession d’avocat d’affaires qui a rencontré un engouement chez les politiques y compris chez quelques énarques qui se sont inscrits au barreau en faisant valider leurs acquis professionnels (on se demande lesquels ?) et des équivalences de diplômes. Cette reconversion concerne même  un ancien premier ministre de Chirac que nous avons déjà évoqué plus haut, énarque de la même promotion que Ségolène Royal et François Hollande. Dominique de Villepin s’occupe maintenant d’affaires privées de gros sous. Les énarques bénéficient d’une équivalence de diplômes. Jean-François Copé a ainsi ajouté à ces mandats son activité d’avocat d’affaires, ce qui lui a été reproché. François Hollande et Ségolène Royal pourront en faire autant. Avocat d’affaires pour quoi faire ? Si l’on suit l’actualité, les affaires les plus lucratives seraient de lever des fonds de placement, c’est-à-dire de participer à la spéculation. Le professeur d’économie et avocat d’affaires Dominique Strauss-Kahn a enseigné à l’ENA. Moins une, s’il n’avait été rattrapé par ses frasques érotiques, il était candidat aux primaires socialistes, avec les libéraux derrière lui. Aujourd’hui, il revient dans l’actualité à travers un fonds de placement Leyne Strauss-Kahn  Partners et le suicide de son associé, homme d’affaires franco-israélien.

     « L’ENA, c’est purement et simplement deux concours : un concours d’entrée et un concours de sortie. Entre les deux, rien. Et, en particulier, pas de travail de recherche, pas de travail sérieux et approfondi ».  [Jean-Pierre Chevènement, l’Express, 10 juin 1993]. Un énarque en sort  multifonction. Il sait tout faire mais il fait tout de la même façon et rien de bien. Il coûte plus qu’il ne rend service à la société. En fait sa principale préoccupation est son développement de carrière et la politique est une sorte de tunnel qui le mène aux plus hauts postes. Les énarques sont formatés, coulés dans un moule conservateur et libéral. Leurs enseignants et leurs ainés leur expliquent qu’ils sont le gratin de l’élite nationale. Ils le croient, se gonflent d’orgueil et perdent toute modestie. A partir de là, les plus belles espérances de carrière s’offrent à eux,  par le canal administratif ou politique. Il leur faut trouver le bon sillage, celui d’un mentor. Les deux canaux peuvent les conduire jusqu’à un poste de ministre, voir de premier ministre (Le chiraquien de Villepin en est l’exemple, puisqu’il n’a jamais été élu). François Hollande a choisi l’ascension politique en se servant du parti socialiste et de sillage de Lionel Jospin. Il doit cependant son élection au rejet de l’avocat d’affaires Nicolas Sarkozy. Il a été élu par défaut.

    En 2012, nous avons eu le choix entre la république des avocats d’affaires et la république des énarques. Nous savons que ces deux milieux sont poreux et l’élection présidentielle  n’offre plus qu’un choix par défaut. En 2012, Nicolas Sarkozy s’est fait virer et en 2017, il en sera de même pour François Hollande. A droite la bataille des primaires se joue essentiellement entre l’énarque Alain Juppé et l’avocat d’affaires Nicolas Sarkozy qui ne lâche pas l’affaire. Si on en croit les pronostics nous pourrions avoir un deuxième tour entre l’avocate Marine Le Pen et l’avocat Nicolas Sarkozy, à moins que ce ne soit l’énarque Alain Juppé si Sarko ne survit pas politiquement à ses démêlés judiciaires.

    La république est, par défaut, entre les mains d’avocats d’affaires et de technocrates ambitieux qui sont passés par l’ENA. Pour la plupart de ces politiciens, le conflit d’intérêt ne pose aucun problème moral. Selon le principe de Peter ( de la promotion Focus et faux-cul), ils atteignent, grâce au système politico-médiatique, leur niveau d’incompétence mais  l’essentiel, pour les lobbies et le monde de la finance, est qu’ils assurent une alternance libérale et tuent toute tentative de politique de gauche dans l’œuf.

    Si on joue aux anagrammes, on obtient avec l’ENA le mot ANE, le symbole de l’ignorance. Ce n’est pas l’âne sensible et intelligent de Robert Bresson dans le film « Au hasard Balthazar ! » mais celui du bonnet des mauvaises élèves. Jouons avec « avocat », on obtient « Octave » pour ceux qui connaissent la musique. L’avocat est le celui qui parle une octave plus haut que les autres. Les mots disent parfois l’envers des choses. On peut alors penser qu’il faut se garder des technocrates et de ceux qui parlent plus fort que les autres.

    U barbutu

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