• L'immobilisme coupable contre la corruption

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    Si on regarde les indices de corruption et de démocratie dans les tableaux publiés par l’organisation Transparency International, la France était en 2008 au 23ème rang des bons élèves pour la corruption (à égalité avec le Chili et l’Uruguay) et au 24ème rang pour la démocratie (derrière la Grèce et l’Uruguay). Toutefois l’indice « démocratie »  est à la baisse fin 2010 et l’indice de corruption reste stable jusqu’en 2011. Selon les résultats de cet organisme, la France n’aurait donc pas progressé en matière de lutte contre la corruption et d’amélioration de sa démocratie. Le pays qui se dit « celui des droits de l’homme » ne serait qu’un élève moyen dans des domaines où il devrait atteindre l’excellence.

    Le monde est toujours aussi corrompu. C'est le bilan, sans doute caricatural mais vraisemblable que l'on peut tirer du classement 2012 publié par Transparency International. Selon l'ONG, "deux tiers des 176 pays évalués dans l'indice 2012 obtiennent un score inférieur à 50, sur une échelle allant de 0 (perçu comme fortement corrompu) à 100 (perçu comme très peu corrompu)". Le Danemark, la Finlande et la Nouvelle-Zélande sont toujours en tête des bons élèves. occupent conjointement la première place avec un score de 90, grâce notamment à  des règles régissant le comportement de leur dirigeants. En dernière place, on trouve l'Afghanistan, la Corée du Nord et la Somalie. La France a avancé d’une place en étant 22ème  derrière les Bahamas, l’Uruguay et le Chili. Elle a gagné une place en passant notamment devant Sainte Lucie (22ème en 2008) mais est décrochée par l’Uruguay et le Chili. On peut dire qu’elle reste, aux yeux de l’ONG, dans l’immobilisme contre la corruption.

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    Dans chaque pays, comme au sein du Conseil de l’Europe, les débats sur la corruption conduisent au besoin de nouvelles normes, visant à l’éradiquer. Les historiens nous expliquent que les phénomènes de corruption, dans leurs formes actuelles, sont apparus, en France et en Allemagne, entre le début du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle. La corruption politique aurait une histoire et correspond le plus souvent à  l’abus d’une position publique à des fins privées.  Ainsi se perpétuent des pratiques politiques dominées par des faveurs. Les scandales se succèdent et nous interrogent sur la morale publique et sur la probité des gouvernants. Les affaires de corruption seraient non seulement des révélateurs de cultures civiques préexistantes, mais aussi des moments clés d’institution de ces modèles éthiques.  Olivier Dard, historien de la corruption a fait un point sur le sujet sur le site Novaplanet dans la rubrique « L’invité de 2H15 avant la fin du monde. Vous pouvez l’écouter en cliquant ICI

    Force est de constater que ceux qui devraient mettre un terme aux conditions qui favorisent le passage à l’acte de corruption sont ceux qui sont placés dans les dites conditions et s’évertuent à ne perdre aucun de leurs avantages qu'ils se sont employés à augmenter régulièrement. Dès que l’on parle de transparence, ils se montrent offusqués qu’on leur fasse des procès d’intention, se disent élus du peuple et à ce titre insoupçonnables. Nous l’avons vu lorsque nous comparons les annonces de réforme du candidat Hollande et la réalité de la réformette qui s’en est suivie. On ne peut plus s’étonner de l’ampleur prise par la corruption et de la dégradation des mœurs politiques dans un système où des élus et des hauts fonctionnaires s’installent confortablement dans des rentes de situation. D’ailleurs ces rentes ont été multipliées par la création de nouvelles collectivités locales sensées répondre à plus de démocratie et d’efficacité. Ainsi, pour exemple,  la France a été dotée de Conseils régionaux comme si les conseils généraux et les mairies ne suffisaient pas. Dans le monde politique, il n’y a pas de chômage, pas de petits salaires et pas de problèmes de retraite. Si un politique perd des élections au suffrage universel, il peut être recasé par des grands électeurs dans des fonctions dont celles de sénateur.  Et comme les élections sont aussi une question d’argent, les financements occultes sont moralement admis sous le faux prétexte qu’il n’y a pas eu enrichissement personnel. Malgré les règles en vigueur, le favoritisme et le clientélisme sont tolérés. Quel sont les critères qui définissent la corruption ? C’est le scandale qui éclate, les articles de presse et les mises en examen par la Justice. Alors les corrompus crient leur innocence, leurs amis politiques donnent de la voix, les juges sont accusés de partialité, une kyrielle de maîtres du Barreau cherchent les vices de forme dans les procédures… etc. Si l’affaire va à son terme et si l’immunité n’est plus effective, ce sont des lampistes qui trinquent et seront remerciés plus tard lorsqu’ils auront purgé quelques années d’inéligibilité. Ils arrivent même à se faire réélire dans leurs fiefs.

    Comment cette tradition de la corruption peut-elle cesser dans ces conditions ? Qu’a-t-il était fait pour que cela cesse vraiment ? Rien. Un Président de la république peut être suspecté d’avoir commis des malversations pendant son quinquennat mais il ne sera pas poursuivi. Au bout de cinq ans, si des malversations datant d’avant son élection pourraient lui être reprochées, le problème de la prescription se pose, à moins que des juges tenaces n’arrêtent pas pendant plusieurs années de faire des actes interruptifs pour reculer la date de prescription. Les députés et les sénateurs sont couverts par l’immunité parlementaire. Ils peuvent compter sur le soutien de leurs aliés politiques, des ministres, du Premier ministre et du Président de la république lorsqu’ils font partie de la même majorité. Nous l’avons vu récemment avec Woerth et Cahuzac. Ce dernier n’a été lâché que tardivement. Woerth a toujours été soutenu tant que Nicolas Sarkozy était mis en examen dans la même affaire. Nous verrons la suite puisque l’ancien Chef de l’Etat ne sera pas renvoyé en Correctionnelle.

    François Hollande a, sur les points de la transparence et de la moralisation des mœurs politiques, fait là encore marche arrière. Contrairement à son engagement, il s’inscrit donc dans la lignée de ceux qui participent à  l’histoire de la corruption : une histoire qui n’en finit pas et rend l'immobilisme législatif coupable. 

    Pourtant on sait depuis des siècles que le pouvoir corrompt et qu’il faut apporter , aujourd’hui encore, de nouvelles normes pour sauver la démocratie. Pour commencer il faudrait non seulement limiter le cumul des mandats mais aussi le nombre de mandats successifs pour éviter l’enracinement d’éléphants politiques  dans des fiefs électoraux et pour accélérer le renouvellement de la classe politique. Il faut empêcher le système des carrières politiques qui durent soixante ans et à l’issue desquelles des vieux laissent la place à de jeunes vieux après leur avoir  transmis leurs us et coutumes. Ces vieux jeunes loups aux dents qui rayent le parquet se montrent de moins en moins soucieux du bien public et de plus en plus perméables aux lobbies de tous poils. Ils développent après cinquante ans des appétits féroces dont l’apogée se situe au plus haut niveau de l’Etat.

    Battone

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