• L'imposture des aboyeurs...

    A l’époque de Molière, la querelle autour du Tartuffe, par ces ramifications politiques, théologiques, autant que littéraires, installa l’imposture au cœur des débats du temps, faisant d’elle une clé d’interprétation des troubles sociaux qui agitaient l’Ancien Régime. L’imposture apparaît souvent comme le lieu, plutôt que d’une opposition radicale du vrai et du faux, de leur reconfiguration, d’une ambigüité, d’un brouillage. C’est pourquoi elle est souvent réciproque : Molière accuse les dévots d’imposture et à leur tour les dévots l’accusent d’imposture libertine. Rousseau et les philosophes s’accusent mutuellement d’hypocrisie. Les stratégies d’accusation sont parfois plus signifiantes encore que l’imposture elle-même.

    Autour de la mise en examen de Sartkozy, toute une myriade de termes gravite: duplicité, mensonge, hypocrisie, masque, mystification, etc., toujours en relation avec une apparence trompeuse. Vauvenargues, dans une sentence très suggestive, fait de l’imposture la matrice de toutes les fausses apparences : « L’imposture est le masque de la vérité ; la fausseté, une imposture naturelle ; la dissimulation une imposture réfléchie ; la fourberie une imposture qui veut nuire ; la duplicité, une imposture qui a deux faces » (Introduction à la connaissance de l’esprit humain, 1746).

    Dans un contexte de confrontation idéologique, l’accusation d’imposture devient une arme rhétorique imparable pour discréditer l’ennemi politique. Sarkozy manie à la perfection tous les instruments d’une pratique corrompue du pouvoir. On apprend qu’il aurait tout fait pour bloquer les enquêtes judiciaires dans lesquelles il est cité et qu’il aurait aussi voulu empêcher les articles dans certains journaux. Aujourd’hui sa garde prétorienne UMP monte aux créneaux pour dénoncer un complot politique. Ils n’hésitent pas à accuser les magistrats. Le juge d'instruction Gentil est en première ligne et on le traite de gauchiste. gentil_chiensOn se souvient que Sarkozy voulait supprimer les juges d’instruction pas assez soumis au pouvoir politique. Il est le seul à s’être attaqué à la liberté de ces juges et aujourd’hui il voudrait faire croire qu’ils sont manipulés par la Gauche. Il dénonce l’imposture judiciaire alors qu’il est soupçonné d’avoir utilisé le Procureur Courroye pour superviser l’affaire Béttencourt. Où est l’imposture ? Ses lieutenants parlent d’une accélération de  l’instruction alors que l’affaire remonte à plusieurs années et que, si on les écoute, ce n’est jamais le bon moment. Tous les juristes savent que les juges traitent la partie délicate de la mise en examen loin des échéances électorales, c’est le seul tempo qu’ils s’imposent justement pour ne pas être accusés de vouloir peser dans le débat démocratique.

    Sarkozy est outré. Son avocat fait appel de la mise en examen. Ils sont dans leurs rôles.  En revanche, la cabbale de ses lieutenants contre les magistrats est une imposture grave et une tentative d’intimidation intolérable. Ses aboyeurs sont lâchés. Chacun y va de son mot : traquenard, injustice, complot, acharnement… Seuls ses deux successeurs putatifs  restent sur la réserve et refusent de mettre en cause la justice.  

    « Un vrai républicain ne craint pas la lumière » (Marie-Joseph CHÉNIER, Timoléon, acte II, scène 5).   Revenons sur l’aspect juridique du dossier. Pourquoi l’abus de faiblesse est-il le chef de mise en examen retenu ? D’abord il y a les éléments constitutifs du délit. Liliane Béttencourt était considérée par le corps médical en état de faiblesse mentale à l’époque des faits, c’est-à-dire des remises supposées d’argent à Sarkozy. Pourquoi le financement illicite de sa campagne électorale n’est-il pas visé ? Un délit est prescrit au bout de 3 ans dans le cas où il n’y a pas eu de poursuite et d’actes interruptifs pendant cette période. C’est le cas pour cette infraction non visée. Il faut donc savoir que la présidence est quinquennale et l’immunité du président couvre tous les délits commis avant, sauf ceux qui ont une règle de prescription particulière comme l’abus de faiblesse (la prescription part de la date de découverte du délit et non de celle de sa commission) ou qui ont fait l’objet d’actes de procédure ininterrompus. La mise en cause de Nicolas Sarkozy est apparue depuis seulement deux ans avec la publication des enregistrements de l’ancien majordome de Liliane Béttencourt. D’abord confiée au Procureur Philippe Courroye, ami de Nicolas Sarkozy, l’affaire a été délocalisée à Bordeaux et les journaux ont parlé des conditions du dessaisissement du procureur Courroye.

    Une mise en examen est motivée et le passage de témoin assisté au statut de mis en examen ne peut intervenir que si des charges graves et concordantes sont réunies, même si le mis en examen reste présumé innocent tant qu’il n’est pas condamné. Pour Sarkozy, elle intervient à la suite des témoignages de quatre employés de Liliane Béttencourt. Rappelons que, dans le dossier, il est apparu que de grosses sommes d’argent en liquidités ont été rapatriées par Liliane Béttencourt dans la période qui a précédé l’élection de Sarkozy dont les comptes de campagne ont été invalidés. Sarkozy a fait un recours auprès du Conseil constitutionnel  présidé par l’ancien président UMP de l’Assemblée nationale Jean-Louis Debré et où il siège lui-même. Cela pose le problème de sa place d’ancien président de la république et de sa présence au sein de ce conseil dit des « Sages ». Imposture ?

    Personne n’est dupe. Il y a bien le feu dans la maison de l'UMP. Alors on allume un contre-feu médiatique en criant à l'imposture. Dans l’affaire Béttencourt, Sarkozy est égratigné et risque surtout l’inéligibilité. Liliane Béttencourt a bénéficié par la suite du bouclier fiscal et on peut se poser la question du lien qu’il pourrait y avoir entre le financement de la campagne de Sarkozy et le bouclier fiscal. Est-elle victime ? D’autres géraient ses affaires. Les Français ont suffisamment d’éléments pour se faire une idée sur Sarko et sa meute. Il apparaît en filigrane dans d’autres affaires dont le scandale de la procédure spéciale qui a débouché sur l’indemnisation de Tapie à hauteur de 400.000 millions d’euros. Donc la suite à la prochaine mise en examen… Quelles seront les suites judiciaires données à l'affaire Karachi, aux sondages d'opinion qualifiés d'abusifs, aux accusations de financement lancées par le fils Kadhafi... Acharnement judiciaire?... Les chiens aboient, la caravane passe !

    Fucone

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