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La charrette de Fillon et son Chartier
« Des charrettes chargées de pierre, de bois ou de tonneaux, conduites par des charretiers brutaux à qui les embarras faisaient renier Dieu avec une énergie endiablée ». Cette phrase est tirée du Capitaine Fracasse, œuvre de Théophile Gautier. Chartier est le nom du porte-parole de François Fillon en tandem avec la députée marseillaise Valerie Boyer. Puisqu’il est porte-parole et donc porteur du sens des mots, Jérôme Chartier doit assumer son nom de famille. On estime généralement que son patronyme est 'une contraction de "charretier". Cependant, deux remarques s'imposent : d'une part, dans la région parisienne au moins, le mot "chartier" apparaît souvent dans les actes comme synonyme de "laboureur" (celui qui a une charrue tirée par des bêtes. Cela expliquerait la métaphore du « sillon » souvent utilisée par Fillon. Fillon trace son sillon. Quel slogan !). D'autre part, dans la Vienne et le Berry, Chartier est un nom de personne, popularisé par saint Chartier (latin Carterius), prêtre au VIe siècle dans un bourg proche de La Châtre qui s'appelle aujourd'hui Saint-Chartier. Lorsqu'il est porté dans cette région, le nom Cartier a sans doute le même sens (même s'il peut aussi désigner une mesure agraire)." Pas de Cartier ! Il nous plaît de rester sur la contraction de « charretier » tant la charrette électorale de François Fillon est lourde à faire avancer, sans quelques reculs stratégiques : privatisation masquée de la Sécurité sociale, abandon des 35 heures, TVA relevée de 2 points, autorisation du cumul des mandats, suppression massive de fonctionnaires nationaux et territoriaux... Usage des ordonnances et de l'article 49.3. Son porte-parole, malgré son nom, n’est pas dans le genre de celui qui « hurle et jure comme un charretier ». Tout son travail consiste à laisser penser que la charrette avance même si elle est immobile car Fillon n’a aucunement l’intention de l’alléger en ce qui concerne ses projets les plus antisociaux. Il compte sur une majorité de mules citoyennes et d’ânes républicains pour tirer le fardeau. Jérôme Chartier explique tout à la façon un bonimenteur. Il distribue du son. Le projet santé n’est pas débarqué. Il est remis à plat et discuté. "Une bonne réforme, c'est une réforme qui arrive à être comprise par chacun. Cette réforme de la santé n'a pas été comprise, ça veut dire qu'elle n'était pas suffisamment aboutie", assure-t-il. On croirait entendre Myriam El Kohmri et Manuel Valls sur la loi travail. Le projet de Fillon n’a pas été compris parce qu’il n’est pas suffisamment abouti. Donc, c’est à chacun de le comprendre et, pour cela, il va être présenté différemment jusqu’à ce qu’il soit compris, c'est-à-dire admis quitte à user des ordonnances et de l'article 49.3. Toutefois la seule chose qu’explique le charretier du programme Fillon est que « Depuis une vingtaine d'années, la Sécu n'assure plus. Elle ne remplit plus l'objectif de 1945 ». C’est bien de la casse de la Sécurité sociale qu’il s’agit mais, dit comme cela, c’est de l’enterrement d’une comateuse qu’il s’agirait. Il faudrait la débrancher. Une fois cela admis, il ne reste plus qu’à dire « ma solution est la seule crédible » parce qu’elle est douloureuse, toutes les autres sont des soins palliatifs. Comme le dit le dicton : « Si tu veux tuer ton chien, tu l’accuses de la rage ».
Fillon, c’est le capitaine qui fracasse tous les acquis sociaux. Il n’a rien à voir cependant avec un personnage de la Commedia dell’arte si ce n’est que le personnage du Capitaine Fracasse correspond à l’âge politique du candidat sorti des primaires de la Droite. Le roman de Théophile Gauthier est paru en 1863 mais cette aventure de cap et d’épée se déroule entre 1637 et 1643. Son Capitaine est fin bretteur et ne refuse pas un duel, qu'il remporte toujours. Son roman est aussi un bel hommage au théâtre et à ses serviteurs, les comédiens. Et puis le capitaine Fracasse est le baron de Sigognac, dernier rejeton d'une famille noble mais ruinée. Le seul lien du roman avec Fillon est le verbe « fracasser » et la citation sur les charretiers. Fillon a dit qu’il voulait « casser la baraque et la reconstruire autrement ». Avec sa charrette électorale dans laquelle il veut conduire 500.000 fonctionnaire à l’échafaud budgétaire, il risque de se fracasser sur le non sens populaire malgré les efforts de son charretier.
On pourrait dire des porte-paroles, ce que Gauthier a écrit des comédiens dans son roman : « L'art du comédien est de se ménager et de ne présenter que les apparences des choses. Il doit être froid en brûlant les planches et rester tranquille au milieu des plus grandes furies ». Jérôme Chartier semble avoir assimilé l’art du comédien. Il est devenu le traducteur de François Fillon dan la comédie du langage. Il faut dire que, au sein de l’UMP, il avait été chargé de la « pédagogie des réformes » qui peut se traduire, avec Fillon, par « comment faire avaler des couleuvres antisociales ? ». Quelles fables vont-ils inventer ? Nous connaissons celle du chartier embourbé, écrite encore par jean de la Fontaine. A l’époque Charretier s’écrivait chartier. Fillon et Chartier, ce Phaéton, ont déjà mal dirigé leur charrette antisociale, elle sera foudroyée par l’électorat populaire.
Il faut maintenant plus sérieusement rappeler que Jérôme Chartier a rejoint, à partir de 1997, un groupe de restructuration d'entreprises et travaillé successivement pour des fonds d'investissements, des groupes industriels et des sociétés de gestion de participations majoritaires. En 2001, il fonde avec des partenaires une holding de participations, qu'il cédera après son élection à l'Assemblée nationale en 2002 pour se consacrer entièrement à son activité politique. Il est député du Val d’Oise et maire de Domont. Il a écrit deux ouvrages dont l’un est intitulé « Le lifting de Marianne » et l’autre « L’éloge du travail ». Lorsque l’on connaît le programme de Fillon, on peut imaginer sous quel angle ces essais ont été écrits. En 2003, Il est nommé Young Leader de la French-American Foundation. Parmi les généreux donateurs de la FAF, on trouve la banque Lazard, Franck Carluccii du groupe Carlyle, et David Rockfeller , ancien président de CFR et créateur de la Trilmatérale. La French-American Foundation - France est la principale organisation qui se consacre à « renforcer les liens entre la France et les États-Unis »[2]. Des membres du PS y ont été reçus : Montebourg (en 2000) et Najat-Belkacem notamment (2006) mais également Macron, young leader de la FAF promotion 2012, qui s’y est exprimé le 7 septembre dernier. Peut-être y a-t-il trouvé de nouveaux parrains ? Cette fondation chasse celles et ceux qui sont appelés à accéder à de hautes fonctions. « Young leaders » est le programme-phare. Chaque année, vingt français et américains âgés de 30 à 40 ans et appelés à jouer un rôle important dans les relations franco-américaines, sont sélectionnés par un jury en France et aux Etats-Unis. Les candidats retenus participent à deux séminaires de cinq jours chacun, sur deux années consécutives – alternativement en France et aux États-Unis – afin d’échanger sur sujets d’intérêts communs aux deux pays et tisser des liens d’amitié durable. Une visite sur la revue de presse du site de la fondation montre que ses membres sont très préoccupés par le traité de libre-échange entre l’Europe et les USA. Un article explique que la faute du rejet est imputable aux dirigeants européens qui l’ont mal expliqué. Une fois encore, c’est donc la pédagogie qui devrait prendre le relai et il faut trouver de jeunes leaders, des charretiers pour faire avancer la charrette TAFTA, TTIP and co.«Il faut arrêter de dire que c'est un lapin et expliquer pourquoi nous avons besoin d'un ours!» déclarait, lors d’un conférence, Pascal Lamy, ancien directeur de l’OMC, qui nous invente une fable pour dire que le partenariat Europe/USA est avant tout une affaire de confiance. On se demande en définitive s’il fait allusion à une fable méconnue de Jean de la Fontaine . L’ours américain voudrait-il se torcher avec le lapin européen[1] ? Vont-ils vouloir nous faire croire à une fin heureuse. Le lapin se prend pour un ours et l’ours voudrait bien devenir un lapin, et sans s’en rendre compte tous deux marchent main dans la main sur le chemin de la vérité.
La compagne du Young leader promotion 2003, Jérôme Chartier, est une chef d’entreprise également femme politique, Virginie Calmels qui n’est autre que la première adjointe d’Alain Juppé à la mairie de Bordeaux. Ancienne dirigeante des groupes de médias-canal+ et Endemol, elle est actuellement vice-présidente de Bordeaux Métropole. Elle est également présidente de l'EPA Bordeaux-Euratlantique et présidente du conseil de surveillance d'Eurodysney. Cette politicienne était la porte-parole d’Alain Juppé lors de la Primaire de la Droite. Elle est déjà adoubée pour succéder à Juppé, lorsqu’il quittera son fauteuil de maire. On peut dire que ce couple sait se distribuer les rôles et pratique le dicton : « On ne met pas tous ces œufs dans le même panier », d’autant plus que Fillon et Juppé, c’est bonnet blanc et blanc bonnet. Ils ont donc joué gagnant et placé. Si Fillon entre à l’Elysée, c’est le jackpot pour ce couple ambitieux. Si cela avait pu être Juppé, tirage aussi gagnant pour eux au loto de l'élection présidentielle.
Battone
[1] Maître l’Ours et Maître Lapin
Assis sur un coin de verdure
Au coeur d’une forêt de pins
Font leur offrande à la nature.
Chacun a l’esprit à sa tâche
Pour alléger son estomac
Lors tous deux forcent sans relâche
Et Maître l’Ours tient ce débat :
« Dites-moi, Monsieur du Lapin,
Ne trouvez-vous point que parfois
Il reste sur votre arrière-train
Les reliefs d’anciens repas
Cela ne vous gène-t-il pas
Qu’une partie de votre fourrure
Après avoir posé ce plat
Attire les mouches et soit dure ? »
« Cela jamais ne m’incommode :
Pour vagabonder dans les prés
La fourrure brune est à la mode
Et l’odeur en est fort prisée. »
Maître l’Ours, à ces mots, se lève,
S’empare de Maître Lapin
Et en poussant un soupir d’aise
Le passe sur son arrière train
Puis il se dandine et repart
Laissant Maître Lapin penaud
D’avoir réalisé trop tard
L’inconséquence de ses mots.
Fort dépité Maître Lapin
Eut la pensée que je vous dis :
« C’est au fondement du besoin
Que l’on reconnaît ses amis »
( Jean de la Fontaine )[2] L’annonce officielle de sa création a été faite en 1976 lors d’un dîner d’État à Washington réunissant les présidents Gerald Ford et Valéry Giscard d’Estaing à l’occasion des célébrations du bicentenaire de la Déclaration d’indépendance. Cinq ans plus tard, en 1981, le programme des Young Leaders voit le jour. Il s’agit de la première grande initiative pour bâtir des relations durables entre de jeunes personnalités françaises et américaines appelées à de hautes fonctions. D’autres programmes d’échanges et rencontres seront ensuite créés au fil des années pour permettre à la French-American Foundation d’accomplir sa mission et d’être aujourd’hui l’un des acteurs majeurs de la relation entre la France et les États-Unis.
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