• La coupe est pleine

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    "Cette victoire, face à une équipe ukrainienne qui n’a participé qu’à une seule phase finale de coupe du monde dans son histoire n’est ni un exploit, ni une fin en soi. Elle doit marquer le début de la rédemption pour une équipe de France dont personne n’a oublié les frasques", écrit dans un communiqué Eric Domard, conseiller au sport de Marine Le Pen. Et il ajoute : « Ce n’est pas le concept racialiste de la France black, blanc, beur, qui a sauvé la France hier soir, c’est un collectif, un état d’âme, une abnégation et l’envie de se surpasser ». C’est dit ! Ce qui gêne le Front national c’est le côté black, blanc, beur. Il préfère attribuer la victoire à des concepts : un état d’âme, un surpassement, une abnégation. Cela ne s’arrête pas là et il termine par : « Le Front National salue cet élan de patriotisme réjouissant manifesté aussi bien par les joueurs que par les supporters de l’équipe de France qui illustre toute la force du propos de Marine Le Pen : unis, les Français sont invincibles ». La victoire de la France est l’illustration des propos de Marine Le Pen jusqu’à plagier le slogan chilien «El pueblo unido jamás será vencido» pourtant lancé par des hommes politiquement aux antipodes de l’extrême-droite. Cette chanson chilienne date de 1973. Elle a été écrite par le groupe Quilapayún et sa musique composée par le musicien Sergio Ortega. La  version FN remplace peuple par « Français »  et « jamais vaincu » par « invincible ». Tout est dans la nuance. La dialectique de l’extrême-droite sous-entend toujours la « préférence nationale ». Si le peuple black blanc beur  jamais ne sera vaincu, Albert Einstein a dit par ailleurs que « La majorité des imbéciles reste invincible et satisfaite en toutes circonstances ».  Nous ajoutons un dicton corse : « A vouloir laver la tête de  l’âne, on perd fatigue et savon » (A lavà u capu à l’asinu, si perde fatiga e sapone). En ce sens, l’âne n’est-il pas invincible ?

    Loin de nous l’idée de casser l’enthousiasme d’une victoire mais la cohésion sociale ne dépend pas d’un match de barrage pour accéder à la Coupe de Monde. Si être patriote c’est agiter des banderoles et des drapeaux bleu blanc rouge au stade de France, on se demande quel autre mot employer pour les morts des deux dernières grandes guerres. Lorsque l’on constate les comportements de certains supporters, on pense plutôt au fanatisme. Après la victoire, la police et la presse n’ont pas donné la liste des exactions et des agressions qui ont été enregistrées. Quant aux joueurs, c’est vrai qu’ils ont mouillé le maillot. Ils ont fait leur job car c’est bien d’un job dont il s’agit et il est fort bien rémunéré. Ils ont été collectifs mais chacun joue aussi sa carrière et sa côte sur le marché des transferts. Ils iront au Brésil. Des échos peu flatteurs nous parviennent de ce pays où le foot est roi. Ainsi 16, 2 millions de Brésiliens – 8,5 % de la population - vivent en situation d'extrême pauvreté, avec moins de 70 Reais – 30 euros – par mois. La moitié d'entre eux ont moins de 19 ans, et 40 % moins de 14 ans. 60 % d'entre eux habitent le Nord Est du pays. 22 % sont analphabètes. Sur les 30 millions de Brésiliens vivant en milieu rural, un sur quatre est " très pauvre ".  Que va apporter la coupe du Monde ? Les premières réservations font apparaître que les prix des hôtels augmentent de 600% et ceux des transports intérieurs en avion ont décuplé. Une journée à Rio coûtera 300 €. A qui cette manne financière va-t-elle profiter ? Aux chaînes hôtelières et aux compagnies d’aviation. Qui va pouvoir se payer le déplacement ? Certainement pas le supporter smicard. Il ne pourra même pas faire un prêt car les banques ne prêtent qu’aux riches.  Après le Brésil, il y aura le Qatar. Des articles ont déjà paru sur les conditions inhumaines dans lesquelles sont employés des ouvriers immigrés pour construire toutes les infrastructures nécessaires. Il a même été question d’esclavage.

    Le football est un sport collectif lorsque l’on est sur le terrain. « For the good of the game » est l’un des slogans de la FIFA.  Pour ceux qui sont dans les tribunes, c’est un jeu du cirque. Derrière tout cela, il y a l’argent. Alors on peut bien s’enflammer sur un match mais il ne faudrait pas tomber dans le fanatisme nationaliste ou le hooliganisme. Il ne s’agit pas d’être naïf en s’imaginant que le foot n’est qu’un sport. La presse glose sur la victoire de la France au détriment de l’actualité sociale, politique et internationale. Même la traque du tireur recherché par la police est passée au second plan après avoir monopolisé toutes les chaînes de télévision. Au moment ou nous écrivons, nous apprenons qu’un suspect a été arrêté à Bois Colombes. C’est un marginal mythomane déjà impliqué dans l’affaire Rey-Maupin en 1994. Le foot et le tireur vont occuper le PAF pendant un bon moment.

    Pendant ce temps, le budget d’austérité pour l’année 2014 a été voté, après avoir reçu l’aval de la commission européenne avec une mention médiocre pour l’austérité. La France est en train de perdre officiellement sa souveraineté en matière de budget. La commission européenne vient d’obtenir mandat pour négocier avec les États-Unis un accord visant à instaurer un vaste marché de libre-échange allant bien au-delà des accords déjà conclus dans le cadre de l’OMC. Ce projet, s’il devait être adopté, aurait des conséquences désastreuses sur les droits des peuples en matière sociale, sanitaire, culturelle et environnementale. Apparemment, à part un attentat au Liban visant l’ambassade d’Iran, il ne se passerait plus rien dans le reste du monde si on se fie à la place occupée par l’actualité internationale dans notre information grand public. Les grands journaux télévisés préfèrent parler des faits divers violents et du sport dans un mélange d’informations anxiogènes et de jeux.

    Du pain et des jeux ! La formule remonte à l’empire romain. A quel prix ? Si on regarde l’augmentation de celui de la baguette, l’euro n’a pas fait que des heureux en dehors des boulangers. En ce qui concerne les jeux, les billets pour les matches de foot ne sont pas à la portée des smicards à moins de renoncer au pain. On parle souvent de la « planète sport ». Il est vrai que le monde du foot vit sur une autre planète en forme de ballon rond. On assiste à des psychodrames entre les journalistes sportifs et les joueurs. Les critiques et les moqueries sont rudes en cas de défaite et les détracteurs doivent faire profils bas après une victoire, en attendant une nouvelle défaite pour faire ce qu’ils savent le mieux faire : polémiquer. Des humoristes parlent de choses sérieuses sans se prendre au sérieux alors que les journalistes sportifs se prennent au sérieux en parlant de choses pas sérieuses. Ces mégalomaniaques croient que le résultat d’un match de foot est plus important qu’un vote à l’Assemblée nationale et ils arrivent à en convaincre des supporters décérébrés par le nombre de matches et d’émissions consacrées à leur passion.

    N’allez pas croire que nous n’aimons pas le foot. Nous l’avons pratiqué et regardons un bon match avec plaisir mais avec l’esprit olympique originel, c’est-à-dire «L’essentiel est de participer et  que le meilleur gagne ». Bien sûr, ça fait plaisir de voir gagner l’équipe que l’on soutient mais une belle défaite vaut mieux qu’une mauvaise victoire. On peut aimer le foot sans en faire un défouloir et sans approuver les violences verbales et physiques. On peut aimer le foot et porter un regard critique sur tout ce qu’il véhicule de négatif. On peut aimer le foot sans perdre de vue l’essentiel du « vivre ensemble » qui ne se trouve pas dans un stade de foot mais dans la réalité sociale et le monde du travail. Il y a des luttes sociales dont les victoires sont plus importantes qu’une coupe du Monde. Surtout, selon l’expression,  lorsque la coupe est pleine ! Ce qui est le cas actuellement en matière antisociale. 

    Fucone

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