• La France divisée à redécouper

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    François Hollande a fait sa conversion publique à la « politique de l’offre », caractéristique de la pensée économique de droite. Il veut aussi redessiner la carte de France pour réduire les dépenses publiques.  C’est un dossier récurrent et le Figaro rappelle que Sarkozy l’avait envisagé en 2008 puis avait renoncé devant les réticences politiques. Le « Monde » estime que les régions, en passant de 22 à 15, pourraient ainsi être plus puissantes, à l’image des Länders allemands, et pourraient devenir « des chefs de file du développement économique.» Chacun y va de son analyse en partant d’un constat : la France est un millefeuille administratif. Commune, communautés urbaines, conseils généraux, conseils régionaux… et maintenant vient s’ajouter le concept de « grande Métropole » déjà étrenné à Lyon.

    Tout le monde est d’accord pour une simplification dans la mesure où le seul souci ne serait pas de faire des économies. On va s’apercevoir rapidement que les avis changent lorsque l’on est directement concerné. Et puis il y a tous ces baronnets de la politique qui cumulent allègrement les mandats. Prenons pour exemple notre Premier ministre chargé de réaliser ce projet présidentiel. Il a déjà émis l’hypothèse de supprimer les départements de la petite couronne englobée dans la mégapole du « Grand Paris ». Les dents de certains élus grincent déjà et le premier à contester est Patrick Devedjian. La Droite s’inquiète. Fief historique de la droite, le département le plus riche de France peut-il échapper des mains de l’UMP ?

    La presse quotidienne régionale a aussi réagi. Quel sera le scénario pour la Champagne-Ardennes ? S’interroge L’Ardennais en consultant les élus sur un rapprochement avec la Picardie.  Le Courrier Picard et Le Midi Libre sont dubitatifs. Hollande veut-il la fin du Languedoc-Roussillon. Et la Basse-Normandie? FR3 Corse pose sur son site  la question à tous : « et si votre région disparaissait ? ».

    Toutes les supputations sont permises, des plus réalistes aux plus folles. La France est divisée sur son redécoupage.

    La Corse a déjà subi de multiples réformes avec la création de ses deux départements, son détachement de la région Paca et son statut spécial. A quelle sauce sera-t-elle mangée ? Va-t-on créer trois mégapoles Ajaccio, Bastia et Corte  ? Va-t-on à nouveau rattacher la Corse à la région Paca et dissoudre la Collectivité Territoriale et les départements ? La Corse va-t-elle rester une petite région esseulée parmi des mégapoles et des grandes régions ? 

    La régionalisation et par la suite le statut spécial de la Corse sont des réalisations politiques faites pour permettre de restituer du pouvoir au territoire et à ses habitants. L’austérité qui est au centre de la politique gouvernemental d’un président libéral et patriote va-t-elle entraîner un retour en arrière ? François Hollande ne cherche qu’à faire des économies pour plaire à la Troïka et au patronat. Comme son prédécesseur, il ne fait rien de bon sur le plan social. Le dossier actuel de la SNCM montre ses atermoiements pour sortir cette compagnie maritime de la crise financière dans laquelle la commission européenne l’a plongée et veut la couler. Les deux ministres les plus présents en Corse sont alternativement Manuel Valls et Christiane Taubira. La Police et la Justice. Rien de rassurant en ce qui concerne l’avenir de la Corse en-de-ça et au-delà des monts.  Le nouveau préfet de la Corse a fait ses vœux de nouvel an. Il les a déclinés en trois mots  « Lucidité, Engagement, Confiance »  avec une mise en garde contre « le morcellement et les séparatismes ». Bien sûr, il n’évoquait pas le projet de réforme territoriale. Il pensait aux visées autonomistes et indépendantistes. Qu’il ne s’inquiète donc pas : les Corses sont lucides et non pas peur de s’engager. Par contre, pour ce qui est de la confiance, si n’appillarà[1]

    Nous avons un président qui se dit « pragmatique ». De quel pragmatisme s’agit-il ? Au lieu de vouloir améliorer la vie des gens, il propose de subir et de s’adapter à une évolution néfaste de nos conditions de vie. Il veut s’attaquer au millefeuille des collectivités locales au détriment des petites régions et de nos campagnes avec, pour modèle, la « grande métropole », c’est-à-dire la grande ville qui phagocyte les petites communes d’un département au détriment de nouveaux banlieusards. Il n’ignore pas qu’une concentration des moyens entraîne la concentration des réalisations. Il va reproduire partout le modèle centralisateur de la cité entourée de zones industrielles et de banlieues dortoirs. Il fait de la concentration urbaine une fatalité administrative.  A qui profitent les grandes métropoles. Le Maire de Lyon, précurseur en la matière, vante la sienne en expliquant que les multinationales s’y implantent et que la France a besoin de ces grandes métropoles pour être attractive.

    On a bien compris que la politique de François Hollande et de son gouvernement n’est pas d’améliorer le service public et les conditions de vie de tous les Français à la ville et au champ, mais de leur faire subir la mondialisation comme une fatalité. Il ménage le patronat et  aménage la France ultralibérale. Il parachève l’œuvre de son prédécesseur. Il ose faire ce que ce dernier ne pouvait pas réaliser en trouvant des partisans à droite et en trompant son électorat de gauche.

    Certes, la France a trop d’institutions mais ne faudrait-il pas commencer par s’intéresser au Senat, au Conseil économique et social, au conseil constitutionnel... En ce qui concerne les collectivités locales, est-ce la région ou le département qu’il faut supprimer ? Est-ce le nombre de députés, de conseillers régionaux ou généraux qu’il faut réduire ?  N’est-ce pas aussi tous les privilèges d’une république devenue bananière qu’il faudrait revoir en commençant par ceux de nos élus et de quelques hauts fonctionnaires ?

    La commune reste la collectivité la plus proche du citoyen et la seule à lutter efficacement contre la désertification de nos campagnes. Elle ne doit pas disparaître derrière le monstre froid d’une grande Métropole. Le maire, à condition qu’il ne cumule pas plusieurs fonctions électives, est le plus proche de ses concitoyens. Dans les petites communes, il est souvent plus proche du bénévolat que d’une rente de situation. Des voix s’élèvent déjà pour dire qu’il y a trop de communes en Corse. La Corse a 359 communes dont 236 en Haute-Corse et 124 en Corse du Sud. Sur l’ensemble de la Corse,  119 d’entre-elles n’atteignent pas 100 habitants, avec une moyenne de 55 habitants. Les 23 plus petites réunies en totalisent à peine plus de 500 - 52 insulaires sur cent vivent dans 10 communes, 48 sur cent dans les 350 autres communes. Des villages désertés de l’Intérieur ont déjà disparu. Toutefois, en dix ans, si 53 communes ont perdu 764 habitants, 307 en ont gagné près de 49 000. Rien n’est figé.  Aujourd’hui l’agglomération de Bastia  a 23.000 habitants de plus qu’Ajaccio : 94 000 pour 88 000. Au-delà de tous ces chiffres qui ne tiennent pas compte des fréquentations estivales, il y a des réalités humaines et historiques. Va-t-on sacrifier le bonheur des gens?

    François Hollande a ouvert une boîte de pandore, sans doute pour occuper les esprits et, une fois encore, les détourner de la réalité de sa politique antisociale. Cette réforme des collectivités locales est un écran de fumée qui va alimenter les polémiques. Lorsque l’on parle de ça, on ne parle pas d’autre chose.

    Notre président, en libéral tardivement assumé, mène une politique de renoncement, d’abdication, de désespérance. Il s’enferme dans un « hollandisme » qui trahit les valeurs de la gauche. Une sénatrice socialiste, après sa conférence, l’a trouvé « moche et minable ». Plutôt que se regarder dans les yeux du peuple de gauche, il est allé chercher un regard amoureux à cent mètre de l’Elysée. Affligeant !

    Dans un entretien avec le Point, après la publication de Closer et une violente dispute avec Valérie TrierWeiler mais avant sa conférence de presse, il déclarait avoir pris beaucoup de coups dans sa carrière politique puis ajoutait : « Alors, au début, on se dit: ‘Mince, ça doit être de ma faute.' Il y a toujours une part de responsabilité personnelle. Et puis, après, on s'aperçoit que c'est un système. Donc, ou bien on cède, on se dit que c'est trop dur, ‘Pouce!', drapeau blanc, et on se range sur le côté. Ou bien on tient. Et je tiens». Il a fini par se persuader qu’il a toujours raison et que rien n’est de sa faute. Consternant et Inquiétant ! Qu’il sache que le peuple de gauche ne sortira pas le drapeau blanc et ne se rangera pas sur le côté. Il tiendra plus longtemps que lui.

    U Barbutone


    [1] « Il fera appel », ce qui signifie : « il pourra courir ». On connaît la lenteur et le caractère aléatoire d’un appel en justice.

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