• La tournée du cirque Sarkoland

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    Au fil de ses meetings pour prendre la tête de l’Ump, Nicolas Sarkozy est monté en gamme dans ses discours de matamore. Il fait exploser le baromètre du mensonge. Il pousse le storytelling le plus loin qu’un politicien puisse le faire. Assis dans un fauteuil ou à la tribune, tumultueux,  il déverse des flots de bobards. Il est déjà en campagne pour les élections présidentielles de 2017 alors qu’il s’agit de la présidence de l’Ump, parti dont il ne mentionne jamais le nom car il veut le refonder pour en faire sa machine électorale. Alain Juppé et François Fillon ont des raisons de s’inquiéter. Sarkozy n’a nullement l’intention de passer par des primaires.

    nicoreviens

    Sur les chaises de son public, l’association « Nicolas, reviens » pose des affiches bleues supportant un portrait de leur idole avec l’inscription « Mon président ». Cette association très professionnelle a un site sur lequel sont publiées de fausses informations comme une manipulation du sondage « baromètre de confiance » publié par le journal Le Monde. On y retrouve des chiffres bidons et des bobards comme dans les discours de Sarkozy, leur héros toujours en but à une adversité féroce mais qui promet une issue glorieuse. Depuis le premier meeting à Lambersart (Nord) fin septembre, le cirque Sarko s’est produit deux mois. L’auguste Sarkozy a multiplié les bobards, les chiffres bidons, les récits héroïques, les citations inventées de toutes pièces pour railler l’adversaire…

    Nicolas Sarkozy raconte des histoires à dormir debout. Il force le trait, s’agite sans quitter trop des yeux le texte qu’on lui a écrit. Selon les passages, on le voit content de sa lecture à voix haute surtout lorsqu’il manipule la vérité. La CGT a appelé à voter contre lui en 2012 ? Il dit que «tous les syndicats ont appelé à le faire battre». Et tant pis si la CFDT, l’Unsa ou FO s’étaient refusés à donner des consignes de vote. François Hollande avait promis de sanctuariser le budget de la Culture, qui a en fait baissé de 5% ? Sur scène, Sarkozy raconte que le budget a diminué de 30% et que Hollande avait promis de le «doubler». Il veut supprimer l’ISF alors il dit que la France est le seul pays à prélever cet impôt, ce qui est faux ( voir article ICI).

    En tant que Président de la république, il a voulu se faire une légende européenne en disant qu’il a sauvé l’Europe. Angela Merkel l’a laissé dire uniquement parce qu’elle avait obtenu qu’il soumette le budget national au contrôle de la commission européenne. Ils ont imposé le traité européen. Sarkozy se moquait de François Hollande quand ce dernier parlait de le renégocier et hier à Nîmes il a nié le droit à la commission européenne d’intervenir dans l’établissement du budget de la France, alors qu’il prônait jadis la soumission à des règles qu’il a acceptées pour les Français. François Hollande n’a finalement rien changé du traité européen voulu par un Nicolas Sarkozy en osmose avec Angela Merkel qui lui a même apporté son soutien pour les élections de 2012.

    Le faux discours, l’amnésie, l’autosatisfaction, la vindicte, le mensonge… Il s’y complait. De la résistance nationale et un peu d’euroscepticisme dans son nouveau discours sur l’Europe ! Marine Le Pen doit en rigoler jaune ou se réjouir si elle pense que, in fine, elle récupérera la faction la plus à droite des sarkozistes, ce que les sondages semblent indiquer.  

    Nicolas Sarkozy fait dans l’outrance en s’adressant à des militants convaincus à l’avance. Peu de journalistes corrigent ses mensonges et cela fait des années que ça dure. Il répète même des mensonges vieux de dix ans comme celui des 5% de délinquants qui commettent 50% des crimes et des délits. Il le répète depuis 2007 malgré les dénégations des spécialistes et de l’observatoire national de la délinquance qu’il a créé. Il finit par croire lui-même à ses mensonges. Il doit même penser sincèrement qu’il est un être exceptionnel même s’il lui manque quelques centimètres. Finalement l’assurance qu’il affiche doit être sa solution à ses complexes que trahissent les précautions qu’il prend en public pour paraître plus grand que ce qu’il est.

    Nicolas Sarkozy fait dans la violence verbale. On se souvient qu’il voulait pendre à un croc de boucher Dominique de Villepin. Personne n’a oublié « Casse-toi pauvre con » ou encore la racaille à nettoyer au Karcher.  Un de ses anciens conseillers, Georges-Marc Benhamou  s’est lâché dans une récente interview donnée à la « Revue civique » et reprise en partie par le Nouvel Obs  qui a titré « Sarkozy, c’est le règne de la terreur ». On se souvient des menaces à peine voilées qu’il avaity proférées envers des journalistes sur FR3 avant son élection de 2007. Avoir des grands patrons de presse avec lui ne lui suffisait pas, il voulait mettre au pas les chaînes publiques.

    Hier, à Nîmes lors de son dernier meeting, Nicolas Sarkozy a donné une vision apocalyptique de la France. Pour lui, François Hollande est l’âne rouge comme la bête écarlate de l’apocalypse.  Le président battu en 2012 n’a jamais voulu entendre parler du vrai bilan de son quinquennat mais préfère l’autosatisfaction. Il met François Hollande plus bas que terre, c’est-à-dire au même niveau que lui, ce qui nous paraît le seul vrai constat sur les deux plus mauvais présidents de la Cinquième république. On aurait du mal à trouver ce qui a changé sur le fond en passant de Nicolas Sarkozy à François Hollande. Après l’élection de ce dernier, c’est lui qui a changé pour finalement ne rien changer. Le cap libéral est resté le même.

    Sarkozy multiplie les messages directs ou subliminaux en direction des électeurs d’extrême-droite, sur la famille, le modèle français, la protection des frontières… avec un credo franchouillard : «Nous croyons que la civilisation française est une grande civilisation, que le peuple français est un grand peuple à nul autre pareil dans le monde. (…) Ici, on adopte le style de vie français, on aime la culture française. Ici nous ne voulons plus de guerre de religion, ce n’est plus notre affaire », a-t-il déclaré. Il va nous faire revenir à la formule emblématique "Nos ancêtres les Gaulois" qui se trouve chez Lavisse dans un passage du Dictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire (commencé en 1878 et publié en 1887). Il a fait un dérapage contrôlé sur les origines algérienne et marocaine de Rachida Dati, origines qui lui ont valu le portefeuille de Ministre de la Justice. « Dati, avec un père et une mère, algérien et marocaine, pour parler de la politique pénale, ça avait du sens!» Cette phrase a fait polémique. Elle a été considérée comme allusive. Quelles compétences a-t-il mis dans ce sous-entendu ? C’est une phrase à double sens, à double tranchant. Elle est libre d’interprétation mais son auteur peut lui donner un sens respectable et dénoncer qu’on lui fait un mauvais procès. Il reste que le fait de revenir aux origines d’un ministre a quelque chose de discriminatoire même si la discrimination est positive.  

    Comme un hasard du calendrier, son fils Jean s’est confié pour la première fois dans la presse people sur son mariage mixte avec une Française de confession juive. C’est ce que l’on appelle la pipolisation de la vie politique qui accompagne le storytelling. Nicolas Sarkozy aime évoquer Carla Bruni, même en meeting. Pour rester jeune, il évoque aussi leur fille âgée de 3 ans. Tous les membres de la famille sont sur scène jusqu’à Louis Sarkozy (enfant partagé avec Cécilia) qui échange des tweets avec le fils de Valérie Trierweiller. Deux nouveaux acteurs du storytelling et de la pipolisation.  

    A partir de ce soir jusqu’à demain soir, les militants de l’Ump vont voter pour élire leur président. L’affaire Bygmalion les a-t-elle éclairés sur le fonctionnement de l’Ump? Les affaires judiciaires dans lesquelles Nicolas Sarkozy est cité vont-elles influencer leurs votes ? Les mensonges de Sarkozy et de ses soutiens internautes vont-ils s’avérer payants ? Autant de questions qui trouveront leurs réponses demain soir. L’élection de Sarkozy à la présidence de l’Ump répondra surtout à la seule question qui nous intéresse : Jusqu’où et combien de fois, un politicien peut-il prendre les électeurs pour des cons et, en premier lieu, les militants de son parti ?  Cette question concerne aussi bien Nicolas Sarkozy que François Hollande. La réponse est d’importance car elle a des incidences sur la montée de l’extrême-droite. Ces deux présidents ont décrédibilisé les partis politiques de droite et de gauche. Avec une grande partie de la presse, ils ont banalisé les thèses de l’extrême-droite et marginalisé les idéaux de gauche, utilisés en partie à des fins électorales par l’extrême-droite qui a toujours fait du populisme en période de crise économique et sociale. L’histoire nous a déjà montré où cela mène.

    Lors de son dernier meeting à Nîmes, nous avons relevé quelques phrases sur son projet de refonte de l’UMP… "Les partis qui sont repliés sur eux-mêmes, qui sont enfermés dans leurs habitudes, qui ressemblent à des casernes ou à des sectes (...) qui ne servent que des clientèles" et "ne sont que des machines à distribuer des investitures, c'est fini ! Ce genre de parti appartient à une époque révolue"…. "Les Français ne veulent plus de ces parti »…  Et pourtant c’est un nouveau parti qu’il propose dans une version populiste où les adhérents ont "leur mot à dire" et sont "libre de penser et dire" ce qu'ils pensent… un parti où, quand la salle n'est pas d'accord, elle le dit" a-t-il ajouté dans une limpide allusion aux huées et sifflets contre Alain Juppé, samedi dernier à Bordeaux.  Nicolas Sarkozy a décrit une « France affaiblie » face aux « dangers du monde », une France qui veut un chef fort, c’est-à-dire lui qui se prend pour Napoléon tel que décrit dans un hoax attribué à Victor Hugo. Lorsque l’on sait que la constitution de la cinquième république a servi de modèle pour la reforme constitutionnelle qui a fait d’Erdogan, dictateur islamo-conservateur,  le Président de la Turquie, on se demande jusqu’où un mégalo pourra pousser son pouvoir dans notre monarchie républicaine.

    sarko_bonnetrouge

    Nicolas Sarkozy veut être à la tête d’un « parti de l’espérance », une espérance qu’il voudrait faire partager, une espérance qui est la sienne : revenir à l’Elysée dans le confort de l’immunité présidentielle. Le spécialiste des discours à grand angle est prêt à toutes les alliances, tous les mensonges et, en direction des extrémistes de droite, à toute la démagogie  concoctée par les plumes de ses conseillers en marketing politique.  La question qu’il doit se poser et que nous nous posons : atteindra-t-il le Palais de l’Elysée en évitant le Palais de justice ?

    Battone

    À lire aussi  Ce n'est plus du mensonge, c'est carrément du roman; Jouez au Sarko Bingo; Sarkozy, mais pourquoi ment-il autant?; A Caen, Sarkozy improvise, les bobards fusent; Sarkozy et les intox : à Nancy aussi; Sarkozy et les 30% d'enseignants en moins, une histoire sans fin; Sarkozy noie Toulon et Marseille sous l'intox; A Nice, Sarkozy se cache mais continue dans l'intox; A Toulouse, Sarkozy continue sa tournée des intox;  Sarkozy à Vélizy : intox en rafale; Sarkozy + Assouline : deux fois plus de bobards; Affaire Karachi : Sarkozy se déclare un peu vite lavé; Sarkozy : trous de mémoire, trous de croissance; Sarkozy et ses fantasmes sur l'Europe de Schengen;

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