• La transparence et après?...

    sarkoclan_avocatsNos ministres ont publié leurs patrimoines. Cette mesurette fait couler beaucoup d’encre et les commentateurs ne ménagent pas leur salive. Même si on ne se fait pas d’illusion sur son efficacité, la transparence aura permis de voir des politiciens et des journalistes la rejeter avec hypocrisie. Ils en ont peur. Entendre des journalistes fustiger la transparence à cause du risque de voyeurisme, c’est un comble.

    L’honnêteté serait-elle au dessus des lois ? On peut penser que : « Quand un type insiste trop sur son honnêteté, c'est sûr que c'est un voyou ! » (extrait de Salut Bonhomme écrit par Papartchu Dropaôtt). Jérôme Cahuzac fait jurisprudence mais on pourrait citer d’autres noms. On peut dire que s’il avait été cru, il ne serait pas cuit. La moralisation de la vie politique ne doit donc pas s’arrêter devant les protestations de ceux et celles qui se disent outrés. La transparence est l’occasion qui leur est donnée de sortir des soupçons. Mais il faut aller plus loin. Il faudrait mettre à plat tous les privilèges que nos élus se sont octroyés et qui font apparaître que « leur petite entreprise ne craint pas la crise ». La moralisation de la politique passe aussi par la transparence des revenus et de tous les avantages récoltés par nos élus. Avec leurs déclarations de patrimoines, ils pourraient nous faire croire qu’ils sont pauvres. C’est bien pour cela que la déclaration de patrimoine est une chose et l’identification des revenus en est une autre complémentaire et tout aussi intéressante. Nous serions aussi curieux de connaître leur imposition. Ce qui serait choquant, ce n’est pas que certains paient l’ISF mais que d’autres s’arrangent pour ne pas y être soumis.

    Il est urgent de reconsidérer les incompatibilités entre certaines activités privées et un mandat électif. De nombreux politiques sont issus des cabinets d'affaires et des cabinets d'audit. Ce n’est pas un hasard des statistiques. Tout le monde connaît la profession de Sarkozy : avocat d’affaires, c’est-à-dire conseil juridique des entreprises et des particuliers. Un exemple de soupçon  le concernant : le Laboratoire Servier était l’un de ses clients. Membre du Premier Cercle de donateurs de l'UMP, Jacques Servier a été décoré par Nicolas Sarkozy en janvier 2009 de la grand-croix de la Légion d'honneur… et puis il y a eu l’affaire du Médiator et ses centaines de morts. Que révélera le dossier judiciaire ? Doit-on s’interdire de penser que Servier a pu profiter de son amitié politique pour obtenir des décisions administratives favorables à son activité ? S’agit-il d’une affaire de lobbying pharmaco-industriel ? Jusqu’où peut aller ce type de connivence ?

    Des politiciens viennent du milieu des avocats d’affaires…  Christine Lagarde, actuelle présidente du FMI, a dirigé le plus grand cabinet international d’affaires « Baker & McKenzie »fondé à Chicago en 1949 par Russell Baker et John McKenzie. Il emploie plus de 3 750 avocats et compte 69 bureaux répartis dans 41 pays à travers le monde. Les avocats y viennent de 60 pays différents et parlent plus de 75 langues, avec l'anglais en commun. 80% des membres du cabinet exercent en dehors des États-Unis. Baker & McKenzie est organisé en une structure d’association suisse à but non lucratif. Ainsi, au FMI, une avocate d’affaires de droite, ancienne ministre des finances et de l’économie, a succédé à l’avocat d’affaires DSK, se disant lui de gauche et ancien candidat virtuel à la présidence de la république, avant la série de scandales qu’on lui connaît. Tous les deux ne payaient pas d’impôt sur leurs rémunérations internationales de Directeur du FMI qui sont totalement défiscalisées. Ils pouvaient difficilement donner des leçons de civisme aux autres mais Christine Lagarde ne s’en est pas privé avec les contribuables grecs.

    Nous avons la république des énarques, des polytechniciens, des technocrates de tous poils et des avocats d’affaires. Apparemment le Barreau a séduit des hommes politiques qui se sont mus en avocats d’affaires comme Dominique de Villepint, Frédéric Lefèbvre, Jean-François Copé, Rachida Dati, Noël Mamère, Pierre Joxe, Christophe Caresche, François Baroin, Jean Glavany, Claude  Goasguen ou Claude Guéant…etc.  C’est François Fillon qui leur en a donné la possibilité en faisant adopter un texte qui permet aux"personnes ayant exercé des responsabilités publiques les faisant directement participer à l'élaboration de la loi (...) pendant huit années" de ne pas suivre la "formation théorique et pratique". Il les dispense aussi de l'examen du "certificat d'aptitude à la profession d'avocat".

    Fillon devait penser aussi à lui-même lorsqu’il a créé ce débouché professionnel pour politicien. Devenu à son tour conseil, Fillon peut aller monnayer son carnet d’adresses de Premier ministre. On vient de découvrir qu’il a dû ajouter à sa déclaration de patrimoine une société de conseil aux entreprises dénommée 2Fconseil. Un oubli pour éviter les questions ? L'information sur la création de cette société de conseil, juste après son départ de l'Hôtel Matignon, était connue par de nombreux journalistes. Sur le site rue 89, propriété du Nouvel Observateur, François Krug écrivait :"François Fillon a baptisé sa petite entreprise 2F Conseil, tout simplement. Début juin, il déposait au tribunal de commerce de Paris les statuts de cette SARL au capital de 1 000 euros, dont il est l’unique actionnaire. Au préalable, il avait ouvert un compte bancaire dans son ancienne circonscription, au Crédit agricole de Sablé-sur-Sarthe." François Fillon a justifié son oubli car sa société de conseil "n’avait pas encore de chiffre d’affaires. Quand elle en aura, elle sera dans la déclaration de patrimoine que je ferai en fin de mandat", promet-il. Le problème n’est pas là mais plutôt dans l’objet de cette entreprise de conseil qui offre ses services au secteur privé et à "tout État et tout organisme international, européen, national, étatique, régional, départemental, municipal ou local, français ou non". Si ce n’est pas du conflit d’intérêts, ça lui ressemble. Est-il moral que des hommes politiques monnayent leurs anciennes hautes fonctions ? Le code électoral  est formel : pour éviter les conflits d’intérêts, un parlementaire ne peut pas se lancer dans des activités de « consulting » en cours de mandat. Sauf, justement, s’il devient avocat. Jean-François Copé et beaucoup d’autres ont donc pu mettre leur carnet d’adresses et leur influence au service d’entreprises... au risque de confondre leurs activités de législateurs et d’avocats.

    « Les personnalités politiques qui deviennent avocats pour en réalité exercer discrètement l’activité de lobbyiste, en profitant du secret professionnel dû aux avocats, devraient mieux tenir compte de l’évolution de notre métier. Ces dernières années des principes se sont imposés, au premier rang desquels la transparence»,assurait Nicolas Bouvier, à la tête de la commission déontologie de l’Association française des conseils en lobbying.Comme Jean-François Copé, François Fillon mélange intérêts privés et intérêt général et, comme Copé, il s'oppose à la transparence, tout en publiant son patrimoine pour embarrasser son rival. François Fillon a mené une politique qui n’a rien fait contre l'évasion fiscale, n’a pas œuvré pour la transparence de la vie politique et l'indépendance de la justice. Il est préoccupé par son avenir politique qui est la seule chose qui guide son action au sein de la Droite. Il a introduit officiellement le lobbying dans l’activité privée d’un élu.

    La liste des avocats-conseils est longue à droite comme à gauche. Ils sont toutefois plus nombreux à Droite. Eric Zemour, chroniqueur de l’extrême-droite décomplexée, s’en est amusé dans l’émission Z comme Zemour sur RTL  le 19/02/2010 en disant : L’avocat d’affaires est l’avenir de l’homme politique.

    La politique est devenue le champ d’action du  lobbying et les conflits d’intérêts s’affichent sans pudeur. C’est devenu la norme. Il faut mettre un terme à cet état de fait qui n’est pas un état de droit. La transparence est une bonne chose si elle s’accompagne d’un contrôle efficace du patrimoine et des activités privées. Chaque fois qu’il y a suspicion de conflit d’intérêts, une enquête devrait être ouverte. Un élu ne devrait être lié à aucun lobbying propice au trafic d’influence et à la corruption. On a pris l’habitude chez certains politiciens d’employer le terme de légales pour ces activités qui nuisent gravement à la démocratie. Cela fait partie de la même hypocrisie que la vente de paquets de cigarettes en toute légalité mais avec l’inscription «  nuit gravement à la santé »… mais avec le lobbying  c’est de la santé de notre démocratie qu’il s’agit.

    Des politiciens considèrent qu’ils sont élus et que c’est un gage d’honnêteté. Ils supportent mal la transparence et la combattent avec une argumentation foireuse. Ils sont accompagnés dans leur frilosité démocratique par une pléiade de journalistes qui doivent craindre l’extension de la transparence à leur métier. La presse, et en particulier télévisée, n’est-elle pas le champ de bataille de tous les lobbies qui envoient leurs journalistes et leurs experts prêcher la bonne parole ?

    Tout cela montre le poids du conservatisme qui a ses parlementaires-ventouses et ses journalistes-partisans. Ce conservatisme défend le système perpétué par une caste politico-financière plus habituée au secret bancaire qu’à la transparence. Rien n’est gagné si Hollande et Ayrault limitent leur action à quelques mesurettes rendues rapidement inefficaces. La transparence ne doit pas devenir un écran de fumée. Il y a des mesures préventives à prendre sur les conditions d’éligibilité et les incompatibilités pour conflit d’intérêt. Ce sont des lois à voter dans l’urgence et qui montreraient une réelle volonté politique qui, jusqu’à présent, fait défaut dans les dossiers importants. On ne peut pas moraliser la politique avec des élus qui refusent la transparence, considèrent tout enrichissement comme normal et sont ouvertement en conflit d’intérêts. Une carrière politique ne doit pas être une rente de situation, comme cela le devient souvent. Le non-cumul des mandats doit s’imposer rapidement et ne pas être renvoyé à la fin du quinquennat.

    Il faudrait que la majorité montre autant de détermination sur des lois de moralisation qu’elle est en train de le faire sur celle du « Mariage pour tous ». Pourquoi remettre à demain, ce qui est nécessaire aujourd’hui ? Déjà un an ! En 2014, les Municipales ! Un premier grand rendez-vous avec les électeurs. Si d’ici là, rien n’a avancé, la transparence ne dissipera pas les nuages noirs qui se pointent à l’horizon...

    U ghjustu

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