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Le bal des hypocrites
Il y a quelque chose d’indécent dans le discours actuel des dirigeants occidentaux à propos des événements qui secouent l’Est de l’Ukraine. Le pompon revenant à notre ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, toujours prompt à suivre docilement les grands frères de l’Otan et d’en rajouter une louche. Que disent nos démocrates ? Les occupations de commissariats de police, d’établissements publics dans certaines villes russophones, sont illégales, inadmissibles, condamnables. Et d’y voir bien évidemment, non plus l’œil, mais la main de Moscou. Cela prêterait à sourire si la situation n’était pas pleine de danger. Mais qu’ont-ils faits tous ces démocrates patentés, lors des événements de la place Maïdan, à Kiev, au mois de mars ? Ils ont tout simplement applaudi, appuyé les manifestants, pas toujours très pacifiques, suscité et peut-être inspiré le coup d’Etat qui a renversé le président Viktor Yanukovytch, pourtant élu par une majorité d’Ukrainiens ? Que disaient-ils des massacres de dizaines de personnes, sur cette même place et des exactions des milices fascistes qui ont tenu le pavé et les barricades pendant des semaines ? Pour autant, doit-on pleurer sur le sort de Yanukovytch et de sa clique ? Certainement pas. L’individu est un pur produit d’un régime oligarchique, mis en place après la chute de l’Urss et son démantèlement. Où corruption rimait avec autoritarisme. Mais il faut aussi s’interroger sur les putschistes et les membres du nouveau gouvernement provisoire ukrainien. Ils sont issus, comme les sortants du même système, du même moule.
Donc, aujourd’hui on assiste à un scenario à peu près comparable, mais à l’envers. Ce n’est plus la place Maïdan, mais plusieurs villes de l’Est du pays. Des milliers de pro-russes ou russophones descendent à leur tour dans la rue, occupent des bâtiments publics, érigent des barricades, et réclament soit le rattachement à la Russie, à l’instar de la Crimée, soit la création d’un Etat fédéral, avec une large autonomie pour les différentes régions. Qu’en pensent nos occidentaux ? Ce qui était bon à Maïdan, ne l’est plus à Donetsk ou à Kramatorsk ?
Face à une telle situation, Kiev menace d’intervenir militairement contre les manifestants. Déjà, on compte plusieurs morts. Le risque d’une guerre civile est grand, aux conséquences dramatiques pour l’Ukraine. Il est temps de dire assez à cette escalade de la violence, aux diverses manipulations, aux interventions extérieurs, y compris de nos bons occidentaux dont on peut mesurer par ailleurs leurs exploits en Syrie, en Libye, en Irak ou en Afghanistan. Rappelons pour mémoire la manière dont a été gérée la crise dans les Balkans et son terrible bilan. L’Ukraine ne doit devenir un champ de bataille dans lequel s’affronteraient des intérêts contraires à ceux de ses habitants, quelles que soient leurs origines. La solution du problème ne peut être que politique et doit être trouvée par les Ukrainiens eux-mêmes.
Jean Antoine Mariani
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