• Le droit de manifester dérange...

    Le droit de manifester dérange...Depuis le temps qu’ils se frôlent, les deux thèmes. Ou plutôt, qu’on les frotte l’un à l’autre comme des silex, qu’on les tricote dans le récit politico-médiatique dominant. Terrorisme et contestation sociale : depuis le temps que les Giesbert, les Gattaz et les autres essaient de les apparier, de les marier, de faire prendre la mayonnaise. Depuis le temps qu’on exploite les concomitances, qu’on sollicite les rapprochements, qu’on déchaîne le matraquage sémantique: voyous, chantage, violences, barbares, intimidations, preneurs d’otages, terroristes… C’est ainsi que débute un article de  Daniel Schneidermann Arrêt sur images. Publié le 15/06/2016 sur le site du Nouvel Obs/Rue89.

    Cet article est justement intitulé : Prétexte providentiel : l’enfant, les casseurs et l’hôpital Necker.

    Quelle indécence lorsque l’on connaît la situation de l’hôpital public aujourd’hui ! MM. Valls et Cazeneuve, sont « révoltés »  par des vitres brisées mais on ne les entend pas chercher une solution pour qu’un généticien clinique ne doive plus travailler 70 heures par semaine car la direction de son hôpital n’a pas les moyens d’employer un nouveau docteur ni même une secrétaire, qu’elles en sont les conséquences sur tous ces gentils petits enfants malades au chevet desquels nos ministres accourent depuis hier pour instrumentaliser l’émotion. Quand les aides-soignantes et les infirmières sont épuisées, usées et rémunérées au minimum, qu’en est-il de la qualité des soins et de l’attention nécessaires pour ceux qui passent des mois voire des années dans des couloirs d’hôpitaux? Qui poursuit la casse des hôpitaux publics par des suppressions d'emplois et des réductions budgétaires? L’état de délabrement du service public les émeut moins qu’un débordement de casseurs. Peut-être une bavure sans intention de s’attaquer à un hôpital d’enfants ? Nous ne le saurons pas si nous nous contentons d'écouter tous ces politicards faussement outrés sur les chaînes de télévision complices de l'instrumentalisation politique des événements.

    Un hôpital pour enfants n'est pas une des cibles habituelles des casseurs. Qui pourrait le croire ? Habituellement les casseurs « politisés » ciblent les banques, les assurances et les publicités. Ce sont des cibles symboliques qui concernent des gens qui engrangent des milliards au regard desquels les dégâts sont limités. Cela n’a pas empêché Sarkozy de vouloir faire payer la casse à la CGT dont tout le monde sait qu’il veut la mort, même si aucun casseur n’appartient à ce syndicat. Sarkozy a-t-il demandé que les instances footballistiques, qui organisent la coupe d’Europe, paient les dégâts occasionnés par les hooligans ? Est-ce que les supporteurs doivent assurer la sécurité des rencontres ?

    Au milieu de tout cela, quelques vitres de l’hôpital Necker ont été brisées. Le plan « émotionnel » des plaques de verres cassées et de centaines de milliers de familles éprouvées par les maladies de leurs enfants, est affligeant. C’est la stratégie de communication mise en œuvre depuis hier, par MM. Cazeneuve et Valls, allègrement reprise par la Droite et relayée sur un plateau doré par tous les médias. Tous ces journalistes qui entrent dans ce plan ne font que mettre leur hypocrisie professionnelle au service de la manipulation de l’opinion publique. Leur cible: la CGT.

    Le Ministre de l’Intérieur, de sa voix monocorde voulant afficher un calme olympien, n’a pas hésité à ajouter le drame d’un enfant de 3 ans dont les parents policiers ont été assassinés de façon abjecte. La CGT serait-elle aussi responsable de la tuerie d’Orlando ?

    "A un moment où la France accueille l'Euro, où elle fait face au terrorisme, il ne pourra plus y avoir d'autorisation de manifester si les conditions de la préservation des biens et des personnes et des biens publics ne sont pas garantis", a déclaré Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement. François Hollande a décrété, mercredi 15 juin en Conseil des ministres, qu'il n'y aurait plus d'autorisation de manifester si la sécurité n'était pas garantie. Qui garantit la sécurité ? N’est-ce pas le Ministère de l’Intérieur et non pas les organisations syndicales ? Ce sont des casseurs extérieurs aux syndicats qui perturbent les manifestations. De quelle sécurité parle-t-on ? Est-ce celle des manifestants blessés par les forces de police ?

    Le droit de manifester dérange...La sortie de Manuel Valls ne s’est pas fait attendre. Toujours dans l’outrance et le menton accusateur. Cinq vitres cassées et c’est tout un hôpital qui est dévasté, pour le Premier Ministre !  Haro sur la CGT (comme si ce syndicat était le seul à manifester) ! Menace d’interdiction des manifestations !

    Le Chef de l’Etat et le Premier Ministre veulent casser la lutte sociale. Tous les prétextes sont bons à prendre et l’actualité apporte son lot. Manuel Valls réclame une pause pour pouvoir faire passer la loi Travail avec un nouveau tir au 49.3 sur la démocratie. L’article 49.3 est devenu son arme législative favorite alors que lui-même et Hollande le dénonçait jadis comme un déni de démocratie, une « brutalité ». Dans ses interventions, il cible la CGT, préférant ignorer les six autres syndicats associés dans une intersyndicale à la pointe de la lutte sociale. Sarkozy en est réduit à la surenchère dans l’anti-cégétisme primaire en demandant que cette grande centrale syndicale soit traînée en justice pour les violences et les dégradations des casseurs, individus pourtant en marge des manifestants et dont la répression dépend des forces de police et de leurs donneurs d’ordre. Ces casseurs apparaissent comme les meilleurs alliés du pouvoir et les ennemis des syndicats. Il suffit d'aller sur leurs blogs pour savoir qu'ils reprochent aux syndicats leur non-violence sans résultat. Si, parmi eux, se trouvent des jeunes politisés à l’extrême-gauche, la politique menée et la répression de tous les manifestants ne peuvent qu’augmenter leur nombre. Le traitement médiatique et politique fait de manifestations alimente la révolte.

    La presse télévisée joue un rôle primordial dans la publicité faite à ces groupes de casseurs, tout en les utilisant comme épouvantails contre les manifestations. Les commentaires des chiens de garde du libéralisme économique sont omniprésents et jamais contredits. Les préfectures de police fournissent des chiffres ridicules (à moins que le Ministère de l’Intérieur ne les divise par cinq et parfois plus). Tout est fait pour minimiser un mouvement social qui est loin de s’essouffler mais que l’on veut étouffer, quitte à entretenir la violence.

    Manuel Valls et sa garde prétorienne, avec le soutien inconditionnel d’un François Hollande autiste, ont choisi l’autoritarisme non pas pour assurer l’ordre public mais pour soumettre les salariés à un désordre social dicté par le libéralisme économique et le monde de la Finance. Ils n’ont, comme méthode, que le passage en force et la répression. Manuel Valls et François Hollande n’agissent plus au nom de l’intérêt général mais pour ne pas perdre la face au sein de la classe politique dominante. Ils ont renié les valeurs de gauche et, pour se maintenir au pouvoir, il leur faut tuer la gauche et le syndicalisme de lutte. Hollande va se présenter comme le meilleur candidat pour l’électorat de droite et le « moins pire » pour l’électorat de gauche, en espérant se retrouver face à Marine Le Pen au deuxième tour.  Ses cibles sont connues : Le Front de gauche et la CGT. Mais il lui faut conquérir un électorat de droite. Il table sur la Loi Travail et sur l’autoritarisme que, avec Valls, il affiche en permanence. Il a déjà, dans sa trousse à outils électoraux, le renforcement du régime présidentiel avec la suppression du Premier ministre, évoqué avant lui par François Fillon et Nathalie Kosciusko-Morizet. Il a certainement d’autres promesses, comme les centres de rétention pour Djihadistes car, nous le savons, la question sécuritaire sera au cœur de la campagne présidentielle, un contexte favorable au Front National et qui sert à marginaliser les luttes sociales. Il promettra quelques friandises à la gauche et aux écologistes, quelques édulcorants pour faire passer l’amertume. Macron a défini la ligne « ni droite ni gauche » qui permet tous les zigzags et les voltes faces idéologiques.

    Manuel Valls, François Hollande et les dirigeants du Parti Socialiste veulent perpétuer l’alternance libérale avec une droite qui doit se radicaliser toujours davantage pour se démarquer du Hollandisme. Le PS et la droite sont d’accord sur un point : éliminer le Front de gauche  et la CGT. Ils sont d’accord pour marginaliser les organisations politiques et syndicales qui empêchent le libéralisme économique de tourner en rond  au rythme quinquennal des cycles présidentiels bien huilés.

    La loi dite El Khomri (du nom d’une ministre collaborationniste par ambition) est la voie ouverte à la précarité, à l’allongement du temps de travail et aux bas salaires. La France est le mauvais exemple pour l’Europe de la Finance qui veut mettre tous les pays européens sous tutelle libérale avec la complicité des dirigeants nationaux comme Sarkozy et Hollande en France. Ils ont déjà leurs successeurs qui les talonnent. C’est pour cela que cette loi doit être retirée à un an des élections présidentielles car elle grève notablement et durablement le progrès social.

    Le droit de manifester dérange...Ce n’est pas en minorant le nombre des manifestants et en instrumentalisant l’émotion d’événements (sans lien avec les manifestants, les syndicats et l’opposition de gauche) que Hollande et Valls étoufferont le mouvement social contre la Loi Travail. Ce n’est pas en interdisant des manifestations, après avoir laissé des casseurs agir, qu’ils muselleront la révolte. La pause qu’ils veulent imposer aux syndicats, c’est eux qui doivent la faire en retirant la loi Travail de la prochaine session parlementaire et en renonçant à l’article 49.3. Lorsqu’un chef de l’Etat et un gouvernement n’ont plus que les mouvements de menton d’un premier ministre, un autoritarisme buté et le mensonge comme moyens de s’exprimer, c’est qu’ils n’agissent plus dans le respect de la démocratie. Ils sont responsables du désordre et de ses conséquences. Ils n’arriveront pas à incriminer le Front de gauche et la CGT qui ne sont pas seuls dans la lutte sociale. Valls, Hollande et consorts sont les fauteurs de troubles.

    Le mandat de Président de la république n’est pas un blanc-seing obtenu sournoisement. Même appuyé par une campagne de presse mensongère, "interdire les manifestations" serait un aveu de leur faiblesse et non pas un acte d’autorité. L’autoritarisme est la force des faibles. C’est une fuite en avant pour défendre des intérêts particuliers. A la fin, ceux qui n’ont plus rien à perdre deviennent toujours plus forts que ceux qui ont tout à perdre.  Le citoyen ne se laissera pas confisquer le débat politique par l’usage abusif du 49.3. La loi Travail n’aura aucune légitimité parce qu’elle est unanimement rejetée. La justice sociale est un droit légitime qui est bafoué par un projet de loi scélérate organisant sa régression. La politique menée par Hollande et Valls s'annoncent grave de conséquences.  

    Jean Frade

      

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