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Le Medef fait la loi...
Malgré une pétition ayant recueilli 20.000 signatures et les manifestations, l’affaire était plié d’avance et la loi a donc été votée aujourd’hui dans l’indifférence d’une assemblée nationale qui a préféré se déchirer sur l’affaire Cahuzac et la publication des patrimoines par les élus.
Si le PS a très majoritairement voté pour ce texte, 6 députés socialistes ont toutefois voté contre, comme René Dosière, et 35 se sont abstenus, dont Jérôme Guedj, membre de l'aile gauche du parti. Les radicaux de gauche ont voté pour "dans leur majorité", 3 étant contre, tandis que les 16 écologistes ont préféré s'abstenir. Abstention aussi de l'UMP, à l'exception de trois députés qui ont voté contre, dont Henri Guaino, comme il l'avait annoncé. Les 30 élus de l'UDI se sont abstenus.
Le Front de Gauche a voté contre ce "texte de casse sociale", après avoir ferraillé une semaine entière dans l'hémicycle.
Les deux députés du Front national ont voté contre.
C'est "la loi la mieux votée depuis le début du quinquennat", a affirmé sur son compte Twitter le rapporteur du projet de loi, Jean-Marc Germain (PS).
Le Sénat l'examinera à partir du 17 avril. Le gouvernement ayant décidé d'utiliser la procédure accélérée, une commission mixte paritaire (CMP) Assemblée-Sénat sera convoquée dès que le Sénat aura voté le projet de loi afin de mettre au point un texte commun aux deux assemblées, l'objectif de l'exécutif étant de voir s'appliquer cet accord dès la mi-mai. Les manifestants sauront s’en souvenir et ils l’ont dit par leur présence dans la rue.
La loi transcrit dans le code du travail l'accord sur la sécurisation de l'emploi signé le 11 janvier par le patronat et trois syndicats- CFDT, CFTC, CFE-CGC - mais rejeté par la CGT et FO car La loi "sécurise les licenciements et non pas l'emploi".
Tout comme le 5 mars 2013, à l’appel de la CGT, FO, FSU et Solidaires, les salariés ont manifesté aujourd’hui dans des grandes villes contre le projet de loi 2013 d’accord national interprofessionnel (ANI). On ne va pas entrer dan l’habituel bataille des chiffres mais ils étaient nombreux pour dire qu’ils ne voulaient pas de cet accord « pourri ». Ils voulaient déboucher l’oreille gauche des élus de la majorité et celle d’un gouvernement qui tend complaisamment son oreille droite au Medef. Cet accord supprime les jours de RTT avant de demander aux salariés de travailler les week-ends sans payer les heures supplémentaires. L’accord ANI ouvre la porte à « travailler plus pour gagner moins » mais aussi à des licenciements qui seront plus facile à imposer et plus difficiles à contester devant le tribunal des Prud’hommes. Au nom de la flexibilité, les salariés pourront subir de nombreux changements d’horaires et la mobilité sans tenir compte de leurs vies familiales. Bien sûr, tout cela se fera par des accords mais c’est le salarié qui aura le pistolet sur la tempe. Il aura le choix entre accepter ou être licencié. C’est cela que le gouvernement a qualifié de loi de sécurisation du travail et d’accord donnant/donnant. C’est bien du donnant/perdant au profit du patronat.
Les accords d’entreprise ne pouvaient pas être en deçà de ce que prévoient le code du travail et la loi, mais, avec le texte de loi voté, cela pourra se faire. Nous rappelons les termes d’un appel qui avait été lancé pour que Hollande et son gouvernement ne présente cette loi qui inscrit dans le marbre l’accord ANI :
L’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier,ou « accord emploi », signé par le patronat et certaines organisations syndicales représente un recul social majeur. Les soi-disant « nouveaux droits pour les salariés » sont en réalité de portée limitée et comportent nombre de dérogations et de dispositions qui en permettent le contournement. Par contre, les mesures en faveur du patronat portent des coups sévères au droit du travail. Cet accord s’inscrit dans le droit fil des préconisations, appliquées partout en Europe, de la Troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international) : démantèlement du droit du travail, chantage à l’emploi pour baisser les salaires et les droits sociaux au nom de la compétitivité. Il contribuera ainsi à la spirale dépressive dans laquelle les politiques d’austérité enfoncent l’Union européenne.
L’accord aggrave encore, après les lois Fillon de 2004 et 2008 qu’il faut abroger, la remise en cause de la hiérarchie des normes en permettant de nouveau qu’un accord d’entreprise soit moins favorable que la convention collective et que la loi : en cas de « graves problèmes conjoncturels » de l’entreprise (quelle entreprise ne connaît pas de problème conjoncturels et surtout qui en jugera ?), il ne laisse d’autre choix au salarié que d’accepter la baisse de son salaire et l'augmentation de son temps de travail sous peine de licenciement. L’accord réduit considérablement les droits et les possibilités de contestation et de recours à la justice des salariés et de leurs représentants. Il remet en cause des prérogatives importantes des instances représentatives du personnel et renforce le pouvoir des employeurs, notamment celui d’imposer la « mobilité » des salariés (changement de lieu ou de poste de travail).
Loin de permettre « la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels des salariés » cet accord va, au contraire, aggraver la précarité du travail en libérant le patronat de nombre d'obligations. En dépit des promesses qui avaient été faites par le gouvernement, l'accord ne réduit pas les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes, alors même que la précarité de l'emploi concerne en premier lieu les femmes, prépondérantes dans le temps partiel (80%) et plus souvent touchées par les CDD, le chômage et le sous-emploi. De même, à l'heure où près du quart des actifs de moins de 25 ans est au chômage, ces accords risquent de fragiliser les conditions d'emploi des jeunes. Que ce soit par la faiblesse de leur ancienneté dans l'entreprise, ou bien parce qu'on estimerait qu'un jeune a « toute sa vie devant lui », en l’absence de vraies mesures contre les contrats précaires qui les touchent massivement, les jeunes risquent de payer le prix du chantage à la mobilité et de l'assouplissement des licenciements.
Enfin cet accord est illégitime. Il a été signé par trois confédérations syndicales représentant une minorité de salariés, alors même que les règles de représentativité syndicale sont sur le point de changer. Les parlementaires de droite se disent prêts à voter ses dispositions telles quelles, mais ni le président de la République, ni la majorité de l’Assemblée nationale n’ont été élus pour faire reculer les droits des salariés. Transposer ces reculs sociaux dans la loi représenterait donc un grave déni démocratique.
Nous appelons les salariés-es, et plus largement, tous les citoyen-ne-s à lire ce texte, à l’analyser, à tenir partout des réunions pour en débattre ensemble et faire entendre leurs exigences auprès de leurs élus, tout particulièrement ceux de gauche, pour qu’ils ne votent pas ce texte. L'heure est bien plutôt à la sécurisation des emplois contre les licenciements, pour un travail de qualité, sans précarité, avec des droits sociaux de haut niveau pour les salariés, les chômeurs et les retraités. Nous ferons tout pour que cet accord n’acquière pas force de loi et nous appelons à soutenir toutes les initiatives en ce sens, en particulier les mobilisations syndicales.
Fucone
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