• Le Président qui préside

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    Qui a oublié l’anaphore du candidat aux Présidentielles de 2012 « Moi, président je… » Lors de sa conférence de presse, le Président François Hollande de marteler aujourd’hui qu'être président, "C'est pas facile". "Pas facile de faire la réforme pour la dépense publique", "pas facile de supprimer la détaxation des heures supplémentaires", "pas facile d'aller demander des impôts supplémentaires", "pas facile de faire des réformes du marché du travail", "pas facile de dire que nous allions faire le choix de l'innovation de la recherche, "pas facile de faire la réforme territoriale"… il nous remet quelques couches métaphorique. "C'est dur d'imposer à ses proches la vie ici, c'est dur d'être avec des collaborateurs, même avec un gouvernement, c'était dur pour moi aussi de me séparer de Jean-Marc Ayrault qui avait été un Premier ministre dévoué, c'est dur de faire un changement de gouvernement…"

    Ne serait-ce pas facile, est-ce dur de ne pas tenir ses promesses après les élections ? Quoi retenir de cette conférence de presse donnée hier par François Hollande ? Il préside, répète-t-il. Le gouvernement fait ce qu’il peut et lui ce qu’il doit en ne changeant pas de cap. Il espère que ça ira mieux en 2017. Il ne promet plus rien. A ceux qui demandent sa démission, il donne une leçon constitutionnelle sur la Cinquième république. Il est élu pour cinq ans et il ira jusqu’au bout de son mandat. C’est son statut de Chef de l’Etat qui lui permet de faire entrer la France dans des conflits armés. Il décide seul pour le Mali, pour l’Irak… et le parlement n’est qu’informé. Voilà une prérogative qui devrait faire réfléchir sur une réforme constitutionnelle mettant fin aux pouvoirs exorbitants d’un monarque républicain qui s’est d’ailleurs un peu mélangé les pinceaux en lisant son texte sur la politique étrangère de la France. Quelques lapsus ont été notés. Au sujet de l'utilisation des armes chimiques en Syrie, François Hollande a évoqué le pays en parlant du «régime de Sa… Bachar Al-Assad». Il est probable que le chef de l'État ait fait un lapsus en ayant failli évoquer l'ancien président irakien Sadam Hussein, qui avait utilisé également des armes chimiques contre les Kurdes. S'étalant longuement sur la situation internationale, François Hollande a également parlé de l'Iran au lieu de l'Irak. «Je reviens d'Iran… euh d'Irak.» Le président de la République s'est aussi trompé en faisant une annonce pour les malades d'Ebola. «La France va agir en installant un hôpital en Guinée équatoriale… Euh Guinée forestière». La Guinée forestière est une région du Sud de la République de Guinée, foyer principal de l'épidémie. De quoi s’interroger sur le suivi de tous ces dossiers et la pertinence des décisions prises ou à venir.

    Donc pas de changement en vue sur le plan national. Même cap libéral. Même débat politique entre libéraux et ultralibéraux. Même négation d’une autre alternative à gauche que cette politique droitière. Hollande fait ce qu’il juge devoir faire et advienne que pourra. Dès lors, à quoi bon commenter davantage ce qu’il a dit et qui n’est qu’un exercice de rhétorique devant un parterre de journalistes qui se sont montrés peu ou pas préoccupés par la politique sociale du gouvernement voulue par François Hollande. Le libéralisme et l’ultralibéralisme animent ceux qui ont posé des questions ou qui ont commenté la prestation. Les sujets les plus abordés ont été l’impopularité du Chef de l’Etat, les prochaines élections présidentielles, le retour de Sarkozy… Une pseudo-journaliste (soit disant indépendante) a fait des pieds et des mains pour obtenir le micro et poser la question la plus idiote sur la parution du livre de Valérie Trierweiler. La non-réponse de Hollande était prévisible : « Je comprends votre acharnement à prendre le micro, votre sens de l'éthique mais je me suis déjà exprimé sur cette question, sur mes sentiments [...] et j'ai évoqué le respect de la fonction présidentielle et je ne donnerai pas d'autre réponse ».

    François Hollande a abordé le sujet de ses relations avec la presse. Il l’a fait à rebours de l’action de son prédécesseur dont on connaît l’interventionnisme et les relations avec les grands patrons de cette presse. A ce propos, une journaliste du journal Les Echos relève que « les réponses de Hollande aux journalistes ont souvent plusieurs clés dont l’une destinée à Sarkozy », dans un article intitulé « François Hollande : son adversaire a un visage », donc celui de Sarkozy. Nous vous livrons un extrait de cet article :

    En puisant dans la rhétorique et le vocabulaire sarkozyens, lorsqu’il se présente comme un homme qui sacrifie sa popularité à l’autel de l’intérêt national. « Ce qui compte dans la vie, c’est de faire son devoir », martèle-t-il, en faisant sien ce mot cher à Nicolas Sarkozy…  Il peut parler d’autre chose, mais ses réponses ont souvent plusieurs clefs, dont l’une destinée à son adversaire. « Mon seul devoir, c’est de servir la France, pas de m’abriter», dit-il, comme pour sous-entendre que Nicolas Sarkozy reviendrait pour se protéger de la justice. « Je m’honore de ne pas être entré dans je ne sais quel Mécano pour savoir qui allait diriger un journal », glisse-t-il à un autre moment. Et c’est ainsi que François Hollande a tout fait pour montrer que la bataille avec Nicolas Sarkozy n’était pas de son niveau. Tout en ouvrant les hostilités. [Cécile Cornudet / Editorialiste]

    Sur la politique internationale un journaliste a tout de même interrogé le Chef de l’Etat sur ses premières prises de position dans le conflit israélo-palestinien. Hollande a reconnu que la riposte d’Israël est disproportionnée par rapport aux quelques roquettes tirées de Gaza, tout en se réjouissant que la France s’efforce de pouvoir parler avec tous les belligérants grâce à son action diplomatique. Il l’a fait en gardant une tonalité neutre pour ne pas contrarier la gouvernance israélienne. Le journaliste lui a reproché de ne pas avoir dénoncé suffisamment les enfants tués par Israël et soutenu Israël. «Mais j'ai dénoncé», lui a répondu le président. «La cause palestinienne n'est pas une cause religieuse. Le conflit israélo-palestinien ne doit pas être un conflit entre des religions.» Par ailleurs, il a confirmé que si des frappes aériennes françaises étaient imminentes en Irak, il n’y aurait aucune intervention en Syrie. Sur ce point, il a déclaré : « J'ai accordé la protection aérienne. Des vols de reconnaissance ont déjà eu lieu. A partir de notre base des Emirat. Dès que nous aurons identifié des cibles, nous agirons.» «La Syrie? Nous condamnons le régime de Bachar Al-Assad.» «Mais nous n'avons pas été appelés pour aider la Syrie.» Interrogé sur la situation dramatique de la Lybie, il a déclaré : «La France ne peut pas être partout», tout en regrettant qu'après le bombardement de la Libye, il n'y ait pas eu de suivi. «Il ne suffit pas de bombarder», lâche-t-il, taclant encore au passage, sans le nommer, Nicolas Sarkozy.

    Sur l’affaire Thévenoud et la Haute Autorité sur la transparence, nous avons relevé son commentaire. « Quand on ne paie pas ses impôts, quand on a un compte à l’étranger, quand d’autres parlementaires ont des ennuis avec la justice, ce sont des blessures qui sont faites à la démocratie...  Le président de la République ne connaît pas les feuilles d’impôts des députés, ni des Français. La Haute autorité a fait parfaitement son travail. Je ne veux pas qu’on puisse penser qu’au terme de mon quinquennat, qu’il n’y ait pas un ministre, un député, qui ne soit pas en ordre. Je ne veux pas qu’il y ait le moindre soupçon. Il y aura de moins en moins de cas, parce qu’ils seront tous connus. » Pour lui, c’est ensuite à la justice qu’il faut s’en remettre et il a affirmé que lui et le gouvernement respectaient son indépendance.

    Le discours n’a rien apporté de nouveau sur la vie quotidienne des Français. François Hollande n’a fait que reprendre l’argumentaire de son premier ministre, déjà entendu lors de la question de confiance au Parlement. En ce qui concerne leurs rapports personnels, il n’y aurait aucune concurrence dans la course déjà lancée par les journalistes pour les prochaines présidentielles. Du moins c’est François Hollande qui l’affirme.

    Finalement, ce que nous retiendrons de cette conférence, c’est la récidive de l’abus d’anaphores qui exaspère plus qu’il ne convainc. Ces abus langagiers nous confinent à la phobie d’une figure de style qui convient pourtant aux poètes. François Hollande n’est pas un poète comme Victor Hugo et c’est sans doute pour cela qu’il aurait pu être soldat, tant il aime son rôle de chef de guerre. Lorsqu’il a évoqué le service militaire, nous avons perçu chez lui comme une nostalgie mais il a tenu à rassurer l’auditoire, il ne sera pas rétabli.

    Pidone

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