• Les affinités électorales

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    Hier s’est déroulé un débat à huit-clos et sans vote à l’Assemblée de Corse. Les élus corses discutent entre eux d’un sujet sensible : l'instauration ou pas d'un statut de résident pour lutter contre la spéculation immobilière et foncière. C’est une idée lancée par le président du conseil exécutif de Corse Paul Giacobbi qui a reçu le soutien des Nationalistes plus que celui de la gauche divisée. La droite s’y oppose et dénonce la manœuvre politicienne. Le projet vient toutefois de recevoir le soutien (surprenant, étonnant  pour le Figarovenu du président du Conseil économique et social de l'Union européenne (CESE), le Français Henri Malosse. Ce dernier est né à Montpellier et il est originaire du Boziu (Corse). Rappelons qu’au sein du Conseil économique et social européen, Henri Malosse est, depuis sept ans, le représentant du groupe réunissant les employeurs. Pour un mandat de deux ans, la présidence y est tournante avec les deux autres collèges, celui des salariés et celui des associations.  C’est la première fois depuis 1984 qu’un Français a pris la tête de cet organisme. Le dernier était François Ceyrac, qui fut le président du CNPF (l’ancêtre du Medef) entre 1972 et 1981. On peut trouver de nombreux articles qui lui sont consacrés par Corsica infurmazione en cliquant ICI.  À l’invitation du groupe Corsica Libera à l’Assemblée de Corse et du Think Tank Alba Nova, Monsieur Henri Malosse est venu en décembre dernier à Ajaccio pour tenir une conférence dont le thème était « La Corse, la réforme institutionnelle et l’Europe » et dans laquelle étaient abordées les questions du foncier et du statut de résident. Donc, rien de surprenant (même venu de Bruxelles) dans le soutien qu’il apporte au statut de résident.

    A Cuttoli, le Conseil municipal a déjà voté le 1er février, en avant première et à l’unanimité, la réservation de l’acquisition foncière sur le sol communal à des résidents corses ; c’est-à-dire à des acquéreurs qui devront justifier de 5 ans de résidence en Corse. Ils seraient donc les seuls à pouvoir acquérir un terrain sur la commune de Cuttoli sauf que, dans les deux mois, la Préfecture rejettera la délibération du Conseil municipal. Pour qu’une telle mesure soit légale, il faudra une révision constitutionnelle. Ce n’est donc pas pour demain la veille même si un projet constitutionnel est à l’étude pour la Corse.

    Dans deux mois les élections municipales seront passées et on peut se demander si cette délibération n’est pas un coup électoral du maire de Cuttoli qui a promis 70 logements à moindre coup en offrant une parcelle de terrain communal aux Corses du village et à ceux qui résident en Corse depuis plus de 5 ans. Cette délibération du Conseil municipal de Cuttoli a dû alimenter les débats à l’Assemblée de Corse qui plus sagement ne procédera à aucun vote sur le sujet.

    Il n’est pas dans notre intention d’occulter les problèmes du logement et de la spéculation immobilière en Corse. Nous en connaissons la réalité mais aussi les chiffres qui montrent que « problème il y a ». La Corse a un taux de résidences secondaires très élevé par rapport au Continent. Il était en 2010 de 36,7% alors que la fourchette va de 9,4 à O,8% sur le Continent.  A contrario, le taux de résidences principales est dans le bas de la fourchette puisqu’il était de 59,1% pour un maximum de 83,4% sur le Continent. Le nombre des logements vacants n’était que de 4,2% dans une fourchette de 3,7 à 7,2. Si on analyse les chiffres, ce sont les résidences principales qui manquent car très peu sont vacants. Par ailleurs, si les résidences secondaires se multiplient sur les côtes, des villages de l’intérieur se sont dépeuplés et un bon nombre n’ont plus âme qui vive. Des maisons en indivision y tombent en ruines lorsque ce n’est pas tout un village qui a disparu sous les ronces.

    Le principe du droit préférentiel à des habitants ayant résidé plus de 5 ans s’apparente à la préférence nationale de Marine Le Pen. Il est contraire aux droits fondamentaux du citoyen et à la constitution française. Il faudrait rappeler que la Corse ne compte plus que le tiers de sa population d’origine insulaire ancienne. Sa population ne serait plus que de 100.000 Habitants sans apport d’ailleurs, sachant qu’il y a prés de 1.500.000 âmes d’origine corse dans le Monde. Il ne faut pas oublier que la Corse est le territoire où, en 2010, le pourcentage des plus de 60 ans était de 15,5 à 16,6% selon le département pour une moyenne nationale de 13,9%. Les enfants de 0 à 14ans représentaient 15,2% de la population pour une moyenne nationale de 18,5%. Tous ces chiffres pour montrer que les facteurs, y compris démographiques, à considérer sont complexes et que le problème du logement ne se règle pas par une décision discriminatoire, plus politique que réaliste. En outre, il faudrait évaluer le nombre des propriétaires qui votent par procuration mais nous doutons que cela plaise à certains maires. Il ne faudrait pas oublié que la spéculation immobilière a un rapport étroit avec la loi littoral et le Padduc. Pendant que la question du statut de résident occupe les esprits, rien n’est fait contre cette spéculation que tous dénoncent en dehors des actions en justice menées par des associations comme Garde ou bien  U levante qui a enregistré des victoires juridiques mais aussi tout le collectif pour la loi littoral. Dans ce collectif, nous n’avons pas noté la présence des partisans du statut de résident.

    Le vrai problème reste donc la spéculation immobilière et il existe d’autres moyens (légaux) d’y mettre fin. Il ne s’agit pas d’empêcher des gens d’être propriétaires d’une résidence en Corse mais de permettre à tous les Corses, d’origine ancienne ou récente, d’être chez eux sur la terre où ils vivent et travaillent. Il faudrait commencer par dénoncer les élus qui participent à cette spéculation au détriment de leurs concitoyens et de la nature corse, ainsi que toutes les dérives que cela entraîne. Il est vrai que le problème se pose sur toutes les zones côtières, avec la flambée des prix du foncier et la spéculation immobilière et  toutes les difficultés occasionnés aux habitants permanents pour se loger selon leurs moyens. Qui spécule ? Qui encourage la spéculation ? Qui favorise la construction de résidences secondaires ? Qui vote des PLU rejetés par les tribunaux ? Sans répondre à ces questions, il ne s’agirait pas là encore de trouver des boucs émissaires « gaulois », corses ou d’ailleurs  pour éluder la réalité politico-financière que tout le monde connaît. Faudra-t-il  continuer à avoir des affinités électives et/ou électorales pour être propriétaire en Corse ? Faudra-t-il avoir bien voté pendant cinq ans pour qu’un terrain devienne constructible ? Faudra-t-il user de passe-droits et de prête-noms pour acheter un terrain et y construire une belle résidence secondaire ?

    La commune de Cuttoli,  près d’Ajaccio,  n’a pas souffert de la désertification et a vu sa population régulièrement augmenter jusqu’à environ 2000 âmes.  Il s’agit donc d’une commune de plus de 1000 habitants qui inaugure le scrutin proportionnelle de listes bloquées sans panachage comme c’était déjà le cas pour les communes de 3.500 habitants. Si une liste obtient plus de la moitié des suffrages, elle aura 50% des sièges, les autres sièges étant répartis proportionnellement entre les autres listes ayant obtenu plus de 5% des votes. Lors de l’éventuel second tour, seules les listes ayant obtenu au premier tour au moins 10% des suffrages exprimés sont autorisées à se maintenir. Elles peuvent connaître des modifications, notamment par fusion avec d’autres listes pouvant se maintenir ou fusionner. En effet, les listes ayant obtenu au moins 5% des suffrages exprimés peuvent fusionner avec une liste ayant obtenu plus de 10%. La répartition des sièges se fait alors comme lors du premier tour.

    On se souvient qu’à Cuttoli en 2008, Paul Scarbonchi, sous l’étiquette PRG  avait passé un « contrat de mandature » avec l’actuel maire, Jean Biancucci de Femu a Corsica, tout en refusant ce qu’il nomme lui-même  la pulitichella.  Il avait gagné son pari en remportant les élections à 83 ans. Cet élu divers gauche, maire depuis 1975, conseiller territorial de 1982 à 1998 sur les rangs PRG, suppléant de Simon Renucci à la députation, avait fait alliance avec un nationaliste, enfant du village, conseiller territorial de Femu a Corsica, cela malgré leur antagonisme politique. C’était une première en Corse et elle fait école aujourd’hui. Comme il l’avait promis devant les électeurs, Paul Scarbonchi a rapidement démissionné de son mandat de maire. Il a conservé son siège de conseiller municipal. Et c'est à Jean Biancucci que le vieux maire démissionnaire a remis l'écharpe et le tampon. Décidément la démission après l’élection devient une promesse électorale et nous l’avons vu tout récemment  à Propriano avec l’entretien télévisé de l’épouse du Maire sortant inéligible jusqu’en mai prochain. Une prestation affligeante qui a fait le buzz  jusqu’à Paris et qui a divisé les alliances puisqu’une partie du Conseil municipal a fait sécession, avec à sa tête le Dr Jacques Luciani, 1er adjoint depuis 2001, militant de Femu a Corsica. Paul-Marie Bartoli n’avait pas l’intention de laisser son siège, comme l’a fait l’ancien maire de Cuttoli, et c’est pour cela qu’il a propulsé son épouse tête de liste : une affaire de famille en sorte mais l’intéressé se défend en disant « nous ne sommes pas les Balkany ».

    Finalement en fusionnant dès le premier tour en 2008 avec Nationalistes, Paul Scarbonchi, l’ancien maire de Cuttoli, était en avance sur ce qui se passe aujourd’hui avec les alliances dès le premier tour comme celles conclues  à Ajaccio et à Porto Vecchio notamment.

    De façon générale, le nouveau scrutin des communes corses de plus de 1000 habitants permet au moins une chose : les électeurs savent à quoi s’en tenir sur les alliances dès le premier tour. Il faudra se souvenir toutefois que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent et que les alliances électorales ne durent souvent qu’un printemps. 

    Deux vers ne cohabitent pas dans une même pomme… alors plusieurs encore moins. Les métaphores ne manquent pas. On pourrait parler d’alliance entre la carpe et le lapin ou se demander qui est le chou et qui est la chèvre ? Puisque nous sommes sur une île, on peut regretter que l’électeur ait souvent le choix entre charybde et Scylla. Lorsque les deux font alliance, c’est alors  la démocratie qui s’échoue et sombre.

    U Barbutu

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