• Les arrêtés Miot en question.

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    La Corse bénéficie de longue date d'un Statut fiscal dérogatoire motivé par son insularité. Ce régime remonte au Consulat. La dernière mesure législative qui régit le statut fiscal particulier de l'île de Beauté est la loi n° 94-1131 portant statut fiscal de la Corse du 27 décembre 1994.

    La principale dérogation concerne les droits de succession qui ne s'appliquent pas aux biens situés en Corse.Il y a eu d’abord une suite de dispositions fiscales illégales qui ont été annulée par la cour de cassation, annulation provoquant un vide juridique. En 1997, l'administration fiscale comptabilisait 350 déclarations de successions pour 2 800 décès. Ces données ont conduit le gouvernement à instaurer un régime transitoire supprimant les droits de successions. Maintes fois repoussé, la fin de cet avantage semblait prévue pour le premier  janvier 2010. Mais fin 2008, les parlementaires ont voté une nouvelle prolongation au moins jusqu'au 1 janvier 2011, puis un régime transitoire jusqu'en 2016. Le 29 décembre 2012, le Conseil constitutionnel invalide l'article 14 de la loi de finance pour 2013, qui prorogeait de nouveau ce dispositif.

    Le 9 février, à l'appel d'un collectif de la société civile corse contre l'abrogation par le Conseil constitutionnel de l'exonération dans l'île des droits de succession sur les biens immobiliers,  des milliers de personnes ont manifesté. Il est compréhensif que des Corses se mobilisent sur un droit acquis. Toutefois, il faudrait, au-delà du reflexe d’autodéfense, s’interroger sur les conséquences de cette abrogation mais aussi sur celles des arrêtés Miot en matière de spéculation immobilière et de préservation d’un patrimoine par chaque Corse.

    De quoi s’agit-il ? Certainement pas de vouloir brimer nos compatriotes comme voudraient le faire croire certains. Lorsqu’un problème se pose, il ne faut pas le regarder par le seul bout de la lorgnette qui nous est tendu. Contrairement à certaines affirmations, l’exonération des droits de succession n’a eu aucune conséquence favorable sur la transmission des biens immobiliers dans les familles corses modestes. Par contre on peut considérer qu’elle a des conséquences sur la spéculation immobilière. Cela peut se vérifier et s’explique. L’acquisition d’un bien immobilier en Corse a été considérée comme un bon placement pour soustraire une partie d’un héritage et le faire fructifier. Ce ne sont pas les Corses modestes qui en ont profité mais les riches et pas seulement des Corses.  D’aucuns ont donc considéré la Corse comme une niche fiscale en matière de succession pendant que des Corses se sont retrouvés exilés en indivision. Quel serait l’impact de l’abrogation des arrêtés Miot sur une dizaine d’indivisaires et plus, lorsqu’il s’agit de biens immobiliers constitués d’une petiote maison de village ou de terrains inconstructibles. Quels sont les acquéreurs de terrains inconstructibles sur lesquels des maisons coloniales sont bâties souvent au mépris des règles d’urbanisme ? Il y a des droits sur lesquels il vaut mieux se poser des questions et la première d’entre elles est de savoir à qui ils profitent. On nous explique ensuite que la spéculation immobilière fera flamber les droits de succession et créera une accélération des ventes donc la spéculation. C’est comme si on nous disait que l’on a attrapé une maladie et qu’il vaut mieux la garder car toute médication contre ses causes ne ferait qu’en aggraver les effets. Ensuite, en admettant une accélération des ventes, on peut penser qu’elle s’accompagne de l’accroissement des offres qui sont toujours un facteur de diminution des prix. C’est ce que disent tous les agents immobiliers.

    On nous met aussi en avant les retards pris par les élus corses dans la mise en conformité des cadastres. Pourquoi un tel retard alors que des associations de généalogie ont fait un travail énorme qui permet de retrouver tous les héritiers ? Par ailleurs qu’attendent les maires pour arrêter des plans d’urbanisme conformes à la législation en vigueur au lieu d’essayer de faire passer en force l’illégalité ? Dans le fonds, si l’abrogation des arrêtés Miot les contraint à la légalité, est-ce un mal pour les Corses ?

    En Corse, on dit toujours que l’on préfère la chèvre à la brebis. Le mouflon reste un des symboles du caractère insulaire. Il ne faudrait pas se laisser aller à un instinct grégaire et se jeter dans quelque précipice social en détournant la solidarité au profit de quelques uns corses ou non corses. Le plus facile est de leur donner à chaque fois raison en évitant de regarder pas plus loin que le bout de son nez. Il suffit qu’ils lèvent le drapeau corse et le tour est joué. C’est pour cela qu’il ne faut pas qu’un seul discours s’installe dans les média corses comme c’est le cas actuellement. Il ne s’agit pas de faire du clientélisme ou de chercher des alliances politiques mais de discuter d’un sujet important pour tous les Corses.

    Même si nous n’acceptons pas que cette abrogation ait été soulevée par un Conseil constitutionnel qui a perdu toute légitimité républicaine depuis longtemps, un vrai débat doit s’instaurer au sujet des arrêtés Miot et de l’avenir fiscal des droits de succession. A chacun d’y réfléchir sans se faire manipuler par qui que ce soit. Il ne s’agit pas de se recroqueviller sur les arrêtés Miot mais d’obtenir de nouvelles réglementations qui ne feront pas de la Corse un paradis fiscal pour riches héritiers car c’est au détriment de la majorité des familles corses. Une nouvelle règlementation devrait aussi clarifier la situation cadastrale de l’Île.

    Simon Pietri

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