• Les feuilletons politico-judiciaires

    Les feuilletons politico-judiciairesL’actualité politico-judiciaire est actuellement peu relayée par les journaux télévisés. Il faut être abonné de journaux en ligne comme Médiapart pour s’informer. Plusieurs décisions de justice sont pourtant à connaître.

    Dassault, l'avionneur et sénateur étiquette « Les Républicains », devrait être jugé dès l'été 2016 pour avoir menti sur son patrimoine et dissimulé au fisc des dizaines de millions d'euros dans des coquilles offshore. Il risque jusqu'à cinq ans de prison et dix ans d'inéligibilité. Son mandat de sénateur était-il compatible avec le statut d’industriel dépendant des commandes de l’Etat ? Il ne méritait et ne mérite aucune sympathie de quiconque se réclame de la gauche anticapitaliste ou antilibérale. Il est également impliqué dans une fraude électorale. Des achats de votes lui sont reprochés. Nous verrons si ce marchand d’armes est au dessus des lois.

    Une nouvelle enquête vient d’être ouverte sur le régime fiscal très favorable dont a bénéficié Bernard Tapie, grâce à l'intervention du cabinet d'Éric Woerth. C’est un nouveau rebondissement dans l'affaire de l'arbitrage rendu en faveur de Bernard Tapie contre le Crédit lyonnais. Une enquête a été ouverte sur une éventuelle faveur fiscale de 89 millions d’euros accordée à l'homme d'affaires sur les 403 millions d'euros qu'il avait perçus pour le dédommager. Et, dans cette nouvelle enquête, c'est Éric Woerth qui se trouve visé puisqu’il était le ministre en charge de la fiscalité. Le Canard enchaîné révèle que l’information judiciaire vise les chefs de « concussion, complicité et recel ». Rappelons que l'arbitrage avait octroyé 403 millions à Bernard Tapie pour clore son litige avec le Crédit lyonnais, une décision finalement annulée par la cour d'appel de Paris. Sur ces 403 millions, les époux Tapie ont touché directement 45 millions, non imposables, au titre du préjudice moral (jugé exorbitant). Le solde, 358 millions d'euros, a été versé à la holding de l'homme d'affaires GBT (Groupe Bernard Tapie).

    Les juges d'instruction pourraient considérer que « certaines des personnes qui sont intervenues dans ce dossier ont cherché à s'affranchir intentionnellement des textes applicables et à soumettre in fine Bernard Tapie au régime fiscal qu'il souhaitait et qui emportait une exonération frauduleuse de plusieurs dizaines de millions d'euros ». Certaines personnes pourraient aussi être passibles de poursuites devant la cour de discipline budgétaire et financière, bras judiciaire de la Cour des comptes.

    Dans cette affaire décidément interminable, une instruction est également ouverte sur les conditions de l'arbitrage, dans laquelle Bernard Tapie et cinq autres personnes sont mis en examen pour escroquerie en bande organisée. Décidément, sous la présidence de Sarkozy, Bernard Tapie a été choyé.

    En décembre dernier, Tapie a évoqué son retour en politique face à la montée du FN. La montée du FN sert à tout le monde ! Tel un Zorro antifasciste, le patron de « La Provence » enfourcherait son cheval de bataille.

    Et puis un autre feuilleton politico-judiciaire vient de connaître un nouvel épisode important : celui de Nicolas Sarkozy. La cour de cassation vient de valider les écoutes téléphoniques de Sarkozy alias Paul Bismuth. C'est la procédure qui lui vaut l'une de ses deux mises en examen. A côté du dépassement de ses comptes de campagne de 2012, Nicolas Sarkozy fait face à l'affaire dite Paul Bismuth. Il espérait faire tomber les charges qui pèsent sur lui en faisant annuler la validité des écoutes téléphoniques qui servent de base à sa mise en cause. C’est raté. La Cour de cassation a décidé mardi 22 mars de confirmer leur validité. De fait, l'ancien président de la République reste mis en examen pour corruption et trafic d'influence. A l'origine, il faut revenir aux affaires Kadhafi et Bettencourt. En 2014 avant qu'il annonce son retour sur la scène politique. Nicolas Sarkozy est soupçonné d'avoir, par l'intermédiaire de son avocat Thierry Herzog, sollicité le haut magistrat Gilbert Azibert pour obtenir des informations confidentielles (voire influer sur la décision) dans l'affaire Bettencourt. En échange, l'ancien chef de l'Etat -qui utilisait un téléphone sous le nom de Paul Bismuth- aurait promis d'intervenir pour que le magistrat obtienne un poste de prestige à Monaco. Au final, l'ex-président n'a pas obtenu gain de cause dans l'affaire Bettencourt (même s'il a depuis été blanchi) et Gilbert Azibert n'a pas été promu. Pour les enquêteurs, ce revirement peut s'expliquer par le fait que Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog viennent alors d'apprendre qu'ont été placés sur écoute leurs téléphones non officiels. Ces écoutes ont été décidées dans le cadre d'une autre enquête, celle qui vise les soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle de 2007. Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog ont bien dit ce qu’ils ont dit, quand ils se sont appelés sur le téléphone de Paul Bismuth. Ils ont, au minimum, tenté de soudoyer un magistrat, et devront en répondre. Il a fallu deux ans pour vérifier cette évidence. Pendant tout ce temps, Sarkozy a dénigré les magistrats. Ses mauvais sondages de l’année 2015 démontrent que cette victimisation n’a pas eu l’effet espéré sur l’électorat de droite. Le 16 février dernier, l'ancien chef de l'Etat s'est vu signifier une nouvelle mise en examen dans une autre affaire, pour financement illégal de sa campagne présidentielle de 2012. Les écoutes désormais validées, et les juges ayant terminé leur enquête, la menace d'un procès se préciserait pour lui, sauf si sa candidature aux Présidentielles 2017 vient encore une fois repousser un procès aux calandres grecques.

    La justice suivrait donc son cours avec lenteur et les procédés dilatoires ne manquent pas pour la ralentir. Sarkozy, Tapie, Balkany, Dassault, Cahuzac… etc. Les feuilletons politico-judiciaires durent plus longtemps que les séries américaines.

    En ce qui concerne la fraude fiscale, rappelons qu’elle représenterait au minimum 80 milliards par an en France et , au niveau européen, elle est deux fois supérieure à la dette globale de tous les pays de la zone euro. Le président de la commission européenne a été ministre des finances et premier ministre du Luxembourg, pays qui a organisé 2400 milliards de fraude fiscale. C’est le même homme qui exige des budgets en équilibre de chaque pays européen alors qu’il a contribué au déséquilibre en favorisant l’évasion fiscale.

    Toutes les filières de blanchiment de la fraude fiscale sont connues. Malgré cela, peu de fraudeurs sont sanctionnés.

     

    Battone

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