• Les jours nouveaux de Corse-Matin

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    Les sorts séparés de Nice-Matin et Corse-Matin sont scellés avec, comme personnage important au milieu des tractations Bernard Tapie, principal actionnaire de « La Provence ». Le Tribunal de commerce de Nice a choisi, vendredi dernier,  la solution de la coopérative et la reprise de Corse-Matin par  Tapie/La Provence. Nice-Matin continuera à paraître sous la gestion d’une société coopérative fondée par les salariés qui conservent ainsi des emplois, malgré 159 licenciements (14% des effectifs) alors que d’autres offres en prévoyaient davantage jusqu’à 376. Cela n’a pu se faire qu’avec l’aide financière de la Provence qui, dans les arrangements contractés, a acheté les 50% d’actions détenues par Nice-Matin au capital de Corse-Matin, devenue filiale de la Provence qui détenait déjà les autres 50%. Le coût du rachat pour le journal marseillais est de 4 millions d’Euros, ce qui correspond au bénéfice du journal insulaire en 2013 (selon Bernard Tapie). C’est une bonne affaire pour Bernard Tapie, même s’il annonce qu’en 2014 le bilan de Corse-Matin ne sera qu’en équilibre. Du côté de Nice-Matin, la vente des actions de Corse-Matin a fait entrer en trésorerie les 4 millions d’euros plus 4 autres millions versés par La Provence sous forme d’avance remboursable en contrepartie de promesses de cession d’actifs immobiliers et des murs d’agence. En outre, Bernard Tapie espère une collaboration entre la Provence et Nice-Matin par le biais d’une régie de publicité commune pour les annonceurs nationaux et internationaux.

    En ce qui concerne Corse-Matin[1], il a déclaré dans une interview donnée au journal Les échos : «  De tous les titres de presse régionale, c’est celui qui a le plus de chance de durer. Les enfants corses apprennent à lire dans ce journal, il y a un attachement fort. Quand on a mon tempérament, on ne peut pas ne pas aimer les Corses. J’ajoute que j’ai augmenté l’autonomie du journal, qui s’est fait plumer de 30 millions en 10 ans par ses anciens propriétaires ». Il n’a pas épargné le groupe de Philippe Hersant qui a fait appel à lui qui est entré au capital en janvier 2013 à hauteur de 50 % en apportant 25 millions d’euros. Il reste à savoir quelles seront les conséquences de l’instruction judiciaire dans laquelle il fait partie des mis en cause et relative à l’arbitrage qui lui a permis d’encaisser plus de 400 millions d’euros réglés par Le Crédit lyonnais rebaptisé CLC en dédommagement de la vente d’Adidas. La question est posée : a-t-il tordu le nez à la justice en bande organisée ?

    Dans l’interview donnée à Nicolas Madelaine du journal Les échos, l’homme d’affaires s’est présenté comme le sauveur des emplois de Nice-Matin. Il aurait ainsi préféré la solution de la coopérative qui lui paraît viable plutôt qu’une reprise un temps envisagée mais avec 296 licenciements. On retrouve là le Bernard Tapie spécialiste des reprises de sociétés en dépôt de bilan et la liste[2] est longue de celles au sein desquelles les salariés licenciés ont déchanté après son passage.  Finalement, on peut penser que Bernard Tapie a grand intérêt à réussir dans la presse. On peut rêver qu’il arrivera à valoriser la Provence et Corse-Matin comme il l’a fait pour Adidas. L’évocation d’autres entreprises comme Téraillon, Testut, La vie claire, Wonder… nous laisse dubitatif.

    Au sein de la rédaction de la Provence, il a déjà fait l’objet de quelques broncas.  Des journalistes  n’ont pas apprécié qu’il dise à la télévision qu’ils étaient en grande majorité de gauche sur une chaîne de télévision. La plupart des journalistes se souviennent qu’il avait dit, comme une fanfaronnade, qu’il n’avait pas besoin d’acheter un journal car un journaliste coûte moins cher. On ne peut pas dire que les rapports de ce nouveau patron de presse soient des plus cordiaux avec le monde journalistique qui reconnaît toutefois que Nanard fait de l’audimat.

    En Corse, une grande partie des salariés a ressenti la solution Tapie comme un arrangement avec les salariés de Nice-Matin sur leur dos. Certains préféraient l’offre du groupe Rossel. Le STC s’est montré farouchement opposé à la mainmise de Tapie/La Provence sur Corse-Matin. D’autres, selon France3 Corse Via Stella sont sereins et soulagés de mettre fin à la double gouvernance Hersant / Tapie, dénoncée comme un frein aux projets de développement du titre.

    Nous verrons à l’usage si Corse-Matin aura plus d’autonomie dans sa gestion et si les journalistes feront leur métier librement sans être accusé d’être de gauche comme un reproche de ne pas être de droite. Espérons que tous les emplois seront sauvegardés puisque le journal insulaire n’est pas déficitaire et génère même des bénéfices. Et puis rêvons un peu en comptant sur de nouvelles créations d’emplois dans une île qui en manque cruellement, de développer l’impression numérique  et à terme d’imprimer en Corse certains quotidiens nationaux. Simu à sicura ! L’imbusche so ind’u cappellu. Mais n’oublions pas que, avec Tapie, Hè argentu cacatu da u ventu.

    Battone


    [1] Corse Matin en chiffres

    - 40 000 exemplaires

    - Chiffre d’Affaire : 23, 5 millions d’euros

    - Résultat net d’exploitation en 2013 : 1.2 millions d'euros

    - 220 salariés

    [2]Ses sociétés les plus connues sont Terraillon (rachetée 1 franc en 1981, revendue 125 millions de francs en 1986 à l'américain Measurement Specialities) ; Look (rachetée 1F en 1983, revendue pour 260 millions de francs en 1988 au propriétaire des montres suisses Ebel), La Vie claire (rachetée 1F en 1980, revendue à Distriborg par le CDR en 1995) ; Testut (rachetée 1F en 1983, revendue par le CDR en 1999 au groupe américano-suisse Mettler Toledo) ; Wonder (rachetée 1F en 1984, revendue pour 470 millions de francs en 1988 à l'américain Ralston) ; Donnay (rachetée 1F en 1988, revendue pour 100 millions de francs en 1991 à la région Wallonne).

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