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"Manifeste pour le changement" ou l'art de changer dans la continuité
Le Parti socialiste européen a tenu son congrès à Rome, en cette fin de semaine. Il a été quelque peu occulté par les graves événements qui secouent actuellement l’Ukraine. Il mérite toutefois une attention particulière, surtout à l’approche des élections européennes. Ce congrès a adopté un « Manifeste pour le changement » et élu son candidat à la présidence de la commission européenne. Martin Schulz. Qui est ce Martin Schulz ? Un bon apparatchik du Parti social-démocrate allemand. Il sévit depuis pas mal de temps dans les coulisses et les travées du Parlement de Bruxelles. Il en est le président. Il était plutôt méconnu jusqu’au jour où l’ineffable Silvio Berlusconi le traita de kapo !
Martin Schulz a pris la parole devant le congrès pour exposer sa conception de l’Europe. Ca vaut son pesant d’or. Que dit-il en substance ? « La fraude fiscale est un crime. Les multinationales font de juteuses affaires sans payer de taxes. C’est un scandale ». Notre homme poursuit son intervention, tantôt en allemand, tantôt en anglais ou encore en français ou en italien, avec une insolente aisance. Par moment, il nous a rappelé un homme, lui aussi social-démocrate, qui haranguait les foules au Bourget, à la veille des élections présidentielles. Un vrai homme de gauche, dirait un esprit innocent. « On doit dire assez aux paradis fiscaux. Les taxes doivent être payées là où se créent les richesses ». Ajouta-t-il. Martin Schulz veut moins de Troïka, plus de solidarité. Enfin, cerise sur le gâteau, il se prononce pour une Europe juste, sociale, humaine, démocratique et social-démocrate. On serait presque tentés d’applaudir à un tel discours. Mais le discours de Martin Schulz est un modèle d’hypocrisie et de double langage. Pourquoi ? Il suffit de s’appuyer sur la réalité. Les partis dits socialistes, les sociaux-démocrates approuvent, dans leur quasi-totalité – et les appliquent avec zèle – les politiques d’austérité et de régression sociale imposées par la Troïka et les marchés financiers. Des exemples ? L’Espagne, le Portugal, la Grèce, avec les brillants résultats que l’on connaît et même la France. Dans notre pays, François Hollande et son gouvernement ont tourné le dos - et sans vergogne – aux engagements de la campagne des présidentielles et des législatives pour s’inscrire allègrement dans la logique libérale, au nom d’un prétendu réalisme politique et économique. En Allemagne, les sociaux-démocrates ont fait acte d’allégeance à la Merkel, en intégrant une grande Koalition. En Italie, le nouveau gouvernement, à la tête duquel se trouve un jeune homme pressé, le bouillant Matteo Renzi, alias Renzusconi, continue sans sourciller la politique de ses prédécesseurs, sans rien changer. Ce gouvernement est composé des éléments du Parti démocratique, à dominante démocrate-chrétienne et des hommes venus du Centre-droit dont certains occupent des postes-clés, d’autres rattrapés par les affaires. Tout cela sous le regard bienveillant du sieur Berlusconi, que d’aucuns croyaient hors d’état de nuire. A l’occasion du congrès le Parti démocrate a choisi d’adhérer au Parti socialiste européen. Qui se ressemble s’assemble.
En réalité, au-delà du discours de Martin Schulz, le congrès du Pse vise à renforcer la position des sociaux-démocrates au sein de l’institution européenne Il vise également à réduire l’influence montante du candidat de la Gauche unie européenne, Alexis Tsipras, leader de Syriza. En France, cette candidature est soutenue par le Front de gauche. Le congrès joue sur le registre, très classique, du vote utile, en gauchisant le discours, comme l’a fait Hollande au Bourget. On en connaît le résultat.
Il n’y a qu’une seule alternative pour une Europe sociale et des peuples, c’est de voter pour Alexis Tsipras et les candidats du Front de gauche. Gare aux désillusions et aux déceptions.
Angelo Leonetti
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