• Oceano Nox

    gravona_sncm

    « Mon cher collègue,  par lettre en date du… vous avez bien voulu attirer mon attention sur l’intérêt qu’il y aurait pour la Corse à conserver une compagnie nationale de navigation. J’ai le plaisir de vous annoncer que je donne mon accord sous réserve de celui du mon collègue des finances… Veuillez… etc.» On peut se demander si ce type de courrier qui reprend une formulation de lettre type qui s’échange entre un député ou un sénateur  et un ministre  ou un ministricule, a été envoyé au Président de la CTC ou à un autre des élus corses. Cette farce, depuis la Troisième république, continue à leurrer ceux qui croient aux promesses électorales et aux lettres d’intention. On ne sait toujours pas quel sera l’avenir de la SNCM malgré les paroles rassurantes du ministre des transports devenu ministricule après le dernier remaniement.

    Quelle est la véritable influence de nos députés sur l’Exécutif ? On a souvent l’impression qu’au Palais Bourbon, se joue une comédie et que le suffrage universel, considéré comme le symbole suprême de la démocratie, n’est plus qu’une farce qui sert à distribuer des fromages. Un politicien élu député jouit des mêmes avantages accordés aux hauts fonctionnaires de la République et semble avoir des prérogatives qui ne servent plus qu’à l’installer dans une sinécure  limitée dans le temps mais devenue une position pérenne pour des petits barons qui  pratiquent le clientélisme notamment en envoyant des courriers aux Ministres et en se servant des réponses-types  comme étant les réussites de leur œuvre exclusivement épistolaire.

    Combien de projets et de promesses ont rempli les corbeilles ? Bien souvent le profit brise leurs pages qui se dispersent sous le souffle du vent de l’opportunisme dont font montre nos édiles inchangés. 

    Oh ! Combien de marins, combien de capitaines
    Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
    Dans ce morne horizon se sont évanouis ?
    Combien ont disparu, dure et triste fortune ?
    Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune
    [1]

    A la SNCM, les marins et les capitaines ne disparaissent pas dans une mer sans fond mais risquent de disparaître dans des plans de licenciements avant la vente de plusieurs navires. Nous verrons jusqu’où peut aller l’hypocrisie et le cynisme des politiques qui interviennent dans ce dossier, si, au bout de toutes les négociations, la grande compagnie maritime nationale devient une petite compagnie régionale  qui gérera peut-être des bateaux-mouches sur la Gravona entre Ajaccio et Vizzavona. Nos politiciens pourraient bien alors proposer d’agrandir cette rivière corse, d’y ajouter de l’eau et bien d’autres travaux qui ne seront pas réalisés. On connaît déjà la formule du courrier ministériel qu’ils recevront alors… «  Mon cher collègue, par lettre en date du… » On le sait : des élus et des candidats à des élections ont adressé des courriers en haut lieu pour sauver la SNCM. Des réponses sans véritable engagement ont été reçues par les syndicats. Le meilleur ou le pire restent à venir.

    Combien de promesses d’aller dans la lune ont disparu et sont dans le néant à jamais enfouis ? Les politiciens mettent le nez à la fenêtre jusqu’en avril pour voir quel temps il fait et si le printemps va naître. Ils prennent la température et prêchent le renouveau sans vouloir rien changer. Et si l’averse tombe, ils incriminent la météo et sont prêts à rouspéter avec vous : Monsieur Printemps, Monsieur Printemps nous ne sommes pas très contents. Et si la SNCM est prise dans la tempête économico-financière, il faut se souvenir que, depuis sa privatisation, on la pousse vers les récifs. Mais ce sont les vents contraires de l’économie, nous dira-t-on.

    La politique n’est pas un domaine de spécialistes bien qu’elle tende à le devenir. Tant qu’il y a des dictatures, il est dangereux de critiquer une démocratie. Toutefois, il n’est pas défendu de dénoncer "un monde de karaoké où les gens répètent les mots des autres." On doit garder la capacité à s’indigner, nous disait Stéphane Hessel. Indignons-nous chaque fois que les politiciens nous jouent une farce dont nous sommes les dindons ! Faisons de la politique sans avoir peur du mot ! Ne faisons pas l’autruche qui serait, selon Pierre Daninos, le seul animal doué de sens politique ! Ne laissons pas la politique aux politicards pour qui  l’Etat doit vivre de ses perversités ! La SNCM est un exemple actuel des conséquences de ces perversités mais il y en a d’autres… La seule question est : jusqu’où iront-ils ? Le pire si aucune résistance ne vient les arrêter.

    Fucone

     



    [1] Poésie « Oceano Nox », Victor Hugo.

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