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Pas de renouvellement de CDD pour Myriam El Kohmri ?
Alors que la présentation en conseil des ministres de son projet de loi devant assouplir le code du travail est reportée de quinze jours pour mieux expliquer et se concerter avec les partenaires sociaux, Mme Myriam El Kohmri a dû être hospitalisée pour des examens de santé et a annulé une interview prévue dans l'émission "Les 4 Vérités" de France 2, ainsi que ses rendez-vous prévus dans la journée avec plusieurs représentants syndicaux. Est-ce un réel malaise ou une dérobade ? Qui va reprendre le dossier du projet de loi sur la législation du travail ? Y aura-t-il un abandon partiel des mesures pour diviser les syndicats, en obtenant in fine l’aval de la CFDT ?
Mme Myriam El Kohmri a été nommée le 2 septembre 2015 ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Elle a été chargée début 2006 du projet de la loi dite de reforme de la législation du travail. Le 31 janvier, elle ne savait pas combien de fois un employeur pouvait renouveler un CDD puisque elle a séché à la question posée par Bourdin sur BFMTV. Valls va-t-il lui renouveler le sien au sein du gouvernement?
En février, son projet est rapidement bouclé et programmé au conseil des ministres du 9 mars prochain. Il s’agit ni plus ni moins de s’attaquer à la durée du temps de travail, aux conditions des licenciements économiques, aux montants des indemnités en les plafonnant en fonction de l’ ancienneté, à l’organisation de référendums en entreprise pour contourner les syndicats avec la devise « diviser pour mieux régner », de favoriser les accords d’entreprise sans tenir compte d’une législation valable pour tous… Le travail à la carte et c’est le patronat qui a fixé le prix à payer pour les salariés.
Pour faire passer tout cela, il fallait un peu de lubrifiant social : le compte personnel d’activité qui devrait permettre à tous les actifs de conserver leurs droits sociaux tout au long de leur vie professionnelle. C’est cela que Valls considère comme la contrepartie de tout les acquis perdus. C’est cela qu’il considère comme un plus dans la protection des salariés, alors que le fin-mot est la « flexibilité » et son ombre « la précarité ».
Comment avaler que ce projet est « gagnant-gagnant » pour les salariés et les patrons ? Comment se laisser abuser par la distinction faite entre les entreprises et le patronat, alors que les entreprises françaises sont celles qui distribuent le plus de dividendes en Europe au lieu d’investir ? Qui décide ? Les entreprises ou les patrons ? Quelle hypocrisie de se présenter comme les défenseurs des entreprises dans un système libéral qui veut donner tous les pouvoirs au patronat en matière de droit du travail et qui finance indirectement les dividendes par des crédits d’impôts de plusieurs milliards d’euros. Où sont les emplois créés ? Pourquoi créer des emplois si l’on peut licencier plus facilement et faire travailler les actifs plus longtemps ? Pourquoi ne pas procéder à des licenciements abusifs, lorsque l’on sait que les indemnités seront misérables ? Les patrons seront-ils plus vertueux lorsque l'on leur donnera tous les droits ?
Nous avions droit au sourire permanent de la ministre de l’éducation nationale et maintenant nous avons droit à celui de la ministre du travail et, paraît-il, du dialogue social. En si peu de temps et malgré ses carences en matière de contrat à durée déterminée, on se demande qui elle a consulté parmi les syndicats. Sans doute le Medef satisfait de sa copie qui, selon des rumeurs, contiendrait quelques modifications directement inspirées par Pierre Gattaz, patron du Medef.
Le dialogue social ne semble pas être le point fort de la ministre qui a fait savoir que, sur ce texte, le gouvernement prendrait ses responsabilités. En langage politique, cela signifie avoir recours à l’article 49-3 , c’est-à-dire le passage en force qui remet les frondeurs dans le droit chemin qui n’est plus à gauche. Devant la contestation grandissante illustrée par une pétition qui, en quelques jours, a recueilli plus de 800.000 signatures, la mobilisation de tous les syndicats, y compris étudiants, Manuel Valls vient d’annoncer que le projet ne serait plus présenter le 9 mars en conseil des ministres mais qu’il se donnait quinze jours de plus pour permettre d’expliquer un projet mal perçu et injustement déformé, tout en parlant de nouvelles concertations avec les syndicats, sans oublier de citer ceux du patronat.
Quinze jours, pour quoi faire ? La concertation aurait due être menée avant. Les oreilles de la ministre et du premier ministre n’auraient pas dû n’entendre que le Medef. La politique libérale menée ressemble à une fuite en avant.
Alors espérons qu’aucun syndicat ne tombera dans le piège tendu d’une fausse concertation qui permettrait à Manuel Valls de faire passer la loi en ayant recours à l’article 49-3 ou aux votes d’une partie de la droite, trop heureuse de voir le démantèlement du code de travail commencer avant les prochaines élections présidentielles et législatives.
Seule une large mobilisation, comme en 2006 contre le CPE, pourrait provoquer le retrait de la loi scélérate. Il ne s’agit pas de se laisser endormir et de compter sur les frondeurs pour voter une motion de censure. On peut compter sur une partie de la droite pour voter le textes, certains l’ont déjà annoncé.
Il serait temps que le Premier ministre rende son tablier. Il est allé trop loin. Il participera sans doute aux primaires dites « de la gauche », si elles ont lieu. Malheureusement le mal est fait pour l’ensemble de la gauche qui pourrait cependant renaître d’un souffle nouveau lors d’une grande mobilisation contre la casse sociale et la remise en cause des acquis contenus dans le code du travail.
Fucone
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