• Politique-fiction et réalité politique...

    On ne lasse pas de la scène à l’Assemblée nationale dans le film « Le Président » réalisé par  Henri Verneuil d'après le roman homonyme de Georges Simenon.  Les dialogues sont  de Michel Audiard. Jean Gabin incarne un Président du Conseil (Chef du gouvernement), homme de gauche, et Bernard Blier interprète son adversaire de droite. L'histoire est imaginaire, mais inspirée par les combinaisons parlementaires et l'instabilité ministérielles de la Troisième et surtout de la Quatrième République. Si, encore aujourd’hui, certains députés dont Philippe Chalamont (Bernard Blier)  peuvent trouver des clones à l’Assemblée nationale, le Président Emile Beaufort (Jean Gabin) n’a pas son semblable lorsqu’il débite toutes ses vérités sur la haute assemblée et la constitution d’une Europe des « trusts horizontaux et verticaux et de groupes de pressions qui maintiendront sous leur contrôle non seulement les produits du travail, mais les travailleurs eux-mêmes ».

    Jean Gabin prononce un long monologue de dénonciation, qui fait référence sans les nommer aux « Deux cents familles», lors de la scène du discours à l'Assemblée. Pierre Bérégovoy, lors de son discours de politique générale, avait déclaré qu'il détenait une liste des noms de députés et d'anciens ministres de droite ayant été mêlés de près ou de loin à des affaires de corruption ; cette déclaration faite en 1992 fait penser à la scène du débat parlementaire au cours de laquelle le président Beaufort présente la liste des députés qu'il accuse d'être membres d'importantes sociétés. Le Ministre de François Mitterand a été bénéficiaire et victime d’un arrangement financier entre amis. Il n’a pas communiqué sa liste noire et n’a pas fait de déclarations fracassantes à l’Assemblée. Il s’est suicidé dans des conditions qui ont fait s’interroger ses proches et une partie de la Presse sur la réalité du suicide.

     

    On connaît le talent de Michel Audiard pour les répliques-cultes. Certaines dans la bouche du Président Beaufort ( Jean Gabin) n’ont rien perdu de leur réalisme. En voici un petit échantillon :

    La Politique, messieurs, devrait être une vocation. Je suis sûr qu'elle l'est pour certain d'entre vous. Mais pour le plus grand nombre, elle est un métier. Un métier qui ne rapporte pas aussi vite que beaucoup le souhaiterait et qui nécessite de grosses mises de fonds. Une campagne électorale coûte cher. Mais pour certaines grosses sociétés, c'est un placement amortissable en quatre ans. Et pour peu que le protégé se hisse à la présidence du conseil, alors là, le placement devient inespéré. Les financiers d'autrefois achetaient des mines à Djelizer ou à Bazoa. Et bien ceux d'aujourd'hui ont compris qu'il valait mieux régner à Matignon que dans l'Oubangui, et que de fabriquer un député coûtait moins chez que de dédommager un roi nègre.

    Le président Beaufort : Mais en écoutant M. Chalamont, je viens de m'apercevoir que le langage des chiffres a ceci de commun avec le langage des fleurs, on lui fait dire ce que l'on veut. Les chiffres parlent, mais ne crient jamais. C'est pourquoi ils n'empêchent pas les amis de M. Chalamont de dormir. Permettez moi messieurs, de préférer le langage des hommes : je comprends mieux.

    Dialogues:

    Un député : Quand on veut pas du pouvoir, on le refuse, M. Beaufort. On peut très bien vivre dans l'ombre.

    Le président Beaufort : Et ne jamais en sortir vous en savez quelque chose.

    Le président Beaufort : Je vous reproche simplement de vous être fait élire sur une liste de gauche et de ne soutenir à l'Assemblée que des projets d'inspiration patronale.

    Le député Jussieu : Il y a des patrons de gauche ! Je tiens à vous l'apprendre.

    Le président Beaufort : Oui, et y'a aussi des poissons volants mais qui ne constituent pas la majorité du genre.

     

    Le président Beaufort : Tout le monde parle de l'Europe. Mais sur la manière de faire cette Europe que l'on ne s'entend plus. C'est sur les principes essentiels que l'on s'oppose. Pourquoi croyez-vous, Messieurs, que l'on demande au Gouvernement de retirer son projet d'union douanière. Parce qu'il constitue une atteinte à la souveraineté nationale ? Non, pas du tout ! Simplement parce qu'un autre projet est prêt.

    Philippe Chalamont : C'est faux !

    Le président Beaufort : Un projet qui vous sera présenté par le prochain gouvernement.

    Philippe Chalamont : Monsieur le Président je vous demande la permission de vous interrompre.

    Le président Beaufort : Ah non ! Et ce projet, d'avance je peux vous en annoncer le principe. La constitution de trusts horizontaux et verticaux et de groupes de pressions qui maintiendront sous leur contrôle non seulement les produits du travail, mais les travailleurs eux-mêmes. On ne vous demandera plus, messieurs, de soutenir un ministère, mais d'appuyer un gigantesque conseil d'administration.

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