• Proposition d'amendement: loi de moralisation de la vie politique

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    Les candidats au bac ont planché lundi dernier sur la philosophie et notamment sur la question : « Peut-on agir moralement sans s’intéresser à la politique ? ».  Nous ne traiterons pas ce sujet biaisé. Nous nous intéressons en revanche à la politique et à ses rapports avec la morale. Morale et politique ! Deux mots que l’affaire Cahuzac  a mis dans l’actualité et qui, assemblés, font grincer les dents de nos élus. Comment concilier la politique qui est l’art du compromis et la morale qui n’en fait aucun ? Alors la morale doit-elle se couper de la réalité politique ?  En opposition à ce monde réel,  le monde moral est défini par le respect mutuel des individus, le respect de la dignité humaine, la coopération, le travail collectif, la promotion vers une humanité meilleure. Le moraliste est par définition partisan de la réalisation de ce monde moral qu’il voudrait substituer au monde réel. A partir de cette opposition, quelle doit être son attitude. Doit-il condamner la politique en plaidant pour le monde moral ? Doit-il désespérer de moraliser les mœurs politiques ? Ne doit-il plus rechercher au niveau de l’idéal mais plutôt descendre dans le réel pour supprimer les conditions qui font que la politique établit ses propres règles ou n’en a pas ? Alors, peut-on intégrer la politique dans un système moral? A l’intérieur d’un groupe social, considéré comme un système fermé sur lui-même (Morale close de Bergson), le moraliste dans la personne du Juge répond aux infractions par des sanctions. C’est ce que l’on peut appeler " l’institutionnalisation " de la morale collective. Ce sont les politiciens qui font les lois. Est-il juste qu’ils s’en affranchissent par une immunité légale qui couvre le plus souvent le temps de la prescription ? Avec la politique, se pose donc la question du champ de la morale, c’est-à-dire de son pouvoir par rapport à la réalité et à la condition humaine.

    Nous ne traitons pas ici un devoir de philo. Restons dans l’actualité ! Nos élus discutent d’une loi de moralisation de la vie politique. Apparemment ils ne sont pas tous d’accord pour établir des règles conformes à la morale. Ils ne veulent tous subir la transparence et le contrôle de leurs patrimoines. Le terme de moralisation déplaît à bon nombre d’entre eux car cela veut dire que le monde politique a fait preuve d’amoralité et d’immoralité. Ils estiment en outre qu’une élection est un certificat de moralité. Si quelques uns tombent sous le glaive de la justice, leurs mises en examen et les condamnations sont du domaine du droit et non de la morale. D’aucuns échappent à la justice pour des raisons diverses : manque d’éléments constitutifs des infractions, immunité, prescription… et parfois interventions dans les enquêtes et les procédures. Pour autant, leurs agissements entrent aussi dans le domaine de la morale. C’est pour cela que des professions ont des codes de déontologie avec des sanctions prévues. Si nous prenons les agissements de Jérôme Cahuzac, il a démissionné de son poste de ministre et a renoncé à se représenter aux législatives partielles  sur sa circonscription.  Aucune sanction administrative n’est prévue  alors qu’un fonctionnaire aurait été relevé de ses fonctions et suspendu jusqu’à un conseil de discipline pouvant l’exclure définitivement. On voit bien que les élus et les membres d’un gouvernement n’ont pas de devoirs déontologiques et donc ne sont pas moralement condamnables. Les actions en justice à leur encontre sont toujours difficiles à mettre en œuvre, lorsqu’elles ne sont pas impossibles.

    L’un des devoirs de philosophie donné à la section S du baccalauréat  pousse donc à une réflexion et à une prise de conscience de l’amoralité et parfois l’immoralité  du monde politique. Lorsque François Hollande revendique d’être un homme de compromis, il reconnaît agir non pas au nom de la morale mais en fonction des circonstances et des points de vue. Cet aveu est contraire à sa promesse de moralisation de la vie politique et d’une république irréprochable. Le compromis politique est forcément une compromission. Mettre en œuvre des compromis n’est pas « irréprochable ».  Nous l’avons déjà constaté avec les reculs sur les mesures de moralisation.

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    La loi discutée va être vidée de toute transparence et  donc d’une vertu morale qui ne peut être secrète : l’exemplarité de celui qui n’a rien à cacher. Mais l’exemplarité ne semble pas une vertu cultivé par des élus qui se veulent au dessus des lois et détenteurs de privilèges dignes des républiques bananières. Il est stupéfiant d’entendre l’indécrottable Patrick Balkany , député UMP des Hauts-de-Seine, dire : « Les parlementaires sont les représentants de tous les métiers, de toute la France, de la population française" et ajouter dans l’Express le 12 juin dernier «  Si on investit que ceux qui n’ont pas été condamnés par la justice, on n’a plus de candidat dans les Hauts de Seine ». Dans le cynisme, cet élu est grandiose ! Avec son épouse, il compose un de ces couples fusionnels de l’UMP comme les époux  Tiberi dont l’autre point commun est leurs démêlés avec la justice. Il faut dire que ce département les concentre avec des noms comme Balkany lui-même, on y trouve Charles Pasqua et Nicolas Sarkozy… une bande organisée en quelque sorte.

    Voici un exemple d’agissement immoral mais légal. Monsieur Balkany est aussi un opposant à la limitation des mandats et à l’écrêtement des revenus des cumulards. Il est partisan  « d’un dispositif permettant à l’élu cumulard de reverser la somme écrêtée… à un ou plusieurs élus de leur choix, pourvu qu’ils siègent dans la même assemblée. Une pratique destinée officiellement à mieux rémunérer l'élu qui supplée un cumulard mais qui laissait la porte ouverte à toutes les dérives, encourageant le plus souvent le clientélisme où des arrangements peu avouables. Ainsi en 2008, le député-maire de Levallois Perret, Patrick Balkany (UMP) avait reversé la somme écrêtée à son adjointe, qui n’était autre… que son épouse, Isabelle Balkany ! Cumulant les fonctions de président d’agglomération, conseiller régional et maire de Louviers (Haute Normandie), le Franck Martin (PRG) avait dû lui-aussi, sans avoir besoin être parlementaire, écrêter 1400 euros par mois d’indemnités. Qu’il s’était empressé de reverser à son adjointe de compagne ! « L'usage de l'écrêtement revient, pour un élu déjà largement indemnisé, à affecter à d'autres une somme qui ne lui appartient pas, puisqu'il ne peut la toucher du fait du plafonnement » tempête René Dosière, rejoignant les multiples observations de la cour des comptes sur le sujet » (extrait d’un article du journal  Sud-Ouest )

    On connaît la polémique sur élus qui sont des avocats d’affaires. Déjà, en 2010 en pleine polémique sur les conflits d’intérêts, Jean-François Copé avait dû renoncer à son poste dans un grand cabinet d’avocats. Mais depuis, le patron de l’UMP a continué à exercer discrètement comme avocat indépendant à Paris.

    Les politiciens ne pourront continuer à vivre en marge de la morale commune qu’ils ont institutionnalisée au fil des siècles et qu’ils réforment sans cesse. Ils s’affichent  comme des moralistes et, en sophistes,  continuent à tenir des discours trompeurs et cyniques. Leur morale est pour les autres. Elle est bien différente de celle qu’ils s’appliquent collectivement et individuellement. Le paradoxe est que ces moralistes ont horreur qu’on leur fasse la morale. Nous proposons un amendement à la loi de moralisation de la vie politique : « Chaque candidat à une fonction politique devra disserter sur un sujet en relation avec la morale et la politique et remettre sa copie pour qu’elle soit publiée au JO  après correction et notation. La note au dessous de la moyenne est éliminatoire. Des mentions  AB, B et TB pourront être accordées ainsi que les encouragements à bien faire. Les félicitations ne seront accordées qu’en fin de mandat pour ceux qui auront mis en pratique les préceptes moraux communs.  La question pourrait être : « Un élu peut-il être au dessus de la morale collective et de la loi pénale ? ». Quel député, corse de préférence mais sans exclusivité, déposera ce projet d’amendement ?

    Le neveu de Diogène / U nipote di Diogène

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