• Quel avenir constitutionnel pour la Corse?

    conseilconstitutionnel_corse

    Après le débat sur le statut de coofficialité de la langue corse en mai dernier et avant une session spéciale prévue sur le foncier ( statut de résident et Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse), la CTC a délibéré sur  l’introduction de la Corse dans  la constitution française. C'est l'article 72 de la constitution sur "les collectivités territoriales de la République" qui devrait ainsi être modifié. Certains élus nationalistes, comme Jean-Guy Talamoni, veulent  placer la Corse dans l’article 75 de la Constitution qui régit certains territoires d’outremer.

    Une commission des compétences législatives et règlementaires présidée par Pierre Chaubon a travaillé sur le dossier  et un rapport consensuel a été rédigé. Il est qualifié de « point d’équilibre » par le président de la commission et Paul Giacobbi. Le président de l’exécutif  a dit en préambule : « Le rapport n’est pas l’œuvre d’un homme ou d’une majorité, mais l’œuvre collective de tous ceux qui y ont participé. C’est le point d’équilibre de toutes les opinions ».

    Cette réforme constitutionnelle est sensée améliorer le processus démocratique en Corse en mentionnant la Corse dans la Constitution pour avancer sur les 3 problématiques linguistiques, foncières et fiscales. Il est prévu la mise en place d’un comité stratégique ayant pour mission de définir le contenu, les modalités et le calendrier de la réforme. Ce comité serait composé de députés, d’élus de la CTC, de représentants de l’Exécutif, des Conseils généraux et des associations des maires.

    Après l’adoption du projet de réforme constitutionnelle  vendredi matin à l’Assemblée de Corse (une majorité de 46 voix sur 51 à l'assemblée dont la majorité est de gauche), le président de l’Exécutif territorial, Paul Giacobbi a déclaré à la presse locale : « C’est une victoire collective, celle de tous ceux qui ont participé à la rédaction du projet. Je dirais même que ceux, qui ont voté contre, ont eu une attitude utile et très constructive dans le débat. Ils ont essayé d’être le moins négatif possible… » et il ajoutait : « Nous allons rencontrer le gouvernement. Nous irons voir les groupes parlementaires. A ce titre, je suis tout à fait sensible et heureux de la proposition de Camille de Rocca Serra d’œuvrer ensemble… »

    Pour M. Chaubon : « Ce qui est nouveau, c’est que nous osons aller au niveau le plus haut, c’est-à-dire, à la Constitution afin que l’on reconnaisse nos contraintes particulières, inhérentes à la Corse et à son insularité, et qu’on nous permette d’adapter, cette fois de manière effective et non plus fictive, la norme à la situation particulière de la Corse ».

    Seuls trois élus du groupe de la Gauche républicaine et deux élus communistes ont voté contre le texte, au terme de deux jours de débats. Si ce projet a fait l’objet d’un consensus entre divers partis de droite et de gauche mais aussi autonomistes ou indépendantistes représentés à l’assemblée corse, il ne faut pas cacher qu’il divise les Corses au sein de chaque parti et de la population insulaire.  

    Paul Giacobbi estime que  « les oppositions ne sont, d’ailleurs, pas des oppositions de principe, mais des oppositions de prudence. Ce qui est assez différent quand même ! Cela me laisse penser que ces oppositions se fondent sur des ambiguïtés et des inquiétudes. Ceux, qui les expriment, n’ont peut-être pas tout à fait tort ».

    Les Jacobins de droite et de gauche sont sans doute contre la réforme pour des raisons bien entendu diamétralement opposés à celles des radicaux nationalistes.  Un représentante de la Gauche républicaine  faisait valoir que le statut particulier offre un cadre suffisant pour faire entendre les voix des Corses. Certains craignent le renforcement du clanisme et de l’affairisme.

    Du côté des Nationalistes, si le vote du 27 septembre est qualifié d’historique par ceux qui se réclament de la Cunsulta Naziunale et de la lutte de libération nationale, c’est pour le dénoncer. Un communiqué a été diffusé dans ce sens et nous le reproduisons ci-dessous :

    Le vote de l'Assemblée territoriale du 27 septembre 2013 est historique pour trois raisons:

    1. Il satisfait la vieille revendication autonomiste (voir le livre "Autonomia" publié par l'ARC en 1974).

    2. Il liquide la revendication indépendantiste et le lutte de libération nationale. Les 4 représentants que l'on pouvait présumer indépendantistes ont applaudi sans vergogne la conclusion du discours de Paul Giacobbi, évoquant son père (Corse Française et Républicaine) qui déclarait : "Je suis d'autant plus Français que je suis Corse et d'autant plus Corse que je suis Français." ...

    3. Il signe l'arrêt de mort de la nation corse car une nation ne peut procéder que d'elle-même, des lois fondamentales qu'elle se donne et non pas d'une constitution étrangère.

    Seul le processus de la Cunsulta Naziunale et la lutte de libération nationale dans ses formes multiples pourraient encore porter l'espérance d'une restauration pleine et entière des droits nationaux du peuple corse. Il appartient aux patriotes qui mesurent lucidement l'état de déliquescence de l'idée nationale de refonder aujourd'hui les structures permettant l'organisation de la résistance.

     

    Il faut souligner que cette réforme institutionnelle est un dossier-clé qui ouvre la porte à un changement du mode de gouvernance de la Corse avec un pouvoir législatif et décisionnaire plus autonome au moment où des chantiers législatifs ont été ouverts dans les domaines touchant au foncier, à l’immobilier, à l’identité, à  l’usage de la langue …

    Cette réforme est vue par les uns comme une avancée démocratique, par les autres comme un risque d’abandonner la Corse au clanisme et à l’affairisme, par d’autres comme une étape vers l’autonomie, par les Nationalisme radicaux comme une renoncement à l’indépendance nationale de la Corse… Le débat reste ouvert au sein de la population corse. Bien que le projet de réforme ait été voté avec une majorité confortable, des divisions sont apparues  aussi bien dans les partis politiques que dans l’ensemble de la société corse. Au sein de Manca alternativa, la réforme constitutionnelle donne lieu à des discussions internes avec le sentiment qu’une réforme de ce type devrait être expliquée davantage à tous les Corses. Pour éviter que la réforme soit le résultat  d’arrangements politiciens entre des familles politiques et des clans, ne faudrait-il pas passer par la voie référendaire ? La marge est souvent étroite entre le consensus et le compromis qui peut mener à la compromission. Il ne s’agit pas d’ouvrir la boîte de Pandore mais de trouver les conditions pour assurer l’avenir de la Corse dans un contexte de crise économique, de chômage, de spéculation immobilière et de dérives criminelles constatées dans la société insulaire.

    Certes, l’Assemblée de Corse a voté. Il reste à savoir ce que va faire le gouvernement.... Bien malin qui peut le dire !  Ceux qui ont voté le projet trouvent que le statut particulier ne fonctionne pas de manière satisfaisante notamment en matière de pouvoir législatif et règlementaire qualifié de « virtuel ».  Pour l’heure, le vote d’une réforme institutionnelle reste virtuel et tous les scénarii de politique-fiction peuvent être imaginés si la réforme aboutit.

    Les premiers échanges des élus corses avec le gouvernement devraient se dérouler avec la ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, qui doit venir en Corse en octobre prochain.

    Pidone

    Google Bookmarks

    Tags Tags : , , , , , , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :