• Quelle organisation de gauche pour la Corse ?

    Les militants et amis de Camina a manca et de Manca alternativa se sont retrouvés mardi 19  juin 2012, en fin de journée, à San Petru di Venacu, dans l’hôtel du Torrent, grande bâtisse, entourée d’arbres séculaires qui fut un temps la propriété du comte Pozzo di Borgo, ami intime - comme chacun le sait – de la famille Buonaparte.

    Ces militants et amis se sont retrouvés  là, au calme et au frais. Ils sont venus  non seulement pour échapper, pour quelques heures, aux premières grosses chaleurs qui se sont abattues sur Ajaccio et Bastia, mais également pour tirer les enseignements de la présidentielle et des législatives.

    Hé partitu è bon ventu

    Premier constat. Sarko a été battu nettement et a rendu son tablier, en laissant derrière lui un bilan désastreux pour la grande majorité des Français. Il aura désormais tout le loisir de se calmer et de s’occuper de son épouse et de sa fille Guglia. François Hollande le remplace à la tête de l’Etat. Cette élection a été possible aussi grâce à l’apport des voix qui s’étaient portées sur Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche. Plusieurs intervenants ont insisté sur ce point, à juste titre, pour que d’aucuns n’aient pas l’idée saugrenue de sous-estimer cet apport décisif.

    Par contre, le résultat dans notre île n’est pas en phase avec le national. Une fois de plus les Corses se sont distingués en donnant 54% de leurs suffrages à Sarkozy. La Corse aurait-elle échappé à la crise ? C’est peu probable à notre connaissance. Il suffit de regarder les chiffres du chômage qui frappe durement la région, plus particulièrement les jeunes de moins de 25 ans, ou encore la cherté de la vie, les bas salaires, le nombre de bénéficiaires du Rsa ou la spéculation immobilière et foncière. Alors, il est nécessaire de s’interroger sur l’emprise encore réelle de la droite sur une majorité de la population. Comme l’ont montré plusieurs intervenants, les clans et les différentes politiques clientélistes font toujours des ravages dans notre île et suscitent bien des illusions. Beaucoup de nos compatriotes croient encore pouvoir s’en sortir individuellement en usant de la pratique des services rendus et des petits cadeaux, au prix redoutable de leur propre aliénation. Pour l’anecdote, de mauvaises langues laissent entendre que la vente de téléviseurs et autres appareils électroniques ont connu une ascension fulgurante à la veille des élections législatives !

    Une progression inquiétante

    Autre constat qui mérite réflexion. Le score obtenu par Marine Le Pen à l’élection  présidentielle : 17,80%, au plan national. Dans notre île, la blanche colombe qui n’aime pas les étrangers, surtout musulmans, atteint des niveaux inquiétants. A Ajaccio, par exemple, elle dépasse les 30% ! Naguère son illustre géniteur n’était même pas parvenu à mettre un orteil sur le sol corse. Quelles sont les causes de la poussée du Front national ? Le rejet de l’autre, de l’étranger comme le disait Fernand Raynaud. « Ces étrangers qui viennent manger notre pain ». Marine Le Pen et ses affidés ont surfé habillement sur ce thème, relayés avec complaisance par les media. Il faut le souligner, le contexte de grave crise économique, sociale et morale les a grandement aidés. A cela il faut ajouter le silence assourdissant de la gauche socialiste  sur le déferlement de haine que nous avons connu et la droitisation extrême de la campagne de Sarkozy, l’éclatement des solidarités, l’individualisme à outrance et la perte de repères. La Corse n’y échappe pas. 

    Majorité absolue pour le Parti socialiste

    Les législatives ont confirmé la dynamique de l’élection présidentielle. Le Parti socialiste, à lui seul, obtient la majorité absolue à l’Assemblée nationale et peut désormais se dispenser de l’appui de ses alliés naturels, en particulier ceux du Front de gauche. Celui-ci voit son score baisser de plus de  quatre points, pour se situer à 6,90%. Il se retrouve avec seulement 10 députés, dont deux de la Fase (Fédération pour une alternative écologique et sociale). Où sont passées ces voix entre les deux élections ? La discussion a montré que plusieurs causes peuvent expliquer ce recul. Le vote utile a sans doute joué un rôle important. Il fallait donner, pour beaucoup d’électeurs de gauche, les moyens au nouveau président de gouverner avec une majorité stable et homogène. Ce qui est sans doute une illusion. Les prochaines semaines, avec les mesures qui devraient annoncées, risquent d’en apporter l’amère confirmation. Ensuite, il y a aussi la responsabilité propre au Front de gauche. Les résultats de la présidentielle, pour significatifs qu’ils soient : 11 ,10%, ne sont pas pour un bon nombre de ses partisans à la hauteur de la remarquable dynamique qui s’est développée autour de la candidature de Jean-Luc Mélenchon. Cela s’est traduit par une grande déception. Certains auraient donc choisi de se réfugier dans l’abstention. Au demeurant celle-ci doit nous interpeller. 42% des Français n’ont pas pris part au vote pour les législatives. Un score élevé  pour la Cinquième république. Pourtant, cette élection est décisive. C’est en effet à l’Assemblée nationale que les députés votent les différentes politiques à mettre en œuvre. Autres causes qui peuvent expliquer également le recul du Front de gauche: L'hyper médiatisation de la campagne électorale dans la circonscription d’Hénin-Beaumont, dans le Pas-de-Calais. Les media ont concentré leurs projecteurs sur la région et présenté l’enjeu, comme un combat de boxe entre le Front de gauche et le Front national, alors que les habitants, dans leur désespérance attendaient qu’on leur parlât de leurs problèmes. Le discours prononcé par Jean-Luc Mélenchon à Marseille – au contenu éminemment philosophique – sur la Méditerranée, n’a peut-être pas été pleinement apprécié, y compris par une frange de l’électorat potentiel du Front de gauche. Enfin, il y a aussi le Front de gauche lui-même en tant que nouvelle organisation politique, sa place dans le paysage politique du pays, sa composition, son mode de fonctionnement. Il ne s’est pas encore imposé comme force crédible, capable d’apporter des réponses à la crise actuelle. En outre, ce Front a été trop souvent assimilé au Parti communiste. C’est particulièrement perceptible en Corse où les candidatures aux législatives n’ont fait l’objet d’aucune négociation entre les différentes composantes du Front de gauche.

    Pour une nouvelle organisation de gauche alternative

    La question qui est maintenant posée est de savoir comment construire cette nouvelle force politique de gauche alternative, avec qui et comment gagner en visibilité et en crédibilité. Une force capable de dépasser les vieux modes d’organisation des partis. Ces derniers étant souvent sclérosés, super hiérarchisés, composés d’élus cumulant les mandats dans la diversité et la durée, complètement coupés des masses, comme on disait à une certaine époque et éloignés des gens et du territoire. Rude tâche et défi redoutable. Manca alternativa et Camina a manca essayeront avec leur moyens de contribuer à la création de cette force. L’exemple de Syriza en Grèce montre que c’est possible.

     

     

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