• Qui ne dit mot consent!

    Depuis le passage de la droite décomplexée au pouvoir sous la houlette de Nicolas Sarkozy et la trahison de la Gauche par François Hollande, la « liberté d’expression » est devenue la revendication de l’extrême-droite. Cette revendication a montré toute son hypocrisie avec ce que l’on appelle l’affaire Dieudonné et vient d’être l’objet du spectacle affligeant donnée par le « jour de colère », cette manifestation fourre-tout de divers mouvements réactionnaires et d’extrême-droite. 

    Malheureusement la presse joue un rôle dans l’outrance affichée par tous les ennemis de la démocratie lorsqu’ils réclament la liberté d’expression. Leur arrogance s’enfle et n’a plus de limite à l’image d’un Dieudonné dans ses numéros de mégalo. A cet égard l’émission « Ce soir ou jamais » animée par Frédéric Taddei est l’illustration de cette prétendue liberté d’expression dévoyée lorsque, comme l’a dit Godard, L’objectivité, c’est cinq minutes pour les Juifs, cinq minutes pour Hitler.  Les supporters de Dieudonné et les activistes du Printemps français ont compris le profit qu’ils pouvaient tirer de la ligne Taddei qui refuse tout jugement, toute morale, toute hiérarchie de la parole. Selon cette ligne, tout se vaut et on a le droit de tout dire. C’est selon ce principe que l’émission « Ce soir ou jamais » donne des tribunes à des antisémites et des racistes notoires sans contextualité et sans qu’une réelle contradiction ne leur soit apportée par l’animateur qui se proclame neutre et explique : « Contextualiser, c'est prendre parti, c'est ce que je refuse, tout à coup je vais devenir le défenseur des uns ( ...) Ce n'est pas moi qui vais désigner les bons et les méchants (…) En quoi ce que je pense moi-même à de l'importance ?» 

    Bien sûr que cela a de l’importance lorsqu’il s’agit des valeurs de la république et de la démocratie. Ne pas défendre les uns, c’est mettre les uns et les autres dans la même assiette. Le problème est que cette ligne de conduite est une posture dangereuse qui fait de la liberté d’expression sans limite l’instrument d’une propagande haineuse. La ligne éditoriale de Frédéric Taddei apparaît bien comme celle définie par Godard : ''L'objectivité, c'est cinq minutes pour les Juifs, cinq minutes pour Hitler''. Au nom de la liberté d’expression, doit-on médiatiser un nouvel Hitler, un nouveau Mussolini ou un nouveau Franco ? Alors, on se dit qu’il est temps de traduire en loi républicaine la directive européenne sur la pénalisation de l’apologie du nazisme et du négationnisme de tous les génocides ( et non pas seulement de la Shoah) pour que l’histoire tragique de l’humanité ne se reproduise pas.

    Les dictatures, les guerres, les pogroms, les génocides… toutes les violences anciennes et actuelles provoquées par cette propagande haineuse qui distille la xénophobie, la haine religieuse, le racisme et l’antisémitisme… ne servirait-il à rien d’en tirer les leçons ? Que faut-il encore démontrer ? Quelles nouvelles preuves faut-il apporter des génocides commis, des conséquences de la xénophobie, de l’antisémitisme et du racisme ? Que doivent encore démontrer les historiens quand toutes les preuves ont déjà été apportées sur un génocide ?

    Les réseaux sociaux offrent déjà un champ d’une liberté d’expression sans limites. Faut-il que la télévision du service public, puisqu’il s’agit de cela avec Frédéric Taddei, offre l’honorabilité à des fascistes, des racistes, des antisémites, des intégristes religieux et les haineux de tous poils, alors que des hommes politique, des humanistes, des syndicalistes y sont marginalisés et peu invités ? Il suffit d’aller consulter des forums sur le Net pour constater les ravages que font tous les ennemis de la république et de la démocratie. Les forums jouent le rôle de défouloir et on y lit toute la haine d’une partie de notre société divisée sur des sujets touchant à l’humanisme. Cette haine est alimentée aussi par des individus présents dans des émissions télévisées ou radiophoniques à des heures de grande écoute.

    L’extrême-droite s’enfonce dans toutes les failles de la démocratie, souvent à visage caché en utilisant des mouvements soit disant apolitiques qui se multiplient et affichent des slogans dont nul n’ignore l’idéologie. Des sites de droite et d’extrême-droite diffusent des informations mensongères qui circulent par courriels. Chaque apparition des manipulateurs propagandistes dans des émissions comme « Ce soir ou jamais » les médiatise et conforte la xénophobie d’une partie de l’opinion publique en période de crise économique et financière. Cela a été le cas pour Dieudonné qui, avant de passer dans cette émission, n’intéressait que quelques dizaines de fans. L’audience télévisée en a fait une star de l’actualité et augmenté l’audience de son blog ainsi que le nombre des débiles qui vont payer pour le voir. Il fait même appel aux dons. La télévision offre à des marginaux d’extrême-droite la médiatisation espérée au nom d’une liberté d’expression souvent refusée à des partis politiques et à des syndicats. En intellectuel anarchisant Frédéric Taddei a ainsi donné la parole à des personnages infréquentables… Nabe, Soral, Ramadan, Dieudonné, Bouteldja, j’en passe et des pires. Cet animateur confond objectivité et complicité passive par un refus angélique ou hypocrite de tout manichéisme, pendant que ses invités détruisent le vivre-ensemble non pas des riches mais du peuple. Aujourd’hui que son émission est menacée d’arrêt ou de changement d’horaire, il suffit de voir qui prend sa défense pour savoir à qui sa pseudo-objectivité profite.

    Comment un journaliste sérieux peut-il se retrancher derrière une objectivité sans faille alors que les thèmes abordés de façon récurrente et le choix des invités orientent inévitablement les débats ? Est-ce que l’objectivité oblige à se taire lorsqu’un invité dit des contre-vérités tout en distillant la haine ? De quelle objectivité peut faire preuve un Dieudoné, un Soral, un Nabe, un Ramadan, un Bouteldja et d’autres pas plus fréquentables ? Comment se retrancher derrière une neutralité objective lorsque l’on fait partie du système à l’époque du storytelling politique et de la manipulation de masse ?

    En faisant de sa neutralité objective la condition de la liberté d’expression dans son émission, Frédéric Taddei entretient le trouble chez les téléspectateurs. Sa neutralité est une supercherie. Nous vivons dans une société où personne n’est neutre. La neutralité profite le plus souvent aux grandes gueules comme la neutralité suisse profite aux capitalistes, aux fraudeurs du fisc, aux maffieux et aux dictateurs. Sur le site Rue 89, dans sa tribune, Laurent-David Samama écrit : « Taddeï, anar zinzin et par conséquent véritable homme de convictions, a permis de faire émerger des leaders d’opinions là où il n’y avait que des esprits malades, détruisant la République. Il a tendu le micro à ceux que personne ne voulait entendre. Il a offert de la médiatisation à des microphénomènes stupides et déviants ». Son jugement est sévère mais sa prise de position a le mérite d’être claire sur l’ambigüité de Frédéric Taddei qui applique la neutralité bienveillante du psychanalyste mais, contrairement à un thérapeute, il propage l’idéologie des esprits malades qu’il invite. Il oublie sa véritable fonction d’animateur d’une émission politique programmée sur une chaîne du service public.

    Au nom de la liberté d’expression, nous ne nous joignons pas à ceux qui demandent la suppression de l’émission « Ce soir ou jamais ». C’est contraire à notre conception de la liberté d’expression qui exclut toute censure et ne préconise que le respect de la loi.  Par contre, son concept mérite un débat objectif c’est-à-dire contradictoire dans une atmosphère respirable qui n’est pas celle entretenue par  la neutralité bienveillante de son animateur.

    La tolérance recule en France et la crise pousse à la xénophobie, à la recherche de boucs émissaires. Le phénomène est cyclique et se termine toujours mal. Bien sûr qu’il faut en débattre mais cela n’inclut pas qu’on accepte, sans broncher, des arguties hypocrites ou fallacieuses pour justifier l’injustifiable. La télévision est un outil pervers entre les mains de lobbies. Ce n’est un secret pour personne. Il existe toutefois des chaînes publiques qui doivent veiller à leur utilisation républicaine dans le respect de la démocratie et des droits de l’Homme. C’est tout le sens du service public.

    On a vu récemment des journaux télévisés en partie consacrés à la libération d’un truand jusqu’à un direct de sa libération. Quel message a-t-on voulu faire passer ? Devient-on un exemple après un long séjour en prison pour braquage ?  « Détenu qui purgeait la plus longue peine », est-ce un titre honorable ? Un éditeur prépare-t-il déjà un best-seller ? Pourquoi faire autant de battage sur un événement qui n’a d’importance que pour l’intéressé, son avocat et sa famille ?  

    A force de ne pas discerner les gentils des méchants, les honnêtes gens des délinquants, les racistes des humanistes, les capitalistes des exploités, les fascistes des démocrates… on va finir par entendre faire l’apologie du crime et des génocides devant un Frédéric Taddei imperturbable, bien que la chevelure en broussaille et la cravate défaite… Là encore une posture car son apparence vestimentaire est certainement étudiée. Dans cette émission, nous avons compris qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Les amis de la liberté d’expression ne sont pas du côté de la haine et de l’exclusion. La neutralité fasse à l’insupportable est une approbation ou une instrumentalisation. Qui a intérêt à promouvoir la xénophobie, l’antisémitisme et le racisme ? Qui a intérêt à dédiaboliser l’extrême-droite au nom de la liberté d’expression ?

    Nul n’est parfait ! Il est souvent difficile de se faire une opinion sans tomber dans un manichéisme appris et souvent caricatural. Nous en convenons. Ce n’est cependant pas une raison pour tomber dans l’angélisme ou la passivité face à des comportements induits par la haine ou la cupidité. Hitler était un monstre, le nazisme une abomination, les génocides des barbaries. Il y a un moment où il faut prendre partie. Des hommes ne sont pas restés neutres dans des périodes tragiques de l’Histoire de l’humanité et c’est leur exemple qui est à suivre.

    De la neutralité à la connivence, il n’y a qu’un petit pas qui conduit à la complicité. Cette neutralité médiatique n’est qu’une facette du cynisme ordinaire d'une partie de la presse télévisée. Des animateurs mettent en avant une déontologie hypocrite et une indépendance de façade alors que, dans les coulisses, les promotions passent par des relations mondaines élitistes.

    Spallone

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