Tout le monde connaît le principe du panier de la ménagère qui sert à mesurer le coût d’un certain nombre d’articles  courants (77 articles sélectionnés). En Octobre 2012 au niveau national sa valeur moyenne a été chiffrée à 215 €, avec des disparités importantes suivant les zones géographiques et les enseignes.  En Corse, rempli dans treize supermarchés,  ce panier a une valeur moyenne de 226 € (donc 5% plus cher avec les 11 € de différence) et seules les Alpes maritimes dépassent ce chiffre avec un record de 230 €. 

Les 226 € correspondent  à la valeur moyenne du panier  dans une fourchette entre 206 € et 239 € selon la localisation et les enseignes. Les paniers les plus chers sont ceux des Carrefour Market et de Monoprix, les moins chers ceux de Leclerc.

Comme nous l’avons mentionné, des paniers de la ménagère ont été remplis en octobre 2012 et il s’agit donc du panier moyen d’automne. Il est moins coûteux que  le panier moyen estival. Tout le monde sait que les prix s’envolent en période touristique.   Cela fait des décennies que les Corses et les touristes les plus modestes s’en plaignent. Dans les années 1950, à Ajaccio on appelait les touristes les « mangeurs de tomates ». Les prix des légumes et des fruits doublaient et triplaient déjà en 24 heures lorsqu’ils arrivaient.

« Si vo’vuleti manghià, paghedi ! » devient la devise des commerçants et quel que soit le prix. Il ne faut pas s’étonner que, pour les Corses, l’afflux touristique est vécu comme une calamité depuis longtemps. Par ailleurs les saisons touristiques  ont aussi un effet sur le niveau des prix pratiqués tout au long de l'année. C'est ainsi que des magasins alimentaires sont surdimensionnés hors saison d'où une majoration des prix pour compenser ce surcoût. Il existe aussi des monopoles de fait pour certains produits.

Au-delà des produits mis dans le panier de la ménagère, le coût de la vie est plus élevé en Corse que ce soit au niveau des transports ou de la nourriture.  Dès le printemps des articles de presse le redisent au sujet des supermarchés et des distributeurs de carburants. On ne trouve aucun discounter alimentaire sur l'île et les supermarchés ne distribuent pas  les carburants contrairement à ce qui se passe sur le continent. Les stations d’essence pratiquent des prix similaires et cela démontre que la concurrence ne joue pas d’autant plus qu’il n’existe que deux sites de stockage en Corse

Tout cela contribue à paupériser davantage les populations à faibles revenus. Des personnes âgées ont été vues en train de  fouiller dans les poubelles des supermarchés. Lors d’une émission radiophonique, l’une d’elle avouait commettre des grivèleries en mangeant dans les rayons. Les foyers pour SDF, que ce soit à Bastia ou Ajaccio, sont insuffisants. Les restos du cœur ont de plus en plus de clients.

C’est une chose de remplir le panier de la ménagère mais c’est encore autre chose de trouver un emploi et de se loger en Corse. La spéculation immobilière et le manque de logements sociaux sont deux facteurs qui concourent à la crise du logement. Il y a longtemps que l’on ne trouve plus un bon apart’, nous disait un ami en arpentant le cours Napoléon mais l’humour ne peut être le seul recours à tous les malheurs en Corse même s’il aide à les supporter.

Le tourisme qui développe surtout des emplois saisonniers ne règle pas à lui tout seul le problème du chômage. En 2012, le taux des chômeurs corses a atteint 12% de la population active alors qu’il est de 10% pour l’ensemble de la France. Il ne s’agit que des personnes inscrites à Pôle emploi et donc le taux réel est plus élevé avec les non-inscrits, auxquels il faudrait encore ajouter les emplois précaires et trop peu rémunérés.

On a beau soulever les problèmes sociaux sur l’Île, rien ne change et, aujourd’hui, les difficultés sont grandes pour une partie de la population corse, celle qui y réside toute l’année et travaille quand elle trouve un emploi. La résolution du problème économique ne passera pas en acceptant le malheur imposé par une poignée d'affairistes peu soucieux de développement économique, si ce n'est le leur.

On finit par mettre son âme dans le panier de la ménagère si la liberté du commerce devient l’ennemi des droits de l’homme.

En Corse, il faut réapprendre à vivre ensemble et non pas à regarder qui supplantera l’autre dans la mise en coupe réglée de l’économie corse. Il faut se rassembler autour d’un projet de société qui met l’Humain d’abord. On peut ensuite recourir à tous les moyens que nous donne la démocratie pour s’opposer à une marchandisation capitaliste de la Corse qui, loin d’améliorer le sort de la majorité de nos compatriotes, ne fait qu’accroître les difficultés quotidienne pour se nourrir et se loger. Ces moyens existent : le syndicalisme, la politique, le bulletin de vote, le militantisme, les associations, la grève, le boycotte...  Pour obtenir un changement de société, il faut s’engager dans des actions collectives. Pour obtenir plus de justice sociale, il faut d’abord dénoncer les injustices et les combattre. La soumission et le silence n’ont jamais sauvé du pire, lorsqu’il est encore temps.  Toute l’histoire de la Corse mais aussi de l’humanité nous l’enseigne.

U bundulone.