• Une confiance relative

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    Que s’est-il passé hier à l’assemblée nationale ? Rien ou presque rien. Le gouvernement a obtenu, comme prévu, une majorité relative :  269 voix pour et 244 voix contre (dont le Front de gauche).  

    Dans les 53 abstentions, on trouve trente deux frondeurs du PS. Les abstentions s’étaient élevées au total à 26 -dont onze socialistes et six écologistes- lors du précédent vote de confiance du 8 avril dernier. Certains frondeurs ont voté pour et à peu près tous ont expliqué qu’ils étaient en désaccord mais pas opposants. En ce qui concerne donc la fronde au sein du PS, il s’agit plus d’une posture que d’une position politique courageuse. Parmi ceux qui ont voté la confiance, certains se seraient laissé convaincre par le discours de Manuel Valls. Les frondeurs ne sont donc pas allés au bout de leur logique, comme les Verts qui ont choisi aussi l’abstention, alors qu’ils ne sont plus au gouvernement et que Valls n’a consacré qu’un très court instant à la transition écologique qu’il a simplement citée. Les Verts ont pourtant quitté le gouvernement (où ils n’avaient pas obtenu le portefeuille de l’écologie) sous le prétexte que Manuel Valls ne prenait en compte aucune de leurs revendications. Eux aussi ont trouvé une raison à leur simple abstention : ils ne veulent pas ajouter de la crise à la crise. Les anti-nucléaires apprécieront-ils cette opposition molle ?  Qu’en penseront ceux qui se battent contre la construction d’un barrage à Sivens dans le Tarn, ou contre le projet d’aéroport du Grand Ouest ? Manuel Valls ne vient-il pas de demander une remise à plat de réglementation européenne sur l’emploi du nitrate par les agriculteurs alors que, dans nos campagnes, les gens n’ont plus d’eau potable au robinet ? La France a été condamnée par la justice européenne pour son manquement à la lutte contre la pollution aux nitrates. Comme les frondeurs, les Verts sont en désaccord avec Manuel Valls mais pas opposants. Nous verrons ce qu'ils feront pour le vote du budget et des comptes de la sécurité sociale.

    Aujourd’hui à midi sur les ondes d’Europe n°1, la journaleuse Wendy Bouchard recevait le député Leroux, président d’un groupe socialiste qui a voté la confiance. Elle lui a posé la question de savoir si la progression de la fronde au sein de la majorité ( l’hémorragie dit-elle)  allait « contaminer » le travail du gouvernement. Contaminer ! Les valeurs de gauche seraient-elles comparables au virus Ebola ? La presse libérale ne recule devant aucun abus de vocabulaire volontairement choisi pour sa connotation péjorative ; c’est là que l’on reconnaît son travail propagandiste.

    Que dire du discours de politique générale ? Le Premier ministre a enfilé les perles et les anaphores pour faire oublier son image de libéral, sans rien changer de ce qu’il appelle sa mission pour la France. Bien sûr, il a commencé par les grands dossiers de la politique étrangère et la lutte contre le terrorisme international, donc sur ce qui fait consensus avec la droite. Dans ces moments, l’unité nationale s’impose, a-t-il clamé. Qui est responsable de tous les malaises de notre société ? La crise économique en Europe et en France. Drôle de manière de se dire responsable et d’accuser une fatalité qui n’en est pas une. Manuel Valls comprend les impatiences, les doutes et les colères légitimes mais il ne cédera pas à la fébrilité, ne fera pas de zig zag et ne prendra pas de virage car gouverner, c’est résister, gouverner, c’est tenir… et patati et patata. Il s’est dit inspiré par les valeurs de la république et de la gauche. La gauche gouverne, assure-t-il en voulant gommer son discours devant les patrons à l’université d’été du Medef. Sans doute a-t-il en tête les échéances électorales de 2015 ( Cantonales et Régionales). Il a eu cette formule qu’il ne fallait pas moins d’Etat mais mieux d’Etat et qu’il était partisan de la « main visible de l’Etat », faisant écho au père du libéralisme économique, Adam Smith, à l'origine de la théorie de la main invisible des marchés. Partisan de l’interventionnisme de l’Etat ! Valls a même fait du Montebourg.  Puis il a dénoncé un euro «trop cher», se félicitant des décisions de la Banque centrale européenne pour baisser de dix centimes le prix de la monnaie européenne, en précisant: «Appliquée à toutes nos entreprises exportatrices, cette baisse représente des dizaines de milliers d'emplois préservés. Il faut aller plus loin encore car il y a urgence. La zone euro décroche par rapport au reste du monde.» «L'investissement, c'est le mot qu'il faut retenir, c'est la clé de la reprise», a-t-il lancé, ajoutant : «C'est par l'investissement que l'Europe retrouvera une croissance solide et durable »

    Nous avons eu droit à quelques chiffres. L’inflation est insuffisante à 0,5% comme l’est la croissance à 0,4%. En 2015, le déficit devrait être de 4,3%. Cinquante milliards d’économie seront réalisés en trois ans, dont vingt et un en 2015. Le choix est de réduire les dépenses pour ne plus augmenter les impôts, mais il ne faut pas parler d’austérité. Manuel Valls, pour nier sa politique d’austérité, met en avant les emplois attendus dans l’éducation nationale, la justice et la police. Il annonce que le minimum vieillesse est porté de 792€ par mois à 800, soit une augmentation de 8€ par mois. En ce qui concerne les petites pensions de retraites inférieures à 1200 € par mois, il n’y aura pas de revalorisation (comme promis) mais une prime exceptionnelle non chiffrée. Aujourd’hui, Manuel Valls a même annoncé son intention de supprimer la première tranche des impôts. A se demander si ces annonces ne sont pas l’antidote médiatique au poison « sans-dent » diffusé par Valérie Trierweiler.

    Manuel Valls affectionne le mot « responsabilité » et l’expression « prendre de la hauteur ». Ce sont des mots qui lui permettent de laisser penser que, à contrario, ses opposants sont irresponsables et au raz des pâquerettes. Il a désigné comme menaces les méfiances et les populismes.  Malgré le vernis de gauche de son discours, il en revient à la flexibilité, au travail le dimanche, au pacte de responsabilité, à la simplification des normes… Il en revient aux accords entre partenaires sociaux  suivis de lois, comme l’accord ANI. Il veut réformer, dit-il, et se lance dans une envolée anaphorique : Reformer ce n'est pas casser. Il n'y aura pas de remise en cause des 35 heures… Réformer ce n'est pas casser notre modèle social… et patati et patata. Le Medef est allé trop loin dans la provocation, il dénonce hypocritement cette provocation, la surenchère du patronat. Il faut que nos entreprises retrouvent de la compétitivité et il cite le rapport Galois. Il relève que, depuis 2001, il n’y a eu aucune création d’emploi dans l’industrie. Et le remède pour sortir du décrochage économique de la France, c’est la réduction du coût du travail, la remise en cause des seuils sociaux, les crédits d’impôts aux entreprises… etc.

    L’investissement reste la clé de la reprise et l’épargne devra être orientée vers l’économie réelle, dit-il. La France prendra sa place dans la mondialisation par une économie sociale et solidaire… et patati et patata. Pourtant, si le montant des dividendes distribués aux actionnaires a augmenté de 30%, le chômage progresse, pas les investissements. Rappelons que, depuis 2012, nous comptons 500.000 chômeurs en plus.  

    Pas de quoi récréer une union à gauche, même si Manuel Valls a gauchisé son discours. Lors du précédent discours de politique générale en avril dernier, il avait dit que le langage politique est une langue morte. C’est pourtant un discours politique qu’il vient de faire, un langage de tacticien de la politique. Il a même évoqué le retour de Nicolas Sarkozy pour animer le débat d’idées. On a bien compris que, pour dire qu’il fait une politique de gauche et rejeter le mot « austérité », il a besoin de l’ultralibéralisme de la droite qui propose des économies plus importantes et donc une austérité plus sévère. Cela le met à la gauche de la droite mais ne fait pas de son action gouvernementale une politique de gauche. Il offre un débat d’idée à la droite et le refuse au sein de la gauche, réfutant toute alternative à son néolibéralisme prétendument de gauche.

    Hier, nous n’avons trouvé en la faveur de Manuel Valls que l’attitude de la droite sur les bancs de l’assemblée. Malgré les affaires et les divisions, les barons de l’UMP sont toujours aussi agressifs et  arrogants. Malgré les casseroles judiciaires, les Copé, Balkany, Woertz… prennent des airs goguenards qui sont indécents. Le président du groupe UMP ne sait qu’afficher sa hargne et sa mauvaise foi. Dans les interventions des députés de la majorité, nous retiendrons que des intervenants ont apportés un soutien mitigé au gouvernement.

    Dans l’opposition de gauche, seul le chef de file des députés Front de gauche, André Chassaigne, s'est livré à un réquisitoire argumenté de la politique gouvernementale. "Vous avez fait le choix de rompre unilatéralement et sans appel le contrat qu'avait signé François Hollande avec les Français en 2012" et "précipitez la crise morale et politique que nous traversons", a-t-il dit au Premier ministre, guidé, selon lui, par "une maladie ancienne : le réalisme gestionnaire" et d’ajouter : "Il existe une alternative à la complaisance à l'égard du Medef… Pour cela, la gauche doit s'engager dans une dynamique de rassemblement… » Pour lui, en Europe, la France devrait aujourd'hui constituer un large front afin de promouvoir une nouvelle stratégie fondée sur des investissements massifs pour la transition écologique, une lutte résolue contre l'évasion et l'optimisation fiscale… Il a cité Jean Jaurés. En veilleur des valeurs de la gauche, Jean Jaurès alertait sur les risques de dérive. Il le disait avec des mots forts: « Les hommes pratiques […] sont ceux qui emploient quelques mots humanitaires pour amorcer les suffrages du peuple et qui, sous ces mots, ne mettent aucun sentiment ardent, aucune idée précise qui puisse inquiéter les privilégiés. » En cette année d’hommage à sa pensée et à son action, un gouvernement qui se dit de gauche se doit d’y être attentif et de s’inspirer de son esprit de justice et de solidarité. André Chassaigne a conclu que "cette déclaration de politique générale sonne comme une déclaration de défiance à l'endroit du peuple".  Il appelle à une réforme constitutionnelle pour une Sixième république. 

    Pidone

    L'intervention d'André Chassaigne


    Discours de politique générale : intervention d... par andrechassaigne

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