• Carnet de route à Cuba (suite)

     

     

     

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    Cuba :

    La révolution est-elle toujours en marche ?

     

    Nous publions le deuxième volet du carnet de route à Cuba rédigé par notre camarade Jacques Casamarta. Ce carnet prend un relief particulier. Raul Castro et Barack Obama se sont rencontré lors de la conférence panaméricaine à Panama , le 11 avril 2015. Une poignée de mains a immortalisé cette rencontre devant les caméras du monde entier. Le président américain s’est enfin prononcé pour la levée de l’embargo qui frappe Cuba depuis des décennies. Embargo qui a pesé lourdement sur l’économie de l’île.

    Reste à savoir si le geste des Nord-Américains est sincère. Les Cubains seront vigilants et ont la mémoire longue. Washington ne renoncera jamais à considérer l’Amérique latine comme sa chasse gardée. Elle l’a prouvé plusieurs fois dans le passé en soutenant, par exemple, le push fasciste au Chili en 1973 et en multipliant les provocations et les ingérences dans les affaires du Venezuela.

     

    Les deux monnaies cubaines

    D'autant que Cuba vit et fonctionne avec 2 monnaies : Le Pesos Cubain et le CUC, (la monnaie convertible pour les touristes) qui a remplacé le dollar en 2004, suite à une nouvelle crise avec les États Unis.   Le CUC actuel représente 24 Pesos Cubains. Mais le salaire moyen à Cuba se situe entre 240 Pesos, (l'équivalent de 10 CUC) et 380 Pésos. Pour beaucoup de cubains, la recherche de cette devise, le CUC devient un objectif, une priorité, et c'est ainsi que les petits boulots se multiplient.

    Certains n'hésitent pas à penser que cette situation crée une discrimination à l'égard des cubains, d'autres considèrent qu'il s'agit tout simplement d'un apport de devises pour le pays, mais il semblerait que le Pesos convertible, le (CUC) soit prochainement abandonné. 

    Il est évident que le tourisme apporte une part non négligeable à l'économie insulaire, mais nous l'avons parallèlement constaté, il développe aussi des graves perversions qui touchent la société cubaine et en particulier sa jeunesse.

    La prostitution n'est pas forcément visible à l'œil nu dans la rue, mais elle est pourtant bien réelle. Le tourisme sexuel est devenu au fil des ans un phénomène de masse à Cuba, comme malheureusement dans d’autres pays. De jeunes filles s'affichent dans les bars, restaurants et dans la rue avec des occidentaux dont certains, pourraient avoir l'âge de leur grand-père. 

    Heureusement tous les cubains avec qui nous avons échangé sur ce sujet, sont très conscients du problème et dans les propos, l’indignation est palpable. Cuba était devenu le bordel des Amériques dans les années 30, s’il n’y prend garde, cette situation va se reproduire

    Il y a urgence à y mettre un terme et même si les autorités ont pris des mesures pour interdire l'accès aux hébergements d'occidentaux avec des filles cubaines, il est évident que cela est de loin insuffisant aujourd'hui.

    Cuba a des atouts, il a su réagir dans plusieurs domaines, mais on le voit, il est aussi confronté à de graves problèmes ou enjeux, que l'embargo américain a eu tendance à amplifier, quand il ne les a pas créés.

    L’effondrement du bloc Soviétique

    Le deuxième élément d'analyse et qui a été un événement de grande portée politique pour Cuba est l'effondrement de l'URSS dans la décennie 90 et du coup, la perte d'un soutien international de poids pour le pays et son économie. Ce soutien, permettait bon an mal an, de pallier, en tout cas en partie, aux méfaits de l'embargo américain.  Le plus caractéristique et symbolique de ce soutien à été l'arrêt de la construction de la centrale nucléaire de Cienfuegos après la disparition de l'Union Soviétique. "Il y a bien eu une tentative de reprise des travaux avec la France mais les technologies n'étaient pas les mêmes et ainsi fut définitivement abandonné le projet de centrale" nous dira Rider, ingénieur à la compagnie électrique cubaine (Rente CTE Antonio Maceo) à Santiago de Cuba. Cet exemple n'est qu'à titre indicatif, mais suffisamment éloquent des difficultés rencontrées par le pays dans de nombreux domaines économiques. Avec la disparition de l'URSS, Il a fallu s'adapter... Mais cela n'a pas été facile, d'autant que "l'embargo est un embargo total" et comme le signalera Ornaldo de Santa Clara, "il suffit d'une petite pièce de fabrication américaine dans une grande machine venue d'ailleurs, pour que l'ensemble soit soumis à embargo et donc interdit par les États Unis sur le territoire Cubain". 

     

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    Isolement politique pour Cuba

    En troisième lieu, Cuba est donc aussi victime de son isolement politique. 

    Avec cette nouvelle situation, la disparition du bloc dit "de l'Est", le pays s'est retrouvé plus  isolé que jamais sur la scène politique internationale, même si de nouvelles coopérations et solidarités se sont ouvertes et amplifiées notamment avec le Venezuela  du temps d'Hugo Chavez, que les autorités décrivent comme "le véritable et sincère ami du Cuba". 

    Nous vivons aujourd'hui dans un monde qu'il faut qualifier "d'unipolaire" depuis la disparition du bloc soviétique, qui a échoué dans son aventure de libération humaine et qui s'est avéré incapable de réconcilier "socialisme et liberté" "socialisme et démocratie".  

    Face à cette situation, le capitalisme s'est vite mondialisé et aujourd'hui c'est bien lui, qui dicte sa loi, impose ses normes sociales, économiques et régente ainsi le monde avec ce vent de libéralisme. Les reculs de civilisation sont imposés au nom "du réalisme économique", ou de la soit disant «nécessaire rigueur". Les inégalités ont créé un fossé pour ne pas dire un gouffre entre les pays dits "riches et ceux considérés comme pauvres". A l'intérieur même de nos pays, en Europe la paupérisation touche des millions de personnes aujourd'hui. Les débats sur la "dette", sont suffisamment révélateurs de l'état d'esprit des puissants dans ce domaine. Cette politique fait des ravages humains sur le continent africain, les pays du tiers monde depuis déjà plusieurs années, mais aujourd’hui l’exemple de ce qui ce passe en Grèce, en Espagne et dans d'autres pays européens est suffisamment révélateur de cette réalité qui est le résultat du monde unipolaire, du manque ou encore insuffisance de rapport de force progressiste en Europe et dans le monde. 

    De grands organismes internationaux, comme la Banque Mondiale, le FMI, (Fond Monétaire International), l’OMC, (Organisation Mondiale du Commerce) ou encore l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et pour l'Europe, la BCE (Banque Centrale Européenne) impulsent des politiques libérales, capitalistes au monde et tous ceux qui veulent s'en détourner sont ainsi marginalisés. C'est aujourd'hui le cas de nombreux pays dans le monde et Cuba fait partie de ceux-là. Jusqu'à quand pourra-t-il résister à ce libéralisme mondial et globalisé ? 

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    Construire l’alternative au libéralisme

    Là est une vraie question qui doit interpeller tous les démocrates, les progressistes, tous ceux qui considèrent qu'un autre monde est possible, plus social, plus humain, plus équitable, un monde qui coopère et s'entraide, respectueux de l'environnement, solidaire et en paix.  

    Cela pose la question d'une alternative au libéralisme et l'enseignement qu'il nous faut tirer, c'est qu'il y a urgence à inventer cet autre futur, à montrer qu'une autre perspective politique peut mobiliser les progressistes à travers le monde, car nous ne reproduirons pas la révolution d'octobre 1917.

    Cette révolution inachevée, qui a dérivé vers une sorte d'autoritarisme a fait son temps, avec ses victoires, ses espoirs et ses échecs retentissants. Mais il y a des enseignements à tirer, pour ne plus connaitre d'aussi graves désillusions, désenchantements, qui pour une part non négligeable sont aujourd'hui responsables de cette situation mondiale que nous connaissons et combattons. Le libéralisme, avec son cortège de souffrances, mais aussi les conflits et guerres qui se multiplient aujourd’hui sur la planète.

    L’urgence aujourd’hui d’une troisième voie

    Il y a bien aujourd'hui à défricher une troisième voie, qui ne soit ni la voie soviétique entachée de ces graves dérives démocratiques, ni le social libéralisme qu'une partie de la gauche et la droite veulent promouvoir à l'image des politiques européennes et mondiales aujourd'hui. 

    Peut-être faut-il revenir sur quelques idées politiques déjà développées par le "Mouvement des Non Alignés" dans les années 60. Cuba d'ailleurs en faisait partie avec d'autres pays, issus notamment de la décolonisation, 

    Le capitalisme s'est mondialisé et face à cette organisation tentaculaire, cette dictature de l'argent, il faut un contrepoids, un pendant progressiste, des perspectives politiques et démocratiques, des organisations internationales qui donnent du sens à l'émancipation, au respect et à la dignité humaine. Des perspectives qui nous amènent à croire qu'une autre politique est possible, que le rêve et l'utopie peuvent devenir réalité.

    Cuba a besoin de solidarité et de perspectives hors du capitalisme pour s'ouvrir et respirer.  Mais ce pays n'est pas le seul à souhaiter aller de l’avant, je pense à la toute jeune révolution au Burkina Faso en Afrique qui vient de se libérer d'une dictature vieille de près de 30 ans, je pense à la Grèce en Europe, qui tente dans la douleur de défricher une voie progressiste. Notre solidarité doit aller à tous ceux qui luttent.

    Ca commence par là.

    Jacques Casamarta

     


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