• Ouvrons le débat

     

    Les élections territoriales se sont tenues le 3 et 10 décembre 2017. Les nationalistes et les autonomistes ont remporté les élections, avec 56,46% de suffrages exprimés. Ils disposent désormais de la majorité absolue dans la nouvelle collectivité unique. La droite traditionnelle et clanique n' a pas réussi son pari, celui de revenir au pouvoir. La pseudo gauche giacobbiniste, reconvertie dans la république en marche vers le passé, reste sur sa faim. Le Front national est éliminé dès le premier tour, avec seulement 3,3% des suffrages exprimés. Mais où sont donc passées les voix obtenues par Marine Le Pen au premier comme au second tour de l'élection présidentielle, soit respectivement 28 et 45%? Quant à la vraie gauche, elle ne siégera plus à l'assemblée territoriale ! Le vrai gagnant de ces élections c'est le parti des abstentionnistes avec 47, 5% des inscrits au second tour. Si on ajoute les bulletins blancs ou nuls, un électeur sur deux a boudé les urnes. Cela pose un grave problème sur lequel il faudra se pencher.

    A partir de ce constat, nous ouvrons le débat pour savoir pourquoi, nous en sommes arrivés à une telle situation. Et quelles en seront les conséquences pour le devenir de notre île, en particulier de la gauche ?

     

    Contribution de Jean Alessandri

     

    Statut de résident

    Quelques réflexions sur cette question

     

    La récente et surprenante  prise de position de Jean-Luc Mélenchon sur le statut de résident en Corse m'a conduit à poser par écrit quelques réflexions sur cette question et tenter une approche avec certains  éléments de réponse.

    Je les soumets à votre avis pour débat, critiques et suggestions. 

     


    Le statut de résident est l'une des revendications prioritaires portées par l'actuelle majorité nationaliste de la Collectivité de Corse.

    Pourquoi ne sommes-nous pas d'accord avec cette revendication ?

    Sur plusieurs aspects, cette « fausse-bonne idée » est d'une part contraire à notre approche éthique de la société des Hommes et d'autre part ne constitue en aucune façon une solution efficace  pour régler cette question particulière du foncier.

    Mais d'abord, pourquoi une telle revendication ?

    Pour les nationalistes, hélas suivis par d'autres, cette revendication, si elle aboutissait, permettrait, selon eux, aux Corses de construire puisqu'ils pourraient acheter à un prix raisonnable car  justifiant de cinq années de résidence dans l'île.

    Qui est visé par cette proposition ?

    Disons-le franchement car les choses sont claires : les personnes aux revenus confortables,  continentales  et  étrangères essentiellement.

    Si l'on y regarde de plus près, où sont localisés ces terrains dont les prix atteignent des sommets ?

    Quelques micro régions sont concernées : Extrême-Sud autour de Bonifacio et Porto-Vecchio, rive sud du golfe d'Ajaccio, Balagne, Cap Corse et plus généralement les zones littorales.

    Or il y a également des terrains dans l'intérieur, dans et autour des villages , où il est souvent difficile de trouver à vendre faute d'acheteurs . Pourtant dans ces zones de l'intérieur, de nouveaux arrivants, surtout s'ils s'installent à l'année, seraient plus que bienvenus ; en particulier  si ce sont des actifs, avec des enfants ; impact positif sur l'activité économique et le commerce locaux, maintien de l'école , etc... Ayons en mémoire l'impact de l'installation des ouvriers agricoles et forestiers italiens dans nos villages, il y a un siècle environ, contribuant ainsi à leur développement et faisant aujourd'hui partie  intégrante et à part entière de la population.

    Notre premier désaccord est d'ordre éthique

    Nous sommes dans un pays de droit et de liberté, où les Hommes (au sens générique) peuvent se déplacer et s'installer librement, en respectant bien entendu les lois et règlements en vigueur  dans le pays d'accueil. Et ce, qu'ils soient très  modestes salariés ou richissimes hommes d'affaires.

    Gardons toujours à l'esprit l'article 1 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » ; Et notamment celui de s'installer et résider dans le lieu de son choix.

     Il ne peut donc y avoir deux catégories de citoyens : ceux qui résident depuis cinq ans et les autres. Cela constitue un cas de discrimination qui ouvre la porte à toutes les dérives, une fissure dans la règle de droit qui pourrait devenir vite une faille puis une fracture irréductible.

    On avance aujourd'hui le critère de cinq ans de résidence mais demain cela pourrait être dix ans, vingt ans ou alors l'origine géographique, le statut social voire l'origine ethnique ou les convictions religieuses... Pourquoi pas ? Rien ne le garantit. Alors veillons à ne pas ouvrir la boîte de Pandore.

    Notre second désaccord est d'ordre technique

    L'obligation de résider cinq ans en Corse peut sans doute dissuader certains acheteurs. Pour autant , les vendeurs accepteront-ils de baisser leurs prix ? Rien ne permet de l'affirmer. D'autant que nous assistons à la mise en coupe réglée de l'économie insulaire par quelques familles, nouveaux millionnaires et , sans  doute pour certains, milliardaires. Ceux-là seuls auront les moyens d'acheter. Ils pourront  construire, louer à de riches touristes et récupérer ainsi leur investissement  puis le  faire fructifier.  Ces constructions seront donc des résidences secondaires de luxe pour quelques privilégiés.. Les propriétaires, déjà très riches, augmenterons leur patrimoine.

    Sans oublier le grand banditisme local, voire  national et international, déjà  implanté dans l'île qui trouvera certainement là matière à blanchir financièrement ses forfaits. Tout se mettrait tranquillement en place pour installer une véritable république bananière avec ses collusions classiques, politiques, économiques et mafieuses.

     Alors, quelles contre-propositions avancer ?

     La  Collectivité de Corse dispose d'un outil qui peut s'avérer efficace si une volonté politique forte l'anime : c'est l'Office foncier.

    A ce jour, cet office s'est notamment distingué par une action qui aurait dû relever  du service Patrimoine -culture, le rachat d'un « palazzu d'américains » en Haute-Corse, afin qu'il  reste dans le patrimoine des Corses .

     D'autres solutions auraient peut-être pu être étudiées. D'autant que ce bel édifice  devrait avoir diverses vocations, non encore complètement définies, mais en tout cas pas dans le champ du logement social.

    Mais l'office foncier a aussi  conventionné avec les communes d'Ajaccio et Bastia pour l'achat de bâtiments à rénover ou restructurer . C'est une bonne  politique qu'il faut poursuivre et développer avec les communes.

    L'Office doit  garder sa priorité : oeuvrer pour permettre davantage de logement social.

     Cependant rien ne l'empêche, dans le cadre notamment du droit à l'expérimentation, de  développer une politique innovante sur la question du prix des terrains. Cette question est à travailler sérieusement, dans une approche sociale, juridique, administrative et financière.

    Ainsi par exemple,  de façon non exhaustive  et qu'il convient d'étudier très finement :

     Peut-on fixer , en fonction des zones géographiques, un prix plafond  raisonnable au mètre carré des terrains constructibles ?

    Peut-on limiter la vente à une seule résidence secondaire par acheteur ?

    Peut-on fixer dans un PLU un pourcentage de terrains constructibles à affecter à du logement social ou pour des classes moyennes, avec s'il le faut des mesures compensatoires  pour les propriétaires de ces terrains ?

    D'autres propositions pourraient bien sûr être explorées qui seraient certainement de nature à apporter  des solutions techniques à cette question  du logement . Il faut y travailler.

    Et l'on éviterait ainsi de recourir à  des solutions qui n'en sont pas et qui n'auraient que comme seul  résultat certain, celui de faire appel à des pratiques qui ne peuvent avoir cours dans l'Etat de droit.

    Jean Alessandri 

                                                                                                

     

    Contribution de Marc Antoine Peri

    La gauche rassemblée, un étouffoir ?

     

    "A Belfort, la tonalité de la gauche rassemblée était revendiquée par le MRC (Mouvement républicain et citoyen, chevènementistes, ndlr) qui nous soutenait sur ce thème : il a fonctionné comme un rayon paralysant, gelant en partie les votes dégagistes que nous devions mobiliser". Telle est la récente analyse de Jean-Luc Mélenchon dans une note de blog.

    Toujours selon lui :"Dans le Val-d'Oise, c'est le contraire, chacun allait pour soi, pas de tambouille : ce fut un facteur entraînant", poursuit-il. La candidate insoumise, soutenue  par le MRC et le PCF, a remporté 11,6% des voix dans la première circonscription du Territoire de Belfort lors d'une législative partielle dimanche. Le même jour, dans la 1ere circonscription du Val-d'Oise, l'autre candidate LFI Leïla Saïb, partie toute seule, a engrangé 11,47% des voix. Dans les deux cas, les Insoumis se placent en 3e position, devant le Front national, et l'abstention a atteint des records. Pour Mélenchon, "ce résultat fonctionne comme un message clair : dans une élection nationale, la gauche rassemblée est un étouffoir, un brise-lame, un tue-la-joie". Il ajoute que "la leçon ne peut être négligée ni oubliée" et voit dans l'absence d'alliance "la condition pour créer une nouvelle dynamique dans le pays".(Source A FP)

    Donc Jean-Luc Mélenchon persiste dans une voie sectaire refusant toute alliance dans les élections locales. L'attitude de JLM pourrait s'avérer irresponsable et improductive. Elle  va à l'encontre de l'histoire du mouvement ouvrier et de la gauche. En outre, il use de sa candidature à la Présidentielle pour vouloir décider  de tout pour tout le monde. Il n'a qu'un mot à la bouche : le dégagisme ! Un mot qu'il pourrait s'adresser à lui-même... C'est son dégagisme qui apparaît comme un étouffoir, l'étouffoir de ce qui a fait le Front de gauche: le rassemblement et la diversité dans ce rassemblement. Il ne peut demander aux Insoumis ce qu'Emmanuel Macron impose aux marcheurs : marcher au même pas, le doigt sur la couture du pantalon.  Aux dernières élections en Corse, c'est Jean-Luc Mélenchon qui a était un "brise-lame" , un "tue-la-joie"  en flinguant le rassemblement des forces de la vraie Gauche par son anticommunisme affiché depuis la dernière Présidentielle. En Corse, c'est Jean-Luc Mélenchon qui a été l'étouffoir de ce qui reste de la Gauche lors des dernières élections locales. En leader des Insoumis, il s'est retourné, méchamment et de façon injuste,  contre celles et ceux qui avaient fait campagne pour lui lors de la Présidentielle et qui ont constitué un nouveau mouvement politique insulaire résolument à Gauche.

     

    Marc-Antoine Peri 

     

    Contribution de Claude Perrin

     

    La route sera longue

     

    Ainsi Jean-Luc Mélenchon a fait le choix de détruire ce que la très grande majorité des militants de France Insoumise avaient construits en Corse depuis les élections présidentielles de 2012.

    Tweet, blog, sont devenus entre ses mains des instruments de condamnation, d’exclusion, sans qu’il n’y ait volonté de s’informer et de comprendre une décision démocratiquement prise par la très grande majorité des insoumis en Corse, de faire liste commune avec le PCF pour ces élections territoriales de décembre. La situation était inédite, puisqu’il n’y aura pas d’autres élections en France pendant les 3 ans qui viennent. 

    Il est vrai que tout rapprochement et décision collective pris entre plusieurs groupes d’action de France Insoumise, sur un même territoire, sont suspectés de conduire à un culte du chef local et seraient donc bannis des modes de fonctionnement du mouvement « France Insoumise ».

    Nous serions donc des communistes ayant « usurpé le sigle Insoumis ». Pourtant bon nombre de ces militants Insoumis sont des ex-militants communistes, critiques, ayant quitté le PCF il y a bien longtemps ou des anciens socialistes qui n’étaient plus au PS alors que Jean-Luc Mélenchon s’y complaisait encore.

    Son analyse de la situation en Corse est inconséquente, infondée et dangereuse. Elle plaque sur l’histoire de la gauche en Corse un logiciel d’analyse qui n’intègre pas la non-implantation du PS, quasiment inexistant depuis le congrès d'Epinay, le monopole des « radicaux » dont on a vu ce que leur règne à l’assemblée de Corse entre 2010 et 2015 a pu susciter.

    C'est lors de leur mandature, associés au PCF, que les revendications de co-officialité, de statut de résident, de collectivité unique ont été voté à l'assemblée de Corse alors que les électeurs ne leur en avaient pas donné mandat.

    Durant cette période, si le PCF a sombré dans des alliances conçues pour exister malgré tout, ces élus territoriaux maintenaient néanmoins une expression publique au service des classes populaires qui sans eux n’auraient guère pu se faire entendre.

    Le « dégagisme » appliqué à ceux qui ont fait sa campagne des présidentielles et des législatives n’est que pure trahison. Non seulement des hommes et des femmes engagées, mais aussi des idées.

    Le nouveau paradigme de Jean-Luc Mélenchon en Corse a donc pour référence l’ « identitarisme ». Les nouveaux adoubés du « républicain »  Mélenchon prônent :

    -  la coofficialité de la langue corse qui exclura à terme les non corsophones de tout emploi public en Corse,

    - un statut de résident qui fait de l’étranger (installé depuis moins de 5 ans en Corse) le responsable de la spéculation foncière.

    - le maintien des arrêtés « Miot » pour permettre aux possédants  et surtout aux plus riches d’entre-eux, de ne pas payer d’impôt sur les successions.

    -l’interdiction professionnelle et la « corsisation » des emplois à travers la charte de l’emploi local, appliquées aux non-corses responsables bien entendu du chômage en Corse.

    - la remise en cause de la laïcité en imposant la fermeture de toutes les écoles publiques, chaque année le jour de la Sainte Marie.

    - l'obligation du bilinguisme, déjà à l’œuvre aujourd’hui dans la plupart des écoles maternelles de l'île et dans beaucoup d'écoles primaires du rural où les familles ne peuvent plus exercer leur choix.

    - la volonté de transférer à la Collectivité Territoriale de Corse le contenu de l’enseignement et la nomination des enseignants, entraînant ainsi une sortie du système éducatif national.

    On le voit tout cela fleure bon la philosophie des Lumières.

    Les 3 députés nationalistes s’abstiennent à l’assemblée nationale sur les ordonnances de la loi travail et sur la réforme de la Sécurité Sociale. S’ils avaient été députés socialistes qu’auraient-ils entendu !

    Reste aujourd’hui un goût amer, proche du désespoir.

    Comment construire un mouvement populaire sur la dynamique des présidentielles et des législatives et du programme de « l’avenir en commun » ?

    Comment sortir de ces pratiques d’exclusion de ceux qui pourraient momentanément penser différemment du chef ?

    Comment faire de la France Insoumise un mouvement populaire, démocratique, échappant à la dictature du « clic » informatique et où chaque militant serait considéré comme un être pensant et non comme un instrument d’une petite équipe dirigeante autoproclamée?

    Comment entrer dans cette 6éme république avec un dirigeant, formidable candidat aux élections présidentielles, mais totalement incapable de sortir du moule de la 5éme république, qu'il fait mine de condamner comme son mentor F. Mitterrand et son slogan du « coup d’État permanent » ?

    La route sera longue.

     Claude Perrin

     

    Contribution de Jean-Baptiste Agostini

     

    La gauche absente de l’Assemblée territoriale

     

    La victoire des nationalistes et des autonomistes est sans appel. Ces derniers ont été capables de capter une partie importante du mécontentement qui montait dans l’île depuis plusieurs années. Les nationalistes ont su également séduire la jeunesse, entre autres, à partir de revendications identitaires : langue corse, rapprochement et amnistie des prisonniers politiques, autodétermination, indépendance de la Corse.

    Toutefois, malgré le score atteint par la liste Pà a Corsica, 56,67%, il faut relativiser la victoire des nationalistes et des autonomistes, sans pour autant la sous-estimer. En effet, 49,02% des inscrits ne se sont pas déplacés ou ont voté blanc ou nul. C’est le premier parti de notre île. Le gros de ces abstentionnistes est probablement à rechercher parmi les couches les plus défavorisées de la population (voir la participation très faible dans les quartiers comme les Salines à Ajaccio, ou à Lupino à Bastia). La plupart de ces électeurs s’est réfugiée dans l’abstention soit par désespérance, soit par rejet de la classe politique dans son ensemble. Pendant la campagne électorale, on a souvent entendus : « Tous pareils, ils se gavent, tous pourris ».

    Les deux listes de la droite traditionnelle maintiennent bon an mal an leur pourcentage par rapport aux élections précédentes. Les prosélytes de la pensée macronienne, des radicaux de gauche et des socialistes pour la plupart, obtiennent 12, 67% de suffrages exprimés, un taux en deça de leur espérance. En tout cas loin du niveau atteint par la liste Giacobbi au second tour des territoriales de 2015. Il est probable que des maires, des électeurs de la pseudo gauche clanique aient rejoint le camp des nationalistes. De mauvaises langues parlent même de nationalistes de la dernière de la dernière heure ! Comme c’est curieux. A la Libération, en Corse et sur le continent, on a connu un phénomène semblable, avec un nombre record de gens qui se sont révélés être des  résistants. On appelle ça comment ?

    Quant au Front national, il a été éliminé dès le premier tour, avec 3,20% des suffrages exprimés. On est en droit de poser la question : mais où sont donc passées les voix de Marine Le Pen (28% au premier tour de la présidentielle, 48% au second tour) ?

    La liste l’Avvene, a Corsica in cumunu a obtenu pour sa part 5,95% des suffrages exprimés. Donc, un taux insuffisant pour franchir le seuil de 7% qui aurait permis  la qualification de la liste pour le second tour.

    Ce résultat n’est pas bon. Il faut le reconnaître.

    Quelles en sont les causes ? Elles sont multiples. La première, c’est assurément l’intolérable campagne menée par Jean-Luc Mélenchon contre cette liste, ses candidates et candidats, les militants de la Corse insoumise, de Manca alternativa et ceux du Parti communiste. Quelques exemples particulièrement croustillants utilisés par un homme qui avait et a toujours l’ambition d’accéder à la charge suprême de le République : Bras cassés, piteux équipage, faussaires, usurpateurs, falsificateurs, etc. Un beau florilège. Le grand fédérateur du peuple a tout simplement fait exploser sa propre famille en Corse. Cela a bien sûr suscité une vague d’indignation et de colère chez tous les militants – il est bon de le rappeler – qui se sont défoncés sans compter pour soutenir le candidat Mélenchon, lors de la présidentielle et tous les candidates et candidats de la France insoumise  aux élections législatives. Avec de telles attaques, ignominieuses, le mentor de la France insoumise a sans doute contribué à perturber un grand nombre d’électeurs de gauche qui se sont réfugiés dans l’abstention ou le vote nul ou blanc. Par voie de conséquence, à ôter la possibilité à la liste l’Avenir, la Corse en commun de franchir la barre fatidique des 7%.  Dans le même temps, Jean-Mélenchon avait les yeux de Chimène pour la mouvance nationaliste. D’ailleurs, à l’issue du second tour de la territoriale, ne s’était-il pas empressé de féliciter les leaders nationalistes et à enfoncer un peu plus les candidats de son propre camp ?

    Il est évident que le comportement  de notre homme providentiel n’explique pas tout. D’autres causes peuvent être avancées. Et il faudra les affiner. Il y a tout d’abord le rôle de la presse régionale, voire nationale qui n’ont pas toujours été bienveillantes à l’égard de liste l’Avvene, a Corsica in cumunu, loin s’en faut, préférant rouler allègrement pour les nationalistes et la droite clanique. Il y a les propres insuffisances de la Corse insoumise. Sa création récente. Ses manques de moyens matériels et financiers. Il y a aussi la relation entre le Corse insoumise et le Parti communiste pendant toute la préparation et le déroulement de la campagne électorale. Cela n’a pas toujours été apparemment un fleuve tranquille. Le Parti communiste ou du moins certains de ses cadres, n’ont pas - semble-t-il -  digéré l’inflexion des rapports de force à l’intérieur de la gauche et accepté de gaieté de cœur que la liste  fût conduite par un membre de la Corse insoumise, ex candidat de la France insoumise à l’élection législative dans la première circonscription de la Corse du Sud, en l’occurrence Jacques Casamarta. Certains responsables communistes – dit-on -  n’auraient pas joué pleinement leur rôle de soutien à la liste commune. D’autres membres du Parti communiste, des « orthodoxes », auraient même mené campagne pour l’abstention. L’affaire de la banderole du Parti communiste à Bastia, lors du meeting avec Paul Laurent, secrétaire national, a suscité beaucoup de réprobations et de polémiques bien au-delà de la Corse et donné des arguments à Jean-Luc Mélenchon pour mener sa charge contre la liste l’Avenir, la Corse en commun. La présence de cette banderole, de belle dimension, n’avait pas lieu d’être dans la salle de réunion à Lupino. Ce n’était pas  un meeting du Parti communiste. Enfin et sans clore le débat sur les causes de l’échec, il y a aussi dans le conscient de nombreux électeurs de gauche, le rôle très négatif joué par le clan Giacobbi, radical dit de gauche, par ses pratiques clientélistes et la corruption qui en découlait. Tout cela a contribué à éclabousser l’image de la gauche. Le Parti communiste devrait en tirer quelque leçon, lui qui s’est accroché, pour un temps, à l’attelage giacobbien. Est-il prêt à le faire ?

    Une chose est sûre, la gauche est désormais absente des institutions régionales.

    Le syndrome italien nous guetterait-il ?

     

    Jean Baptiste Agostini.

     

    Contribution de Pierre-Henri Fabiani

     

    A qui la faute ?

     

    Pendant les élections présidentielles, nous avons entendu des candidats voulant « incarner » de grandes idées. Voter pour des idées ne doit pourtant pas pousser au panurgisme derrière une « incarnation » qui tourne à la mégalo et à l’autocratie. Il n’y a rien de pire en politique que le narcissisme. La gauche n’a pas été épargnée par ces dérives personnelles et nous connaissons les résultats électoraux qui l’ont sanctionnée sur le plan national mais aussi sur le plan local. Certes les Insoumis ont quelques sièges de députés mais Macron dispose d’une majorité soumise écrasante pendant la durée du quinquennat. Il peut compter aussi sur la Droite et quelques libéraux restés au PS.

    Les Régionales sont révélatrices de la conception de la démocratie qu'ont les professionnels de la politique. Lorsque le mode de scrutin les place au pouvoir, c'est la démocratie. Lorsque le mode de scrutin les fait perdants, c'est contraire à l'esprit républicain. Pour eux, république et démocratie ne coïncident que lorsqu'ils sortent vainqueurs des urnes.

    En Corse viennent de se dérouler les élections de la collectivité territoriale.  « Vous voulez l’indépendance, prenez-la ! » A Paris, d’aucuns lancent cette exhortation comme un rejet pendant que d’autres crient à l’unité de la nation française et à l’intégrité du territoire national.

    Les jacobins de tous poils et les carriéristes politiciens reprochent à des élus corses de parler corse dans l'assemblée corse. En 2015, la valse des mécontents avait fait suite au discours en langue corse du nouveau président de l'assemblée de Corse - Jean-Guy Talamoni. Même Jean-Luc Mélenchon avait fait savoir son indignation. Dans un tweet, il avait indiqué se sentir " un peu offensé quand le président d'une assemblée française ne parle pas dans la langue que je comprends".

    Les seules langues qui devraient être interdites en politique, ce sont les langues de bois, les langues de vipères et les langues de p... L'assemblée nationale et le sénat résonnent trop souvent de leurs voix.

    Jusque sur l’Île,  les associations dites patriotiques, les journaux bien pensants, les anciens combattants et leurs zouaves vont-ils dans un élan magnifique « comm’à-verdun » ranimer la flamme et manifester violemment contre une collectivité territoriale de Corse devenue majoritairement  autonomiste et indépendantiste, pendant qu’une voix « insoumise » et française du Continent salue le « dégagisme » et se déclare « Indépendantiste français en Europe », bien qu’autrefois offensée par un discours en langue corse dans l’Assemblée de la Corse ?    

    Malheureusement, la gauche alternative corse a été victime d’une  langue bien pendue qui a distillé  le poison électoral, l’anathème méchant lancé pour nuire et l’accusation infondée qui justifie une haine personnelle contre une partie de la Gauche. Point besoin de le citer, il se reconnaîtra. Nous verrons si, en Corse et sur le Continent, le dégagisme sera total jusqu’à celles et ceux qui  s’incrustent encore et parfois le dénoncent en se croyant à l’abri. En attendant, c’est le libéralisme qui fait son lit et nombreux sont celles et ceux qui viennent s’y vautrer selon  le principe qu’il faut toujours se ranger du côté du plus fort jusqu’aux prochaines élections. Préférer la victoire des autonomistes et des indépendantistes en se réjouissant de la défaite de son propre camp, c’est  installer une défaite à long terme. Il faudra en assumer la responsabilité. A qui la faute ? Les électeurs de la gauche alternative sauront s’en souvenir.

    Les incarnations autoproclamées sont mortelles et seules les idées survivront. C’est pour cela qu’elles valent la peine d’être défendues envers et contre tous, s’il le fallait encore. C’est valable en Corse comme ailleurs, en sachant toutefois que, sur l’île, il faut y vivre pour s’octroyer le droit d’influer sur une élection. Le poujadisme n’y est déjà  plus d’actualité et ce sera la grande leçon des dernières élections pour les états-majors continentaux de la  Droite et de la Gauche.

    La personnalisation à outrance a mis fin au pluralisme d’idées et d’organisation du Front de gauche. Elle s’est révélée dans le mal qui vient d’être fait à la gauche en Corse.  Le slogan "La France Insoumise" fait référence à la France, ce qui peut expliquer les attaques jacobines contre la « Corse insoumise ». Outre la référence à la France, à qui s'adresse-t-on ? Il semblerait que ce ne soit pas aux Corses et d’aucuns  n’en sont pas à une contradiction prés,  tout en saluant le « dégagisme » obtenu par les indépendantistes et les autonomistes et sans se prononcer clairement sur l’indépendance. Comme si l’on pouvait faire un parallèle entre l’indépendance de la France et l’indépendance de la Corse, si ce n’est en toute mauvaise foi dans un discours trompeur.

    La gauche a besoin plus que jamais de clarté et de se remobiliser pour défendre le  progrès social et non pas autour d’un leader aussi charismatique soit-il.  Le libéralisme économique est en train d’installer les salariés dans la précarité et ne réglera pas le chômage de masse qui sert de chantage pour faire accepter la régression sociale. Sur le plan local, il y a des choix à faire pour l’avenir de la Corse et ces choix ne peuvent se désintéresser du sort de milliers d’insulaires dans la difficulté et parfois dans la misère, en ignorant les problèmes d’emplois, de logement, de santé, d’éducation...   Il s’agit d’abord de permettre à tous les Corses de vivre décemment, de se loger, de se nourrir, de travailler, d’avoir des enfants… Pour tout cela, les forces de gauche se doivent d’être unies et non pas de se détruire pour revendiquer un leadership illusoire.

    Les intérêts de quelques uns ne peuvent justifier l’absence de politique sociale à long terme, en pensant que ce sont les plus riches qui font vivre l’Île, alors qu’ils ne font que s’enrichir. La théorie économique du ruissellement de la richesse qui profiterait aussi aux plus pauvres est une fable économique que l’on nous sert depuis des lustres pour freiner le progrès social et, aujourd’hui, organiser la régression en s’attaquant à tous les acquis obtenus par les luttes syndicales.

    La Corse aura besoin de la gauche alternative pour défendre le progrès social. La gauche se reconstruira par les Corses pour les Corses, parce qu’elle a pour finalité universelle le bonheur des peuples. Les deux dernières élections locales montrent bien que le terme « local » a une forte signification sur l’Île. Les états-majors parisiens (ou marseillais) n’y ont que peu d’influence si ce n’est celle de nuire à leur propre camp...un temps seulement.

    N’oublions pas que près de la moitié des électeurs n’ont pas voté aux dernières élections. Au-delà de la victoire incontestée des autonomistes et indépendantistes, il faut voir aussi un échec de la démocratie par un manque de participation au scrutin. A qui la faute en ce qui concerne les électeurs de gauche qui ne se sont pas déplacés ? Qui a publiquement invectivé la seule liste de gauche présente ? L’Assemblée de la Corse ne compte aucun élu de gauche. Qui, à gauche, s’en est publiquement félicité ?

    Pierre-Henri Fabiani

     

    Contribution de Roger Martelli, historien, codirecteur de la revue Regards. Cette contribution est parue dans Libération.

    Catalogne, Corse, quelles leçons pour la gauche ?

    Les indépendantismes catalan et corse montrent que les Européens se préoccupent de moins en moins de la question sociale, au profit de débats identitaires. Pour l'historien Roger Martelli, c'est la preuve que le libéralisme triomphe de la gauche, qui doit se refonder. Lire la suite :

    http://www.liberation.fr/debats/2017/12/28/catalogne-corse-quelles-lecons-pour-la-gauche_1619323

     

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