• De grandes manifs, c'est bien! Et après?

    manif_Paris2014

     

    La manifestation de Paris aurait réuni jusqu’à plus d’un million de participants. Sur tout le territoire, la participation est évaluée à 3,7 millions. Nous avons dénoncé les récupérations politiques et l’indécence de la présence de certains responsables politiques qui n’ont montré aucun respect pour la liberté de la presse dans leur pays. Il fallait le faire et il faut encore le faire.

    Bien sûr, il fallait respecter la mémoire des victimes de Charlie Hebdo lorsque que l’on affiche le slogan « Je suis Charlie ». Comment concevoir que Marine Le Pen et d’autres responsables d’extrême-droite puissent défiler sous ce slogan ? Ce n’est pas concevable pour d’autres responsables politiques aussi. Toutefois on ne peut refuser le droit de manifester à quiconque sauf aux barbares et à ceux qui les applaudissent. En outre la tragédie a fait d’autres victimes en dehors de celles appartenant à l’hebdomadaire. Nous pensons aux policiers et aux otages juifs. Nous sommes de gauche mais la gauche n’est pas la seule force politique qui a le droit de manifester contre la barbarie, pour la liberté d’expression, contre l’islamophobie, le racisme et la xénophobie. Nous avons regardé en direct la manifestation de Paris et nous n’avons vu aucun slogan islamophobe. Cette manifestation n’était pas seulement celle de la récupération politique mais aussi celle de gens du peuple. Nous avons lu quelque part que des « Je suis Charlie » étaient en fait des nostalgiques du Club Dorothée dont Cabu faisait partie. Cela leur enlève-t-il le droit de manifester leur soutien à Cabu et, au-delà, à tous ses amis assassinés ? Faut-il avoir une culture Charlie Hebdo pour manifester contre la barbarie et honorer tous les morts ?

    Les manifestations étaient aussi organisées contre l’intolérance, une lutte qui fait partie des valeurs de gauche. Au-delà de la ligne éditoriale de Charlie Hebdo, la tragédie pose des problèmes de société qui concernent tout le monde. La mort n’appartient pas qu’aux victimes et à leurs amis lorsque la vie leur a été arrachée par la barbarie et contre l’humanité. Elle concerne tout le monde. Jusqu’à aujourd’hui, nous étions dans le deuil et d’aucuns sont entrés directement dans les polémiques et les récupérations. Certes il n’est pas question de passer sous silence les récupérations politiques et de ne pas analyser les faits et leurs causes profondes, mais les donneurs de leçons plus « Charlie que Charlie lui-même »  oublient que ses dessinateurs avaient horreur des donneurs de leçons.

    Demain il faudra faire face à l’après… Ce ne sont pas les ratiocineurs qui aideront à clarifier les choses et à trouver des solutions. On est bien conscient que, si la tragédie a eu lieu cette semaine en France, elle est permanente dans d’autres pays, malheureusement dans l’indifférence générale. On ne peut ignorer que la montée de l’intégrisme en France a des causes nationales et internationales. On ne doit pas éluder les responsabilités de tous. Toutefois, c’est froidement qu’il faut analyser et reprendre la lutte quotidienne. Il ne suffit pas de dire « j’y étais » et d’attendre la prochaine tragédie et la prochaine manif.

    La manifestation d’aujourd’hui a fait l’objet d’une récupération politique. C’est dit. Les familles et les proches de toutes les victimes y étaient et ont accepté de recevoir les condoléances du Chef de l’Etat. Ils avaient sans aucun doute besoin de cette reconnaissance, de ce réconfort. Qui a le droit de les blâmer ? Cela ne veut pas dire qu’ils sont dupes lorsqu’il s’agit des proches et des survivants  de Charlie. Ils connaissent leurs ennemis et les ont toujours affrontés. Cela leur a coûté des vies. Ils connaissent aussi le dicton : « Protège-moi de mes amis, je m’occupe de mes ennemis ».

    Hier 700.000 manifestants, aujourd’hui 3,7 millions. L’émotion est grande et il faut la respecter. La plus grande crainte serait qu’elle soit récupérée par l’extrême-droite. La déception serait qu’elle serve aux politiques pour que rien ne change en ce bas-monde. C’est contre cela qu’il faut lutter en même temps que pour la justice sociale et la paix dans le monde.

    L’histoire nous a appris que les mêmes causes produisent les mêmes effets. La lutte contre le terrorisme ne pourra être efficace sans un changement de société. Elle n’est pas qu’une question de répression. Elle ne sera gagnée que par les progrès que fera l’humanité.

    Est-ce que demain, il y aura encore 3,7 millions de manifestants contre les politiques d’austérité, le chômage, la précarité, la paupérisation et la régression sociale ? Est-ce que demain, 3,7 millions de manifestants descendront dans la rue contre l’exploitation capitaliste mondialisée ? Est-ce que demain, tous les démocrates descendront dans la rue contre tous les autocrates, dictateurs, oligarques et autres despotes ?

    Sur son blog Médiapart, Dominique G. Boulier donne sa liste des causes qui feront qu’il y aura d’autres Charlie. Vous pouvez en prendre connaissance en cliquant ICI. Après l’émotion et le deuil, à chacun de réfléchir et de dresser un constat de tout ce qui nous a amenés là.

    Demain, direz-vous « J’étais là ! Et je n’ai rien… » comme dans la chanson de Zazie sur l’attentat de Copernic ?

    Pidone 

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