• François la Bricole, capitaine de pédalo...

    retropédaloCe n'est pas la première fois que David Pujadas se retrouve seul face à un président de la République. Le 12 juillet 2010, en plein cœur de l'affaire Woerth, c'est lui qui, déjà, avait interviewé en solo Nicolas Sarkozy. Cette prestation journalistique, toujours discutable et discuté, lui avait valu une volée de bois vert critique. Hier, il s’est montré plus incisif face à Hollande mais on sait que ce journaliste est un libéral à l'anglo-saxonne, qui paraît enclin à porter un jugement sévère sur une France peu portée à rompre avec les vertus et les défauts de l'État-providence. Le Hollande président doit lui être plus proche que le Hollande candidat, même si Sarkozy doit garder sa préférence. Le principe même du tête-à-tête avec un seul journaliste est mauvais. Sans aucun doute, un débat aurait été plus démocratique.

    Le capitaine de pédalo n’a pas changé  de cap. Pour inverser la courbe du chômage il a sa caisse à outils et une seule bouée de sauvetage : la croissance.

    Inverser la courbe du chômage d'ici la fin de l'année 2013, une incantation après 22 mois d’augmentation  et François Hollande continue à le promettre : « Ça veut dire quoi inverser ? Ça veut dire que ça va augmenter jusqu'à la fin de l'année. Nous en subissons encore les effets. Et puis à la fin de l'année nous serons dans une baisse du nombre de chômeurs … Est-ce que c'est un vœu ? Non ! Ce n’est pas non plus un pronostic. C'est un engagement et une bataille, je la mène cette bataille, et je vais y mettre tous les moyens ».

    Il a donc ouvert à nouveau sa caisse à outils :

    - Les emplois d'avenir :

    Nous n’en sommes qu’à 15.000 emplois créés pour un objectif de 100.000 prévus à la fin de l’année. : « Ça part lentement mais ça arrivera surement. Ce qui compte c'est d'arriver à voir autant de jeunes que nous l'avons souhaité remettre le pied à l'étrier pour ces jeunes souvent des quartiers difficiles » dit le Chef de l’état.

    - Le contrat de génération :

    C’est l'une des mesures phares de son programme : « Ça vient d'être voté, mis en œuvre. Ça va augmenter. 70 000 à 80 000 créations d'emplois pour les jeunes et de maintien des seniors. C'est à dire de ceux qui veulent leur transmettre leur expérience dans l'entreprise ».

    - Le pacte de compétitivité et le crédit d'impôts pour les entreprises.

    « Ça veut dire quoi ? Parce que c'est des mots ! Et ce que les Français veulent comprendre c'est ce que qu'il va se passer. Pour toutes les entreprises, en 2013, elles vont avoir une diminution de l'ensemble de leur masse salariale de 4%. Avec cela, ces entreprises peuvent investir, embaucher, exporter, faire tout ce que peut faire une entreprise quand elle affronte la compétition ».

    Sur le pouvoir d’achat :

    «En 2013, pas d'effort supplémentaire pour les Français» et en 2014, «il n'y aura aucune autre augmentation d'impôts» en dehors des hausses de TVA déjà annoncées. «Pour financer la sécurité sociale nous en reparlerons.»

    «Tous ceux qui ont un accord de participation» aux bénéfices de leur entreprise et «qui veulent -jusqu'à 20.000 euros- l'utiliser pour quelque achat que ce soit (...) pourront le faire». Ces fonds sont normalement bloqués cinq ans. Le président a précisé que l'annonce concernait «quatre millions de Français».

    Le ton était donc donné dès le début de l’interview : de la rhétorique et de la pédagogie. Aucune ouverture à gauche. Hollande s’affirme comme Président de tous les Français, oubliant qu’il a été élu par des voix de gauche et notamment celles du Front de gauche au deuxième tour. Il a parlé davantage de croissance que de mesures sociales. Il a rappelé les 20 milliards de crédit d’impôt aux entreprises et qu’il a ramené le taux de TVA de 7 à  5% pour la construction des logements sociaux.

    Il est revenu comme au billard, par la bande, sur la taxe de 75% promise aux très hauts revenus, en la vidant de son sens.  Il ne taxera plus les bénéficiaires des gros revenus mais les entreprises qui les versent. Donc, un haut revenu coûtera encore plus cher à l’entreprise. Cela devrait faire réfléchir les actionnaires, pense-t-il. C’est une façon de jeter par dessus bord une promesse électorale qu’il savait ne pas tenir. On sait par avance à quoi vont servir les 20 milliards de crédit d’impôt, sans doute à financer les 75% de taxe. Le serpent fiscal se mord la queue. Une imposture de plus.

    Là où on peut lui reprocher d'être trop elliptique c'est sur son projet européen. Sans doute, attend-il la réélection de Merkel dans six mois pour lui proposer d’avancer dans le pacte de croissance car, pour lui, la zone Euro est sauvée. Alors que Moscovici avait accepté le principe de la taxation des dépôts pour Chypre, il se réjouit que les petits déposants chypriotes ne soient pas touchés et affirme que les dépôts dans les banques françaises ne sont pas concernés par une telle mesure car ils sont garantis jusqu’à 400.000 €. (Des garanties ont été instaurées par la loi du 25 juin 1999 relative à l’épargne et à la sécurité financière)

    En résume, rien de très nouveau et surtout dans les mauvaises annonces. La durée de cotisation des retraites sera allongée. Après l’introduction de la flexibilité dans le droit du travail, on s’y attendait. La politique d’austérité va s’accentuer.

    François Hollande a détaillé les économies à réaliser: 10 milliards d'économies budgétaires, 10 milliards de prélèvements supplémentaires sur les entreprises et 10 milliards sur les ménages, en ciblant les plus favorisés. Une réforme des allocations familiales est envisagée.

    Il a déclaré dimanche avoir demandé au gouvernement d'établir le projet de loi de finances 2013 en fonction d'une prévision de croissance "réaliste", à savoir "sans doute 0,8%". Jusqu'ici, le gouvernement tablait sur une prévision de croissance à 1,2% pour 2013, jugée intenable par de nombreux économistes. "Je ne veux pas que l'on puisse imaginer que l'Etat prépare son budget avec des hypothèses qui se révéleraient fausses", a souligné le chef de l'Etat.

    Il a parlé d’autres sujets que le chômage et la croissance. Il estime que l’armée française a rempli sa mission au Mali et exige des élections dans ce pays en juillet, tout en précisant que ce n’était plus la Françafrique et que les Maliens devront se choisir librement un Président. Le retrait de nos troupes sera donc amorcé rapidement et s’étalera dans le temps pour participer uniquement au maintien de la paix dans le cadre de l’ONU et avec les pays africains. Interrogé sur le sort de Philippe Verdon, il n'a laissé aucun véritable espoir de le revoir vivant même si son exécution n’est pas officiellement confirmée. La France ne paiera aucune rançon et c’est ce qui ressort de la question sur les otages encore vivants.

    Le chef de l'Etat, qui avait plaidé pour une levée de l'embargo, s'est montré plus ambigu sur la livraison d’armes aux rebelles syriens: « la France ne livrera rien sans la certitude " d'un contrôle total de la situation par l'opposition" syrienne ». « il ne peut pas y avoir de livraison d'armes à la fin de l'embargo s'il n'y a pas la certitude que ces armes seront utilisées par des opposants légitimes et coupés de toute emprise terroriste », prévient-il. Il compte sur l’influence de la Russie pour arriver à une solution politique qui passe par le départ de Bachar el-Assad.

    Il considère que Nicolas Sarkozy mis en examen est présumé innocent. Il défend la liberté des juges et la séparation des pouvoirs…

    « D'abord il y a la présomption d'innocence, Nicolas Sarkozy est présumé innocent », a déclaré Hollande, interrogé sur la mise en examen de l'ancien chef de l'Etat. "Les juges doivent être respectés pour l'indépendance. Je suis garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire. Chaque fois qu'on met en cause un magistrat, je suis obligé d'agir (...). Je ne peux pas accepter, quelque soit la personne mise en cause qu'un juge puisse être suspecté", a-t-il ajouté.

    Il a fait savoir que le non-cumul des mandats était à l’ordre du jour du prochain conseil des ministres et que la loi interviendrait avant la fin de son mandat. Il a mis en garde les Ministres trop bavards et trop indépendants.

    D’autres thèmes ont été abordés : la laïcité, le mariage pour tous, la procréation assistée, les mères porteuses, la délinquance et la récidive … Hollande veut jouer le conciliateur et cherche le consensus, ce qui nuit parfois à la clarté du discours.

    Hier, c’était le jeudi Saint.  Selon la religion catholique, Jésus a fait le bilan du chemin accompli et a montré le chemin à accomplir. C’est le jour où il a lavé les pieds des exclus. Comme le dit le pape François Premier,  c’est le jour où il a  le souci des "pauvres". L’autre François, notre président de la république, a marqué à sa façon un jeudi Saint élyséen : humilité, bonne nouvelle, espérance… Et puis il  est redescendu dans l’obscurité, au son des psaumes libéraux.

    « On n'est pas jugé sur les discours, on est jugé sur les résultats", a-t-il proclamé. "Les critiques ne m'ont jamais empêché d'atteindre mon objectif." A-t-il ajouté avant de conclure : "J'aime tous les Français et je veux les emmener vers la République".

    Le président s’est dit en ordre de bataille, mais on a l’impression qu’il navigue à courte vue tout en laissant penser qu’il sait ce qui nous attend. Jean-Luc Mélenchon n'a pas hésité à parler de "politique de gribouille". "Il me fait rigoler il ne sait même pas ce qu'il va faire dans huit jours mais il dit qu'il sait ce qu'il va faire en 2020" s'est-il exclamé.

    La France n’est pas le Mali. Le Front national et la droite sont en mesure de gagner des villes aux prochaines élections municipales. L’armée ne pourra rien faire contre cela. Seule un politique résolument à gauche et mettant l’humain d’abord pourrait entamer une reconquête. Dans la prestation du Chef de l’état, l’humain était absent. Son projet politique est désincarné. Nous sommes loin des envolées oratoires de la campagne. François Hollande dit avoir la peau dure, les nerfs solides et le sang froid. "Je suis lucide, je regarde, j'entends..." ou encore "J'ai conscience des problèmes..." François Hollande dit qu’il n'est pas sourd. Le syndrome de la "tour d'ivoire" ne l'aurait donc pas frappé ? On en doute lorsqu’il ajoute : « Je sais ce que je veux faire, ce que je décide, et je sais où nous allons arriver: la réussite de la France ». On l’a bien compris : rien ne le déroutera de la politique d’austérité et du libéralisme économique, même pas la hausse du chômage, les licenciements abusifs,  la précarité et  la souffrance des familles démunies… Le capitaine de pédalo fonce droit dans l’iceberg ultralibéral européen  et fera de la France le Titanic social. Il aura réussi à davantage diviser la Gauche. Nous en profitons pour faire savoir que nos critiques n'ont rien en commun avec celles de la droite et l'extrême droite. Nous n'avons aussi plus grand chose en commun avec Hollande et son gouvernement.

    Battone

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