• Jeu de Molletistes au PS?

    hollande_merkel_trucage_modifié-1L’affaire Merkel fait des vagues au sein même du parti socialiste. Les quelques mots inscrits dans un projet du texte du PS sur sa convention Europe ont déclenché une vaste polémique après les déclarations faite par le Président de l’assemblée nationale demandant une « confrontation » avec la Chancelière.  Les ministres Manuel Valls  et Michel Sapin  ont vivement critiqué l’usage du terme «confrontation» par le président de l’Assemblée pour décrire la relation  entre Paris et Berlin. A contrario, Razzy Hammadi jugeait les propos de Claude Bartolone, frappées «du bon sens de la gauche» et  se  disait «abasourdi» par le «hold-up intellectuel consistant à dire qu’on ne doit pas être dans la confrontation contre ce que représente Angela Merkel». Benoît Hamon,  situé à l’aile  gauche du PS maintenait dans une interview à un journal britannique qu’il fallait «en finir avec les politiques d’austérité en Europe», dont Merkel est l’une des rares à penser encore qu’elles marchent.

    A son tour Claude Bartolone raillait une forme «d’emballement, de panique même» voire de «convulsion un peu loufoque» dans la classe politique.  Il s'est amusé à rappeler la définition du mot «confrontation», donnée par le Larousse: «confrontation.
    nom féminin (latin médiéval confrontatio, -onis), action de rapprocher des choses, de les comparer en les opposant.»

    Dans ce contexte, Jean-Marc Ayrault choisissait d’intervenir sur Twitter pour calmer le jeu après la fuite d’un projet de texte du PS virulent contre Merkel, «chancelière de l’austérité». Il rappelait «l’indispensable» amitié franco-allemande et la nécessité d’«un dialogue intense et sincère». Il utilisait même, en germanophone, la traduction de son twit en allemand.  

    Finalement, sous la pression de Matignon, le texte du PS épinglant Angela Merkel  sera finalement expurgé des références la stigmatisant. La  version officielle sera présentée ce soir lors du bureau national du PS. "Un texte profondément pro-européen", affirme Jean-Christophe Cambadélis dans une interview au NouvelsObs.com. Le document initial fustigeait "l'intransigeance égoïste" de la chancelière allemande et appelait à un "affrontement démocratique" qui faisait écho à la « confrontation » demandée par Claude Bartolone.  On peut s’étonner et certains s’en étonnent, « qu’un parti qui est censé approfondir la démocratie des militants devienne un parti dont les textes sont soumis à amendement direct par le gouvernement».

    L’affaire n’en reste pas là. Au sein du parti socialiste d’aucuns cherchent des coupables.  Qui est à l'origine de la fuite dans la presse des critiques du PS à l'encontre d'Angela Merkel? Les quelques mots inscrits dans le projet du texte du PS sur sa convention Europe ont déclenché une vaste polémique qui tourne au vinaigre. Jean-Christophe Cambadélis a demandé que l'auteur des fuites soit suspendu du parti etLuc Carvounas va plus loin : « Il faut le sanctionner et pas uniquement demander de sortir de façon temporaire les personnes incriminées mais les sortir des organes de la direction nationale s'ils y siégeaient ». Des membres de l'aile gauche seraient dans le viseur.

    L’opposition redouble ses attaques contre François Hollande et Jean-Marc Ayrault, les accusant de vouloir faire porter la responsabilité de leur échec  sur l’Allemagne « le pays qui réussit le mieux en Europe » selon Laurent Wauquiez, vice-président de l’UMP, sur RCJ. Nathalie Kosciusko-Morizet sur France Inter  appelait les socialistes à «cesser de chercher dans les autres les causes de notre propre malheur». La polémique a rapproché Fillon de Copé. Pour la première fois depuis l'armistice signé le 18 décembre et à l’initiative de Jean-François Copé, ce dernier et François Fillon ont signé lundi un communiqué commun afin de dénoncer "la responsabilité personnelle de François Hollande dans la dégradation continue et consternante de la relation franco-allemande". Ils fustigent  l'attitude et les choix politiques du chef de l'État  qui, selon eux, « sont une insulte à tous ceux qui, depuis le général de Gaulle et Konrad Adenauer, ont su mettre tout leur talent au service d'une relation devenue exceptionnelle et faisant figure de modèle pour le monde entier ». Ils n’y vont pas avec le dos de la cuillère mais, comme le dit un proverbe allemand : « Mieux vaut pas de cuillère que pas de soupe ». Et pour citer Molière: « Je vis de bonne soupe, pas de beau langage » (Les Femmes savantes).

    François Bayrou, sorti de sa traversée du désert en entendant le mot « remaniement » critiquait «des discours profondément inquiétants parce que des discours de démobilisation» et ajoutait «On vient nous expliquer qu’en fait il n’y a pas d’efforts à faire», y voyant  même «un brin de germanophobie»». Le procès en germanophobie est ouvert à droite. Borloo a écrit à François Hollande et à Angela Merkel. Il parle lui aussi dedérives germanophobes et anti-européennes et incite le Chef de l’état à s’excuser. Il présente les siennes à Angela Merkel au nom de tous : « Président du l'Union des démocrates et indépendants (UDI), classée au centre droit, grande héritière de la construction européenne et de l'amitié franco-allemande, je peux vous affirmer que de telles déclarations n'engagent que leurs auteurs. Elles n'engagent ni le peuple français, dans sa très grande majorité, ni les parlementaires français, qu'ils soient du centre bien entendu mais aussi droite et de gauche. Aussi, je tiens solennellement à vous présenter nos excuses pour de telles prises de position ». Ses excuses n’engagent que lui.

    Du côté allemand, la tempête dans le verre d’eau français n’a pas fait d’éclaboussure. Steffen Seibert, porte-parole d’Angela Merkel l’a fait savoir en déclarant : «La relation franco-allemande est essentielle pour nous» ajoutant qu’il ne commentait pas les positions des partis politiques dans d’autres pays. Selon lui, seul compte  le travail entre Paris et Berlin. Il ajoutait même : «Ce qui compte pour nous, c'est l'action du gouvernement, la coopération directe avec le président français, le Premier ministre Ayrault, et les ministres… Il se dégage une toute autre image» de nos relations.  Et en écho à Jean-Marc Ayrault il réaffirmait que «La coopération avec la France est d'une énorme importance pour nous». Avec ça, la volée de missiles adressée par la Droite à Hollande ne sont plus que des patards mouillés. Au sein du parti socialiste, l'aile gauche se fait entendre et donne une illusion d'un débat démocratique qui n'existe pas.

    De son côté Jean-Luc Mélenchon pense que tout ce cirque est peut-être du «molletisme»[1], c’est-à-dire quelques rodomontades de gauche  contre Angela Merkel, tout en faisant la même politique d’austérité, celle des compromis avec la Droite. Il faut reconnaître que ça en a tout l’air lorsque l’on voit François Hollande déclarer son amour pour les entrepreneurs à la grande satisfaction des syndicats patronaux pendant que les plans sociaux se multiplient.

    guymollet_hollandeJeu de Molletistes au PS et tempêtes dans des verres d’eau à droite… François Hollande garde le cap de l’austérité. Un nouveau sondage le classe troisième avec 19% derrière Nicolas Sarkozy et  Marine Le Pen dans une élection présidentielle cette semaine. Un autre sondage met Manuel Valls en tête devant Jean-Luc Mélenchon comme nouveau premier ministre en cas de remaniement. Martine Aubry arrive en troisième position.  La presse de droite ne cesse de le démolir et de spéculer sur un remaniement ministériel. Le capitaine de pédalo continue à pédaler à contre courant dans la semoule libérale. On va finir par penser que, pour lui, ce qui est le plus beau dans la navigation, c’est d’être débarqué (pour reprendre une formule de Benoîte Groult).

    Fucone.



    [1]Le Molletisme est une attitude politique (reprochée par ses adversaires de gauche à Guy Mollet) qui consiste à avoir un discours politique très « à gauche », très radical, et une pratique gouvernementale modérée, centriste, acceptant des compromis idéologiques et politiques avec la droite.

     

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