• La corrida parlementaire

    La corrida parlementaire La ministre du travail Myriam El Khomri poursuit à l’assemblée nationale et dans la presse, son opération d’équilibriste en usant d’un terme cher à François Hollande : compromis. Elle a raison de dire que son projet de loi initial n’a pas été vidé de sa substance comme tentent de le faire croire la droite et le Medef. C’est justement pour cela que la contestation n’a elle aussi pas été vidée de sa substance. Pour la ministre, le Contrat de travail représente « l’esprit de sa loi ». C’est vrai lorsque l’on examine la nouvelle version du CDI associée aux nouvelles conditions du licenciement économique. Toutefois, en disant cela, elle donne raison à toutes celles et ceux qui demandent un retrait pur et simple de cette loi qui, contrairement à ce qu’elle clame, n’est ni juste ni nécessaire.

    Le compromis qu’elle propose avec quelques concessions mineures (vivement décriées par le concert hypocrite de la Droite et du Medef) est une opération cosmétique pour faire croire à des améliorations. Le compromis serait donc « tout et son contraire ». Cela n’a pas réussi à tromper les organisations syndicales, du moins celles qui ne sont pas venues faire de la figuration lors des concertations. La ministre a beau utilisé les grands mots comme « Mon projet de loi propose une nouvelle philosophie sur les niveaux de régulation sociale », ses arguties d’énarque et ses grand-écarts philosophiques ne feront pas passer des vessies pour des lanternes. Si elle déplace le curseur au niveau de l’entreprise pour, dit-elle, faciliter le dialogue social et améliorer la compétitivité, c’est pour faciliter la casse du code du travail.  La loi Travail permettra de sortir de la culture d’affrontement, nous dit-elle. En faveur de qui ? Comment peut-on imaginer que des salariés obtiendront de nouveaux droits par branche et pas entreprise, si le Code de travail n’est plus qu’un code de référence contournable. C’est de cela dont il s’agit. Les patrons pourront ignorer le droit du travail et, dans des rapports de force, imposer de nouvelles conditions de durées et de salaires. Elle parle d’accords majoritaires pour faire évoluer le droit.  Evoluer vers quoi, lorsque l’on parle de flexibilité et de compétitivité ?

    La corrida parlementaire Les concessions, c’est Hollande et Valls qui les font depuis quatre ans en faveur du Medef. Il y a eu les banderilles : crédits d’impôts et  lois Macron sans aucun résultat sur le chômage. Maintenant, ils ont sorti l’épée, la loi El Khomri à la cinquième heure, début de la corrida parlementaire…   A las cinco de la tarde ! Cinq heures de l’après-midi, quand commencent les corridas, cette heure espagnole reprise dans un poème par  Federico García Lorca et qui se termine par : Ah ! Ces terribles cinq heures de l'après-midi ! Il était cinq heures à toutes les horloges ! Il était cinq sombres heures de l'après-midi ! La corrida est ouverte. Manuel Valls veut tuer le code du travail mais c’est parfois le torero qui meurt.

    Le mauvais esprit de la ministre du travail n’a d’égal que celui de sa loi et de ceux qui l’ont chargée de la faire passer, si on ajoute les nouvelles conditions de licenciements économiques étendues à une simple difficulté de trésorerie, situation comptable qui n’est pas rare dans la vie d’une entreprise mais qui n’est pas une cessation de paiement avérée débouchant sur une procédure collective ouverte dans un Tribunal de Commerce. Ensuite, on peut encore évoquer les forfaits des indemnités aux Prud’hommes donnés à titre indicatif. Comment ne pas comprendre qu’ils seront appliqués systématiquement par l’action de la Jurisprudence en matière de droit du travail ?

    Porteuse d’une loi inspirée par le Medef et voulue par la Droite, Myriam El Khomri trouve le besoin d’affirmer qu’elle est « une femme de gauche ». D’abord nous ne croyons pas aux récriminations du Medef et de la droite sur les concessions faites. Comme nous ne pensons pas que la ministre du travail est une femme de gauche en défendant cette loi, comme savent le faire les énarques qui ont reçu une formation pour cela. Le problème de cette loi, c’est que le gouvernement et François Hollande ne peuvent plus reculer. La Ministre non plus. Le Medef et la droite le savent. C’est pour cela qu’ils récriminent en demandant un retour à la première mouture. Nous voilà dans le jeu politique des Présidentielles qui sont en point de mire. Le stratagème est de laisser Manuel Valls dégainer l’article 49.3 pour le discréditer davantage et entrainer avec lui François Hollande. Comme s’ils avaient encore besoin d’être discrédités. Valls use et abuse du 49.3. Il s’imagine encore que, avec ses 5% aux primaires de 2012, il sortira indemne de sa façon de gouverner et de sa politique droitière. Les sondages lui ont toujours laissé l’espoir d’être populaire mais c’est un miroir aux alouettes. Il s’est déjà fait doubler à droite et plumer par Macron.

    Myriam El Khomri a répondu à un journaliste du Figaro qui lui demandait : « A l’assemblée nationale, une avalanche d’amendements provoque l’agitation. Ce n’est que gesticulations pour faire croire à des échanges constructifs ? ». Voici ce qu’elle a répondu : «  On doit donner aux entreprises la capacité de négocier des aménagements avant qu'il ne soit trop tard. La France détruit des emplois industriels depuis 15 ans, neuf embauches sur dix se font en CDD: la solution passe par la primauté de l'accord sur le contrat de travail individuel, comme lors des accords Aubry sur la réduction du temps du travail en 2000. Cette loi est un acte de confiance dans le dialogue social car je crois qu'un accord signé par des syndicats représentant plus de 50 % des salariés est un accord qui se fera dans l'intérêt de tous. La primauté de l'accord sur le contrat de travail, c'est l'esprit même de ma loi ». Tout est dit dans sa dernière phrase. Elle veut inverser la hiérarchie du droit du travail. Elle ne reviendra pas plus sur son « encadrement » des licenciements économiques. Le terme d’encadrement nous paraît abusif car il s’agit davantage de plus de liberté donnée aux patrons pour licencier.

    Non, Mme El Khomri n’est pas une ministre du travail de gauche. On peut la trouver parfois un peu gauche dans ses postures mais ce n’est pas une position politique. Elle peut clamer « Je suis une femme de gauche ! », le projet de loi qu’elle porte est un projet réactionnaire voulu par le Medef et la Droite. La loi El Khomri est devenue une peau de banane politique pour Valls et Hollande. Emmanuel Macron peut se frotter les mains. Il s’est mis « en marche » pour les fuir car la gauche ne le satisfait pas.

    Ce n’est plus un secret. Un conseiller de la ministre du travail, Pierre Jacquemain, a démissionné en désaccord avec ce projet de loi particulièrement libéral et droitier qui renonce aux fondamentaux de la gauche. Même si, aujourd’hui, la ministre dit toujours « C’est ma loi », le projet a été construit à Matignon et Manuel Valls avait déjà l’intention de recourir au 49.3 dès janvier 2016. La ministre avait  vendu la mèche dès l’annonce du projet, avant de vouloir l’éteindre. Jacquemain a travaillé sur le projet et il ajoute dans une interview donnée au Parisien : « … entre conseillers, et même entre ministres, pour avoir eu des échanges avec certains, les gens plaisantaient. On me disait : Tu travailles pour la ministre du 49-3. » Comment croire à de réelles concessions ?

    Cette loi est une trahison de l’histoire des luttes sociales et de la mission donnée au Ministère du travail. ». Le code du travail a été créé en 1910. Il est le produit d’une décision historique prise en 1906 après la catastrophe de Courrières (Pas-de-Calais) : la création d’un ministère du Travail ! Mille-quatre-vingt-dix-neuf morts dans le fond de la mine par un coup de grisou. Le patron avait exigé la reprise du travail au nom de la productivité sans attendre les recherches. Treize jours plus tard, on avait pourtant retrouvé quatorze survivants. Le choc dans l’opinion avait été tel que le ministère du Travail a vu le jour et le droit du travail a été érigé en opposition aux exigences des entreprises et de l’économie. Le travail fut séparé de l’économie.

    Pendant un siècle, on a adapté les entreprises aux droits des femmes et des hommes. Mme El Khomri fait le contraire et  appelle à « adapter les droits du travail aux besoins des entreprises ». Sa loi n’est pas une réforme. Il s’agit d’une contre-réforme, d’une loi réactionnaire qui fait du travail une variable comptable dans la vie économique et spéculative des entreprises.

    Ne soyons pas dupes du jeu politicien de la Droite qui est déjà dans les calculs en vue des Présidentielles et se réjouit du cadeau qui lui est fait pour aggraver davantage la condition des salariés et généraliser la précarité. Pierre Gattaz joue l' hypocrite pour faire croire que le projet proposé à l’Assemblée nationale ne lui convient plus et faire oublier que le Medef en est l’initiateur.

    La solution la plus sage serait de retirer cette loi au lieu d’envoyer les CRS, les BAC et les gardes mobiles réprimer les manifestants. Tout laisse à penser que ce gouvernement s’est enferré dans sa dérive droitière et ira jusqu’au bout de sa trahison.

    Pour justifier ce jusqu’au-boutisme, Hollande et Valls annonce un « mieux » et une prévision de croissance optimiste. Enfin un retournement de cycle durable pour l’économie française !  se réjouissent-ils. Ce regain n'est pourtant pas la conséquence des réformes du gouvernement, explique David Cayla, des Économistes atterrés. Cet économiste conclue un article ainsi : « Au premier trimestre, les dépenses de consommation des ménages ont ainsi augmenté de 1,2%, ce qui constitue la plus forte hausse depuis 2004. Or, cette hausse est liée à des facteurs qui n’ont rien à voir avec l’action du gouvernement. Car les salaires et les revenus d’activité continuent d’augmenter un peu plus vite que l’inflation. Le pouvoir d’achat des français augmente légèrement. Comme par ailleurs les taux d’intérêt restent faibles, certains ménages renégocient à la baisse leurs crédits immobiliers ou en profitent pour financer un achat à crédit. Merci la BCE ! Merci les légères hausses salariales du secteur privé ! Merci la faiblesse des prix du pétrole ! Au final, rien de tout cela n’est le fait du gouvernement. Pire… pendant ce temps la balance commerciale française continuait de se dégrader, les exportations françaises chutant de 0,2%. Manque de bol, la croissance ne vient pas de l’amélioration de l’offre et de la compétitivité des entreprises mais de la demande des ménages. Ce ne sont pas les profits des entreprises qui font la croissance, mais le pouvoir d’achat des consommateurs. Le gouvernement a tout faux. Malheureusement, il est content de lui ».

    Si Hollande et Valls affichent une telle culture de l’échec, c’est pour mener une politique libérale et droitière. Cela a été le choix de François Hollande dès son élection. Ce choix s’est affirmé avec la nomination de Manuel Valls à Matignon. Il a été réaffirmé avec l’arrivée d’Emmanuel Macron. Il s’agit donc, avant tout, d’un choix politique délibéré avec, pour objectif, la mutation du parti socialiste débarrassé du socialisme. Cela a été nettement exprimé par Manuel Valls et Emmanuel Macron. Hollande et Valls ont fait le travail de la Droite et se sont mis au ban de la Gauche.

    Pidone

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 6 Mai 2016 à 14:39

    Jean-Marie Le Guen chez Bourdin: Nous vous proposons d'écouter l'argumentaire mis au point par l'équipe hollandaise pour défendre la loi El Khomri  et ,vers la 13ème minute, la réponse de Le Guen sur la question du blocage des retraites reconduit récemment. Les Français doivent se contenter d'être bien soignés, surtout les retraités qui coûtent le plus cher. Voilà ce que l'on peut tirer de son discours d'un social-traître qui, avec d'autres, a fait sa sortie du placard... Cliquer ci-dessous:
    http://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/jeanmarie-le-guen-face--jeanjacques-bourdin-en-direct-807433.html

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