• La lutte sociale s'installe durablement

    Les casseurs, inconsciemment ou volontairement, servent les politiques. Pour ces derniers, ce qui compte, c'est que le soir des manifestations, à la télévision, on ne parle pas des revendications mais des dégâts causés par les casseurs qui, de leur côté, poursuivent le même objectif : ils veulent qu’on parle d’eux. Il ne s’agit pas pour les casseurs de manifester contre la loi Travail mais contre la police.

    Le calcul est cynique des deux côtés. Celles et ceux qui soutiennent les casseurs ne l’ont sans doute pas compris. Bien évidemment, les bavures policières montrées sur les réseaux sociaux ne font qu’attiser cette haine de la police dont veulent se servir les casseurs pour entraîner les jeunes manifestants dans la violence.

    De l’autre côté, la manifestation des policiers n’arrange rien. Cette manifestation a été organisée par le syndicat Alliance. Jean-Luc Garnier, premier secrétaire d’Alliance, a pris sa retraite en 2005 à l'issue de son dernier mandat. Libre de tout engagement, il a rejoint l'équipe de Nicolas Sarkozy. Ce syndicat est classé à droite et s’est développé lorsque Nicolas Sarkozy était Ministre de l’Intérieur avec pour objectif de contrer d’autres syndicats jugés trop à gauche.

    La manifestation policière devait dénoncer  la « haine anti-flic ». Plusieurs personnalités politiques comme Eric Ciotti (LR) Geoffroy Didier (LR), Bruno Ratailleau (LR), Marion Maréchal-Le Pen (FN), Gilbert Collard (FN), Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République) étaient présents. Marion Maréchal-Le Pen a pu tester sa popularité auprès des policiers en se livrant à des selfies. Parmi les rares représentants de gauche, le député Olivier Falorni (ex-PS) a été aperçu. La droite et l’extrême droite ont donc politisé un peu plus un événement organisé à la fois contre les manifestations et contre le pouvoir socialiste. La récupération ne s’est pas faite attendre, du côté de Marion Maréchal-Le Pen et Gilbert Collard, qui, devant l’assemblée nationale, ont attaqué le Ministre de l’Intérieur en lui reprochant ne pas défendre la police. « Vidé de sa substance, banalisé, l'état d'urgence semble être davantage devenu une arme médiatique pour le gouvernement qu'un blouclier protégeant les Français efficacement », a déclaré la benjamine et de son côté l’avocat a poussé sa diatribe : « Le vêtement est trop grand pour vous, et vous disparaissez sous les loques de l'état d'urgence ». 

    Cette manifestation policière et droitière autorisée sur la place de la république a été vécue comme une provocation par des manifestants de Nuits debout, à qui l’accès en aurait été interdit. Une contre-manifestation non autorisée s’est soldée par l’attaque d’un véhicule de police isolé. Il s’agissait de deux fonctionnaires, un homme et une femme. Ils n’étaient impliqués ni dans le service d’ordre ni dans la manifestation policière mais revenaient d’une intervention de sécurisation routière sur le périphérique de Paris. L’attaque a été très violente et le véhicule incendié. Les images ont été largement diffusées. Les deux fonctionnaires ont été protégés par des manifestants contre un petit groupe de casseurs, casqués et masqués. Bien entendu, cet épisode affligeant anime les réseaux sociaux avec des commentaires agressifs de part et d’autre. Pour nous, malgré les violences illégitimes de policiers lors des manifestations, cet acte est ignoble. On s’aperçoit que les casseurs en action s’amusent et la violence n’est qu’un jeu, un exploit dérisoire. C’est politiquement nul. C’est simplement criminel. Les deux policiers, un homme noir et une femme, n’ont rien à voir avec la répression policière des manifestations. Ce comportement haineux est aussi condamnable que celui du policier auteur de violences illégitimes. Il est contre-productif puisqu’il justifiait la manifestation des policiers à quelques rues de là et ne fera qu’attiser les haines.

    Une fois encore les casseurs ont ainsi occupé la Une des journaux et occulté les raisons des manifestations du 17 mai. Aujourd’hui nouvelles manifestations dans une actualité focalisée sur une catastrophe aérienne. Editions spéciales, défilé des experts et des politiciens, Hollande dans le rôle qu’il affectionne, celui de soutien moral des familles endeuillées. En dehors de cette  tragédie donnant la mort en spectacle,  les journaux télévisés ne s’intéressent plus qu’aux casseurs dont la violence normalise la répression policière et justifie les bavures. En revendiquant par une pancarte avoir voulu « rôtir des poulets » dans leur véhicule, les casseurs ont fait monter la violence d’un cran.  Les slogans « tout le monde déteste la police » ou « la police assassine » remplacent ceux hostiles à la loi Travail.

    On a reproché aux services d’ordre des syndicats de ne pas intervenir contre les casseurs lors des manifestations. Maintenant, ces services d’ordre syndicaux sont traités de collabos par les casseurs et sont les premiers pris à partie lorsqu’ils interviennent. Matraques, bâtons, battes: en fin de manifestation mardi, des SO CGT et FO se sont armés « après avoir été caillassés et traités de collabos». C'était une première depuis le début de la mobilisation contre la loi travail en mars. Des images montrent que la violence est aussi du côté des casseurs.

    Deux policiers du syndicat CGT ont rencontré des manifestants de Nuits debout et le journal en ligne Reporterre relate la rencontre. Le secrétaire général de CGT Police, lorsqu’il est interrogé sur les violences policières, répond : « Si on trouve « toujours des gens irresponsables », les principaux coupables sont « les donneurs d’ordres ». « Les groupes violents sont clairement identifiés avant les manifestations. Pourtant, rien n’est fait, dénonce-t-il. Parfois, nous voyons des manifestants s’équiper de casques et d’armes juste devant nous, et aucun ordre n’arrive. Le 8 avril, on a poussé la compagnie de CRS pour que des personnes violentes puissent rejoindre la place. Évidemment, le soir même, c’est parti en vrac. Après, tout ceci est instrumentalisé au niveau politique.» Vous pouvez lire l’article ICI.

    Au-delà des violences commises par les casseurs et les policiers, la politique menée par François Hollande et Manuel Valls a créé le climat propice à des conflits sociaux durs et à la montée de l’extrême-droite. La gestion des manifestations n’a fait qu’aggraver les tensions. Le Chef de l’Etat et son Premier ministre portent donc la responsabilité politique de tous les débordements. Lorsque la répression devient une méthode de gouvernement, il ne faut rien attendre de bon. Nous sommes entrés dans le cycle de la violence. Lorsque la trahison devient un comportement idéologique, il ne faut rien attendre de juste.

    François Hollande et Manuel Valls n’ont fait qu’aggraver la méfiance des Français envers la classe politique. Certains n’espèrent plus rien des élections et mêmes des manifestations. Ils sont lassés par la guerre des chiffres entre organisateurs et ministère de l’Intérieur   et le traitement qu’en fait la presse. Il n’est pas étonnant que des groupes anarchistes d’un côté et l’extrême-droite de l’autre pensent pouvoir exploiter le contexte social. Nos élus ont pensé obtenir la paix sociale, grâce à la lutte contre le terrorisme et à l’Etat d’urgence, et, dans cette perspective, ont décidé d’une régression sociale sans précédent. Lorsque la soumission est ce que le politique attend du peuple, le parti socialiste peut s’attendre à de cinglantes défaites lors des prochaines élections. François Hollande a plombé la Gauche et il faudra du temps pour qu’une gauche alternative se construise. Elle se reconstruira en dehors de lui et de sa garde prétorienne. Il n’aura aucune place dans l’histoire de la gauche française si ce n’est celle de social-traître.

    Aujourd’hui, avait lieu la énième manifestation contre la loi Travail. A Paris, le seuil de la pollution bat encore les records avec le déluge de gaz déversé par les forces de l’ordre. On se dit que cela illustre bien le fait que Manuel Valls et François Hollande fabriquent des usines à gaz pour enfumer tout le monde.  D’aucuns se demandent si cela a encore un sens, alors que les casseurs ont pris pour cibles la police, des vitrines de magasins et de banques. Cela a-t-il encore un sens alors que la loi sera bientôt définitivement non votée par un deuxième recours à l’article 49.3 ? Le coup de force de l’autisme politique est programmé. La grève générale n’est-elle pas la seule arme sociale  plus efficace que les manifestations ? Des blocages ont été annoncés dans les ports, les aéroports et les gares. Manuel Valls a déjà averti qu’il enverrait les forces de l’ordre pour y mettre fin. N’est-ce pas encore une intimidation qui pousse au recours à la violence, celles et ceux qui n’y ont pas encore adhéré ? Nul ne peut dire où mènera la fuite en avant du pouvoir en place, si ce n’est que la fin de quinquennat sera encore plus désastreuse que les quatre années passées.

    Finalement la police, le gouvernement, la presse et les casseurs auront annihilé l’action de milliers de manifestants ? La cible de toutes ces violences est l’action syndicale. La police a laissé faire les casseurs dans un premier temps et les casseurs servent maintenant à diaboliser les manifestations, tout en occupant l’actualité. Cela n’a pas démoralisé les manifestants mais a minimisé leur action en occultant les revendications. Toutefois perdre une bataille, ce n’est pas perdre la guerre déclenchée par Hollande et Valls. Au train où va la régression sociale et, avec les projets politiques de la droite, le mécontentement devrait s’amplifier. Les menaces terroristes et la collaboration des dirigeants de la CFDT ne suffiront pas à maintenir la paix sociale. Ce n’est plus une guerre de tranchée mais une reconquête des acquis sociaux qui s’annonce, même si Hollande et Valls essaient de se persuader du contraire.

    Fucone

     

     

    Google Bookmarks

  • Commentaires

    1
    Vendredi 20 Mai 2016 à 22:32

    Mélenchon fustige les casseurs, «au service de nos adversaires»

    Loi travail.

     Jean-Luc Mélenchon a une nouvelle fois condamné les casseurs qui sont «au service de nos adversaires».

    «Il n'y a pas besoin d'être un aigle pour comprendre que le fait de démolir toutes les vitrines dans une rue et de frapper un policier ne sert en aucun cas la cause que nous défendons (...) Cela produit des centaines d'images qui sont un régal pour le parti dit de l'ordre, qui peut à longueur de journée montrer un acte aussi déplorable qu'avoir incendié une voiture en menaçant les policiers qui étaient dedans de les assassiner», a déclaré Mélenchon, invité de l'institut de sondage BVA.

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :