• La mort de la SNCM est-elle programmée?

    La mort lente de la SNCM a suivi son cours, celui de la justice européenne et de l’absence de volonté politique à la sauver.  Pas de bonne surprise en vue ! Le dépôt de bilan est annoncé par le PDG de l’actionnaire Transdev…

     

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    C'est le principal actionnaire de la SNCM qui l'assigne en paiement. Cela paraît inédit! Curieusement, Monsieur Jean-Marc Janaillac prétend que Transdev demande à la SNCM le remboursement de 100 millions, sachant que cette dette ne sera pas honorée. Ce serait pour sauver la compagnie maritime par un dépôt de bilan qui donnera lieu à l’ouverture par le Tribunal de commerce de la procédure collective, en premier lieu le redressement judiciaire avec nomination d’un administrateur judiciaire qui prendra en main la destinée de l’entreprise. Malheureusement, après la période dite de redressement judiciaire et de recherche d’un repreneur, viendra le temps de la liquidation judiciaire, c’est-à-dire du total démantèlement de l’entreprise. Transdev est toujours présenté comme l’actionnaire principal de la SNCM avec 66% du capital. Pourtant L’Etat, à travers la caisse des dépôts et consignations, détient la moitié du capital de Transdev et une participation directe dans celui de la SNCM, ce qui en fait le véritable principal actionnaire, sans en être le gestionnaire. L’Etat avait donc la capacité juridique de jouer le premier rôle dans l’avenir de la SNCM et de s’opposer à son associé dans Transdev, c’est-à-dire le groupe Véolia.  

    La Cour de Justice de l’Union Européenne  a estimé que les conditions financières de la privatisation de la SNCM en 2006 et les aides publiques étaient  illégales. Malgré les interrogations que posent cette décision qui date du 4 septembre dernier, Transdev/Véolia vient de décider de donner le coup de grâce en réclamant le paiement des 100 millions d’avances faites à la compagnie. C’est donc l’actionnaire Transdev qui met la SNCM en état de cessation de paiement et décide donc le dépôt de bilan. La filiale de Véolia profite du jugement rendu par la Cour européenne qui pourtant, a remis dans l’actualité les conditions de la privatisation décidée par  Chirac et de Villepin. Par voie de conséquence, la question juridique se pose donc  sur l’exigibilité faite à la SNCM de rembourser les aides de l’Etat, c’est-à-dire 440 millions d’euros. En 2006, la privatisation de la SNCM s’est faite à la hussarde et a handicapé son avenir. Il faut rappeler le passage rapide au capital du fonds d’investissement Butler qui a revendu sa participation à la filiale Transdev de Véolia, holding dirigée par Henri Proglio, patron proche de Jacques Chirac et de l’UMP.

    Fin 2008, Butler liquide sa participation (38 %) dans la compagnie maritime qui, toujours soutenue par des belles subventions versées par la collectivité corse, se redresse un peu après avoir affiché environ 20 millions d’euros de passif un an plus tôt. C’est le groupe para public Veolia qui passe à la caisse soulageant ainsi le bilan financier 2008 du fonds de capital à risque dont le gestionnaire est un proche de Dominique de Villepin. Le prix de la transaction est tenu secret.

    C’est ce même fonds de placement BUTLER qui, en 2009, a eu un bon coup de pouce de l’Etat lorsque la SNCF a racheté un tiers d’un groupe de transport routier Giraud qui devait perdre beaucoup d’argent et dont Butler avait pris le contrôle en 2005. Cet autre exemple montre le rôle néfaste d’un fonds de placement dans la gestion de compagnies nationales et des fonds publics.

    Il serait intéressant de revenir sur les conditions dans lesquelles Butler  est entré au capital de la SNCM et dans quelles conditions Veolia en a pris le contrôle pour ensuite chercher à s’en débarrasser, Henri Proglio parti pour d’autres fonctions.

    On ne peut pas parler des difficultés actuelles de la SNCM sans revenir à la désastreuse privatisation menée à la hussarde en 2005 sous le haut patronage de Dominique de VILLEPIN. Un gigantesque gâchis aujourd’hui et à l’origine un scandale d’Etat. L’offre de la COMEX, une entrée progressive au capital accompagnée d’un apport de 75 millions d’euros, a été écartée au profit de celle de M. Butler, cet énarque de la même promotion que l’ex-premier ministre de Chirac. Ce Franco-brésilien dirigeait un fonds de pensions qui apportait 40 millions de moins en exigeant 10 millions de plus de l’Etat. Il a fait faire à son fonds de placement une affaire rentable à court terme grâce à l’entrée de Veolia sous la houlette de son PDG de l’époque à qui on aurait forcé la main, tout en faisant participer la Caisse de dépôts et consignations au capital de Transdev, société repreneuse et filiale de Véolia. L’Etat a donc participé directement et indirectement au rachat de la participation de Butler. Une responsabilité que l’Etat a du mal à assumer pendant que Dominique de Villepin joue maintenant l’avocat d’affaires avec, pour clients, des fonds de placement. Il fait le même métier que son ami franco-brésilien Butler. Tout cela a été dénoncé par des journalistes indépendants comme Alain Verdi sur son blog « Pericoloso sporgersi » ou Enrico Porsia sur le site Bakchich.

    Tout cela soulève une série de questions sur les responsabilités de l’État actionnaire de la SNCM et de Transdev. On peut s’interroger aussi que l’action de Véolia, holding associée à l’Etat dans Transdev, depuis le départ de son ancien PDG Henri Proglio et sur celle de ce dernier lors de la reprise de la participation Butler.

    Peu de journaux s’en sont préoccupés de cette privatisation sujette à caution et du rôle que l’Etat chiraquien a joue. La presse libérale a préféré montrer du doigt les grèves et la CGT. Comme si les grèves avaient pour seul objet de nuire à l’économie insulaire et de priver les Corses et les touristes de transport maritime. Il ne faut pas s’étonner si les grèves se sont multipliées et si elles n’auront eu pour effet que de reculer le démantèlement souhaité par la concurrence aidée par des calculs politiques. SNCM se voit reprocher des subventions alors que sa concurrente Corsica ferries a bénéficié de certaines subventions liées au nombre de ses passagers sans jamais fournir de documents comptables et sans faire l’objet du moindre contrôle. Par ailleurs cette compagnie italienne affrète des bateaux qui sont la propriété d’une holding basée en Suisse, bat pavillon étranger, ne paie aucun impôt en France. Elle utilise des salariés qui ne bénéficient pas du code du travail français, sont surexploités et moins payés. Parmi ses salariés, il y a peu de Corses qui sont en général employés sur le sol français et non sur les bateaux. Par contre la Corsica ferries pratique le lobbying. Par exemple, en Corse, elle fait partie des sponsors du club de foot de Bastia et elle a participé à la création d’un journal « 24ore » qui a cessé de paraître.

    Revenons à l’avenir de la SNCM ! Des solutions avaient été trouvées et un accord avait été signé. Les syndicats avaient accepté des suppressions d’emplois. Des bateaux devaient être commandés aux chantiers navals du Havre et leur assurer du travail. L’Etat et Veolia n’ont pas respecté cet accord qui est apparu comme une mascarade destinée à gagner du temps. Devant l’attitude ambigüe de l’Etat et de la direction de Transdev, les repreneurs se sont faits peu nombreux et certains ont fait des offres d’achat, avec de fortes réductions sociales et économiques. On peut aussi mettre en doute le bienfondé de certaines propositions faites par des repreneurs peu fiables.

    Mis à par le STC (Syndicat des Travailleurs Corses) qui milite pour une nouvelle compagnie corse, les syndicats ont toujours dénoncé les rôles joués par l’Etat et Transdev Veolia mais aussi par la commission européenne et la Compagnie italo-suisse concurrente Corsica ferries, sans être entendus. Ils ont toujours clamé qu’il existe des solutions juridiques et économiques. Ils n’ont jamais trouvé auprès de l’Etat UMP et PS la volonté politique de sortir la SNCM des difficultés dans lesquelles on l’a mise. La SNCM est devenu un enjeu politique local et national et le dépôt de bilan est l’aboutissement d’une mort programmée. Il y a aussi un enjeu financier qui est, pour les compagnies concurrentes (en premier lieu la Corsica ferries) de récupérer la délégation de service et ses subventions.   

    C’est le politique qui a privatisé l’entreprise dans des conditions très discutables. C’est toujours le politique qui interfère sur les décisions à venir, au niveau national comme en Corse.

    Nous verrons demain de quoi la continuité territoriale sera faite entre la Corse et le Continent. Le démantèlement de la SNCM ne peut aller dans le sens d’une amélioration mais renforcera la main mise de Corsica ferries sur le transport de passagers. Par ailleurs, il s’agit d’un désastre économique et humain qui va mettre au chômage plus de 2000 salariés auxquels s’ajouteront des licenciements chez les sous-traitants. La Corse en sera lourdement affectée mais aussi le Port autonome de Marseille. Il reste aussi une inconnue : les futurs tarifs de la Corsica ferries, transporteur maritime privé  mis en situation de quasi monopole.

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    Nous verrons si le capitaine de pédalo arrêtera de pédaler dans la semoule et dira quelque chose en faveur des emplois de la SNCM. Le responsable de la manœuvre politique, c’est son quartier-maître Manuel Valls, faisant fonction de  premier ministre. Dans le cas où il laisserait faire sans broncher,  on a envie de lui dire ce que Marcel Pagnol a fait dire à Marius dans la partie de cartes : « Il se peut que tu aimes la marine française... mais la marine française  te dit merde »... et en particulier les marins de la SNCM, mais aussi les personnels au sol, les sous-traitants et les Corses qui considèrent qu’elle fait partie de leur généalogie. Beaucoup de Corses y ont travaillé et y travaillent. Beaucoup de Corses en sont les usagers de père en fils et plus loin encore si l’on remonte à la compagnie générale transatlantique (Transat). La France est un grand pays maritime que l’on est en train de livrer aux compagnies low cost qui pratiquent le dumping social et le pavillon de complaisance.

    Malgré la façon avec laquelle une certaine presse met l’accent sur l’activité déficitaire de la SNCM, ce ne sont pas des déficits cumulés qui mettent la compagnie en cessation de paiement. La commission européenne veut obliger la SNCM à restituer 440 millions de subventions. Transdev Véolia lui réclame 100 millions d’avances sur trésorerie. Le dépôt de bilan, voulu et annoncé par Transdev/Véolia,  risque de déboucher, après une période de redressement judiciaire à la liquidation. Cela veut dire que les actifs de la compagnie maritime (donc les bateaux) seront vendus pour payer les dettes. Cela implique le licenciement de tous les salariés et de ceux des sous-traitants en cascade. Quel gâchis ! Le gouvernement a reconnu son échec à faire reculer le chômage. Ce n’est pas en traitant les dossiers comme il le fait avec la SNCM que l’on peut s’attendre à des réussites en matière d’emploi.

    Manca alternativa a soutenu les salariés de la SNCM et cet article n’est pas le premier consacré à cette mort programmée d’une compagnie maritime vitale pour la Corse et le Port autonome de Marseille.

    Manca alternativa organise une réunion, avec ses adhérents et ses sympathisants, demain 5 novembre 2014 à 18 H 30, Bistrot du Cours,  cours Napoléon à Ajaccio. Cette réunion abordera différents sujets dont  le dossier SNCM sur le thème : La Sncm. Va-t-on vers sa liquidation ? Les conséquences sociales et économiques pour la Corse.

    Matelone

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