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La tartufferie politique continue...
L’homme par qui un nouveau scandale arrive. Secrétaire d'État chargé des Affaires européennes du gouvernement Fillon en 2007, Jean-Pierre Jouyet a été président de l'Autorité des marchés financiers de 2008 à 2012. Il occupait ensuite les fonctions de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations et de président de la banque publique d'investissement (BPI) entre 2012 et 2014. Le 16 avril 2014, François Hollande le nomme secrétaire général de la Présidence de la République, en remplacement de Pierre-René Lemas. Sans revenir sur tout son parcours depuis le temps où il fut chef de cabinet de Roger Fauroux, ministre des finances entre 1988 et 1991, il a alterné postes administratifs et politiques. Brièvement président de Barclays France en 2005, il est ensuite nommé chef du Service de l'Inspection générale des finances, poste qu'il occupe jusqu'en 2007. C’est peut-être ce poste qui l’a rapproché de François Fillon puisque ce dernier lui a offert, en 2007, un poste de secrétaire d’Etat des affaires européennes auprès de Bernard Kouchner, Ministre des affaires étrangères et européennes.
Encore un énarque de la promotion Voltaire, celle de François Hollande, de Ségolène Royal, de Dominique de Villepin… Voltaire a écrit dans « Zadig ou la destinée » : Les hommes sont des insectes se dévorant les uns les autres sur un petit atome de boue. Ont-ils tout lu du philosophe des Lumières ?
Jean-Pierre Jouyet a aussi partagé la même chambrée que François Hollande et Michel Sapin à l’école d’officier de réserve à Coëtquidam. Si Bernard Kouchner a du mal à revenir dans le girond socialiste, Jean-Pierre Jouyet, opportuniste habitué des changements de postes, n’a pas perdu l’amitié de François Hollande qui l’a donc nommé Secrétaire général de l’Elysée.
Est-ce que les amis des amis de François Hollande sont aussi ses amis ? Jean-Pierre Jouyet est l’exemple de la porosité qui règne entre les partis politiques. Cette porosité est sans doute à l’origine des révélations faites dans le livre « Sarkozy m’a tuer » écrit par Gérard Davet et Fabrice Lhomme. Cet ouvrage concerne, entre autres anecdotes, les relations entre Jean-Pierre Jouyet et François Fillon.
Les affaires Sarkozy n’ont pas fini de faire des ricochets dans l’eau en provoquant des tempêtes collatérales, pendant que la justice semble une eau dormante dont on ne voit pas le fond. Le livre des deux journalistes du Monde montre aussi la promiscuité entre la presse et les politiciens ou leurs entourages. Les journalistes répercutent des conversations privés qu’ils ont eues et qui déclenchent des polémiques sans fin. Tout cela est propice à créer une atmosphère délétère dans la mesure où la justice est trop lente.
Les journalistes créent des affaires dans les affaires et on se demande si tout cela n’est pas orchestré pour faire perdre de vue les vraies affaires judiciaires en créant des bulles de savon médiatiques qui éclatent rapidement en ne libérant que de l’air. Ces bulles d’air permettent aux vrais mis en cause de respirer et les transforment en victimes. D’aucuns vont les dénoncer comme étant des boules puantes et parler de complot…
La nouvelle affaire Jouyet/Fillon/Sarkozy, de quoi s’agit-il ? Lors d’un repas amical, François Fillon aurait sollicité Jouyet pour que ce dernier demande à Hollande de faire activer un dossier judiciaire contre Sarkozy. Hollande aurait refusé d’intervenir. Jouyet se serait confié de cet épisode auprès des journalistes du Monde qui ont repris l’anecdote dans leur livre. La presse a bien entendu fait écho. Fillon et Jouyet ont d’abord démenti l’information. Les journalistes ont fait savoir qu’ils avaient un enregistrement de Jouyet qui est revenu sur ses dénégations pour admettre avoir parler avec Fillon de l’affaire Bigmalion. Fillon accuse les journalistes et Jouyet de mensonge. Il a dit son intention de déposer plainte pour diffamation. Du côté de l’UMP, nombreux considèrent que une telle démarche si elle était avérée impliquerait que Fillon se retire de la direction provisoire de leur mouvement.
Il est un fait : si Fillon a fait cette démarche, il ne l’a pas faite pour de bonnes raisons puisqu’il est candidat aux élections présidentielles de 2017 et l’élimination de Nicolas Sarkozy l’arrangerait. Par ailleurs, il considèrerait qu’un Président de la république peut instrumentaliser la justice et mépriserait l’indépendance des magistrats.
En ce qui concerne Jouyet, comment a-t-il pu se confier à des journalistes sur un sujet pareil sans arrière-pensée ? Avait-il le feu vert de Hollande pour balancer à la presse ? Est-ce un coup monté comme l’affirme Fillon ? Le moins que l’on puisse dire est que ce secrétaire général de l’Elysée n’est plus à sa place et qu’il doit être remercié. Il est peut-être temps qu’il prenne sa retraite et cela permettrait l’économie de ses rémunérations.
Et, dans tout cela, Nicolas Sarkozy (seul bénéficiaire de cette bulle médiatique) prendra, plus que jamais, un faux air de victime et la justice prendra encore plus son temps pour qu’on ne l’accuse pas d’acharnement et d’être instrumentalisée.
D’un côté, une version commence à circuler... Un déjeuner aurait bien été organisé entre Fillon, Jouyet et une tierce personne. Il aurait eu lieu six jours avant la garde à vue de Nicolas Sarkozy qui a fait grand bruit. A la même époque, la direction provisoire de l’UMP aurait contesté le remboursement par le parti d’une somme due à titre personnel par Sarkozy et liée à son dépassement de frais de campagne.
D’un autre côté, on cherche des témoins de moralité pour Jouyet et nous avons entendu Emmanuel Marcon dont personne n’ignore le rôle joué par Jouyet dans sa nomination ministérielle. Ne doutons pas que Jean-Pierre Jouyet aura l’appui de quelques ténors socialistes, quitte à le flinguer si ça tourne mal.
Les uns grossissent l'affaire et les autres la minimisent. Fillon crie au scandale et parle d'affaire d'Etat dont il serait la victime. Sarkozy y va fort dans la métaphore en parlant de "torrent de boue" pour y engloutir toutes les affaires judicaires dans lesquelles il est cité. Hollande se tait. Les seconds couteaux et les avocats montent au front. L'extrême-droite se frotte les mains.
Les deux journalistes, auteur du scoop, s'en lavent les mains. Gérard Davet et Fabrice Lhomme n’ont fait que leur métier sauf à démontrer le contraire… Il faudrait ouvrir une autre débat : celui du journalisme et se poser des questions. Malgré son professionnalisme, un journaliste peut-il être manipulé à son insu ? Est-ce que des journalistes participent volontairement ou involontairement à des campagnes médiatiques qui les dépassent ? La parole d’un journaliste vaut-elle plus qu’une procédure judiciaire et son aboutissement ? Les journalistes doivent-ils enquêter dans les coulisses du pouvoir et rapporter des informations sans preuve ? Le travail des journalistes favorise-t-il les poursuites pénales ou nuit-il aux procédures judiciaires et au travail des juges ? Le pouvoir de la presse est-il toujours un contre-pouvoir ? Autant de questions qui se posent à chaque bulle médiatique et il y en a d’autres pour un sujet aussi vaste que celui de la morale politique.
Il reste à savoir quelle attitude prendra François Hollande dans ce que la presse nommé le Jouyetgate et qui aurait dû rester un secret d’Etat. S’il confirme la version de son secrétaire général, c’est risqué d’être compromis lui-même dans cette affaire et de « riquiquiser » (pour reprendre un terme de Mélenchon) un peu plus la fonction présidentielle.
Il reste à vous dire notre sentiment. Pour reprendre une formule de Besancenot, l’avenir de Jean-Pierre Jouyet nous importe autant que celui de la star de la téléréalité qui vient d’être incarcérée pour tentative d’homicide sur son boyfriend. La campagne pour la présidence de l’UMP nous importe autant qu’une campagne publicitaire pour des couches-culottes. Seul l’avenir judiciaire de Nicolas Sarkozy nous intéresse encore dans la mesure où il pourrait permettre de le voir disparaître de la scène politique et médiatique. Quant à François Hollande, il peut se taire car il est devenu inaudible.
Les bulles médiatiques viennent polluer l’actualité sociale toujours renvoyée au second plan. Elles se succèdent à une cadence jamais atteinte auparavant, entre quelques atrocités domestiques devant les Assises et des campagnes d’intoxication mentale. La politique est une tartufferie dont la presse est devenue l’instrument de communication.
Fucone
Tags : Jouyet, Fillon, Hollande, Lhomme, Davet, Sarkozy, presse, information
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