• Le héros a besoin d'un ennemi

    De la fin de la guerre froide à Daesh

     

    La barbarie perpétrée à Paris dépasse notre entendement. Le choc des images, en boucles sur nos écrans, la peine d’un père, d’amis  ayant perdu un ou des proches ont mis le monde en émoi. Faut-il le rappeler ? Les victimes étaient de nationalités et de confessions religieuses différentes, car les barbares ont assassiné sans faire dedistinctions. Après le deuil, le temps du questionnement. Pourquoi et comment ces incultes et arriérés, qui prêchent pour le culte de la mort, ont pu répandre l’horreur au cœur de la Capitale ?

    Comment ce nouveau fascisme a pu voir le jour et se développer ? C’est comprendre qui devient difficile, car les germes d’un tel événement se situent dans cette zone de la planète que les géopoliticiens appellent « le foyer perturbateur »(1). Aujourd’hui cette zone intègre les pays tels que : la Libye, la Syrie, l’Irak, l’ensemble de la péninsule Arabique, le Liban, Israël, la Palestine, l’Afghanistan, le Pakistan, le Mali. Depuis la fin du  XXe siècle, certains de ces pays ont été le théâtre d’interventions militaires occidentales quelquefois masquées par la « nécessaire action humanitaire » et le secours aux populations, victimes de leur propre Etat.

    « Quand l’être humain n’a pas de valeur, c’est une étrange pratique que de vouloir le sauver à coups de bombes et/ou d’armes humanitaires. » David Sanchez Rubio (2).

    Le héros a besoin d’un ennemi

    L’année 1991 marque la fin de la guerre froide et la mainmise de l’administration Américaine sur l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord. Le monde devient unipolaire. Allait-il enfin connaître la paix ? Rien de cela, nombreux sont les conflits, mais pour le Pentagone, la priorité est de remplacer l’URSS et d’identifier un nouvel ennemi (3). Identifier un ennemi, c’est attribuer des budgets colossaux à des fins militaires. Le prétexte de l’invasion du Koweït par l’Irak et  la première Guerre du Golfe résolurent l’équation budgétaire.

    Mais le vainqueur de la guerre froide, qui devait instaurer un « nouvel ordre mondial » plus juste,  reste muet lorsqu’il s’agit de condamner les violations des droits humains des Palestiniens.  Dans le conflit majeur Israélo-Palestinien, les Etats-Unis prennent faits et causes pour Israël. Par ailleurs, l’embargo international, « Pétrole contre nourriture » (4) à l’encontre de l’IRAK, fait plus d’un million de morts,  mais épargne les dirigeants. Derrière le slogan du « zéro mort » ce sera l’hécatombe, les effets indirects de cette guerre feront, parmi les enfants de moins de 15 ans, 70 000 morts environ. Ces faits déclencheront un sentiment anti-occidental  dans le monde arabo-musulman et l’irruption d’un islamisme profondément antiaméricain.

    A la fin de l’opération « Tempête du désert », Saddam Hussein massacrera entre 30 000 et 60 000 personnes lors des soulèvements chiites et kurdes.

    En 1997, les néo-conservateurs et le complexe militaro-industriel élaborent le « projet pour un nouveau siècle américain » (5). Ils rédigent des rapports très critiques envers l’administration Clinton, jugent nécessaire et indispensable qu’un nouvel événement du calibre de Pearl Harbour doit se produire pour sortir l’Amérique de sa complaisance. Pour eux, l’Amérique doit jouer son rôle d’ hyper puissance et refaire le monde à son image. Dans un de ces rapports, l’ONU est présentée comme un « forum pour gauchistes, antisionistes et anti-impérialistes », auquel on devrait avoir recours, si et  seulement si l’organisation mondiale soutenait la politique de Washington. Clinton cède et signe le « Irak Liberation Act ». Ainsi, le renversement du dictateur irakien est gravé dans la loi américaine.

    La guerre du Bien contre le Mal de l’administration Bush fils

    Le Pearl Harbour, souhaité par les néo-conservateurs revenus au pouvoir, se produit le 11 septembre 2001. Mais dans certaines régions du monde et, en particulier dans les pays du sud, les populations n’ont pas manifesté de marques de sympathie à l’égard des États-Unis. En effet, pendant la guerre froide (1948-1989), sous couvert de lutte contre le communisme, les États-Unis exterminèrent des millions d’opposants de gauche, sans oublier les horreurs de la guerre du Vietnam (1962 -1975).

    Par ailleurs, les Etats-Unis n’ont pas toujours été contre le terrorisme (6), ils l’ont quelquefois instrumentalisé à des fins économiques et géopolitiques. Dans la nuit du 26 Avril 1978, l’Afghanistan (7) fait sa révolution de « Printemps » et met fin à un régime autoritaire, corrompu et sénile.  Avec l’appui des pays tels que l’Arabie Saoudite et le Pakistan, les États-Unis par le biais de la CIA créent des brigades islamistes (8) et recrutent parmi la population arabo-musulmane ce que les médias appellent « les combattants de la liberté ». Ce n’est plus un secret pour personne, c’est à cette époque que la CIA recrute et forme un certain Oussama Ben Laden. Le 23 février 1998, Oussama Ben Laden, réfugié en Afghanistan depuis 1996, exhorte les musulmans à « tuer les Américains et leurs alliés, y compris civils, où qu’ils se trouvent dans le monde ». 

    La riposte de George W. Bush est déclenchée le 7 octobre 2001. Ce jour-là, débute l’opération « Liberté immuable » en Afghanistan. L’objectif est de démanteler le réseau Al-Qaida et capturer « mort ou vif » Oussama Ben Laden.  

    Lorsque le 29 janvier 2002, George W. Bush accuse le régime irakien d’appartenir, avec l’Iran et la Corée du Nord, à « l’axe du Mal », le sort de l’Irak est déjà scellé. Pourtant, au début des années 1980, lors de la guerre irako-iranienne, la coopération irako-américaine est à son apogée. Elle débouche sur la fourniture d’armes chimiques que Saddam Hussein utilise pour gazer la population  et les soldats de la République islamique ainsi que les Kurdes d’Irak (9).

    Difficile de croire George W. Bush, lorsqu’il jure la main sur le cœur que l’un de ses principaux objectifs est de libérer le peuple irakien de la tyrannie et d’instaurer en Mésopotamie une démocratie.

    Mais pour faire la guerre, il faut que l’opinion publique y soit favorable. L’administration Bush va mettre en branle le rouleau compresseur médiatique de la manipulation des opinions et de la propagande à l’échelle mondiale. Des « preuves »  grossièrement fabriquées sont montrées à l’assemblée de l’ONU, accusant l’Irak de posséder des armes de destruction massive. Le 20 mars 2003, débute sans l’aval des Nations Unis l’opération « Liberté de l’Irak ».  La veille, la France se distingue et, par la voix de Dominique de Villepin, exprime à l’ONU son opposition à la guerre.

    Depuis mars 2003, la guerre en Irak a fait au moins 650 000 morts, un million d’exilés et autant de déplacés. Etait-ce une guerre pour s’accaparer le pétrole Irakien ? Oui, répondent les Historiens. En effet, des documents américains déclassifiés (10) récemment le prouvent.

    « Je déplore qu’il soit politiquement déplacé de reconnaître ce que tout le monde sait : l’un des grands enjeux de la guerre d’Irak était le pétrole de la région  » M. Alan Greenspan, directeur de la banque centrale américaine, de 1987 à 2006.

    Après la mort du tyran, débute une période d’attentats sanglants perpétrés par les opposants à l’occupant et par les milices confessionnelles. Le terrorisme profite d’une situation politique désastreuse et instable pour se développer. Le système politique en place, soutenu par l’administration Bush et reposant sur une répartition ethno-confessionnelle des postes à dominante Chiite, exclut la représentation religieuse séculaire sunnite. Parce qu’ils demandent un rééquilibrage du pouvoir, l’opposition sunnite est systématiquement accusée de terrorisme. Ils subissent des arrestations, des détentions arbitraires ainsi que des exactions. Les insurgés sunnites sont devenus des djihadistes sunnites opérant sous le nom d’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL, également connu sous son acronyme arabe, Daesh). (11)

    La guerre de Sarkozy

    En 2007, Mouammar Kadhafi séjourne à Paris, et plante sa tente Bédouine à deux pas des champs Elysée. Il est, à ce moment-là, fréquentable. Quatre ans plus tard, il est indésirable. Sous l’impulsion pressante de Nicolas Sarkozy, la résolution n° 1973 du conseil de sécurité de l’ONU légalise une intervention militaire contre le régime Libyen. Pourtant, le souffle du « printemps Arabe » commence à faire son œuvre en Libye. Le printemps Libyen attendra, car la priorité pour le président français est de «protéger la population» contre son ancien hôte. Le mandat de l’ONU est « contourné » et, se transforme en chasse au dictateur Libyen, avec fournitures d’armes notamment par la France et le Qatar (12) aux opposants au régime. Là aussi, le système médiatico-polititico militaire fait son travail de manipulation des opinions. Il faut six mois d’intervention, 20000 sorties et 6500 frappes aériennes pour éliminer le tyran. Mais dans quel état se trouve la Libye post-Kadhafi ? Jean Ping (13) témoigne « En Libye, comme nous l’avons prévu, le rêve européen a également tourné au désastre. Les appareils d’Etat ont imposés au profit des seigneurs de la guerre, des clans mafieux et des terroristes islamo-affairistes ; le pillage des stocks d’armes a transformé ce pays en un gigantesque arsenal à ciel ouvert ; les filières d’immigration clandestine se sont multipliées. Au point que la Libye est devenue, pour reprendre l’expression d’un ancien patron des renseignements français,’’ l’Afghanistan de proximité des Européens’’. »

    Vers la fin de l’ONU ?

    Avec ou sans mandat de l’ONU, lorsque une puissance occidentale décrète de partir en guerre, rien ne peut l’arrêter. Que faut-il voir dans la « mise à l’écart de l’ONU » ? Ses valeurs, issues de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948,  sont-elles en opposition aux diktats du FMI, de la BCE, de l’OMC et de l’Union Européenne ? Par l’ONU les puissances occidentales « légalisent » leurs interventions, et utilisent le bras armé, l’OTAN, pour les exécuter.

    Domination du « complexe militaro-industriel

    « Ventes d’armes : le grand boom des exportations françaises », c’est le titre d’un article de Pierre Alonzo (14). « ‘’Depuis la guerre en Libye en 2012, les Français peuvent faire des Power Point avec les performances du Rafale au combat’’, explique la chercheuse Lucie Béraud-Sudreau. C’est ce que d’autres appellent «combat proven». Rien de mieux qu’une bonne guerre pour vendre des armes. »

    Les prévisions de commande d’armement  pour 2015 sont un bon « millésime », elles s’élèvent à 15 milliards d’euros. La France fait partie des principaux pays vendeurs d’armes, elle est en passe de remplacer la Chine située actuellement à la troisième place. Entre le ministère de la Défense, l’Elysée et les industriels, c’est un vrai travail d’équipe. Des armes pour faire la guerre, la guerre pour vendre des armes.

    Comprendre, ce n’est pas pardonner, ce n’est pas justifier.

     

    Robert Armata

    Google Bookmarks

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :