• Le livret A, un piège ou une niche?

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    Le Journal Du Dimanche a révélé que le taux du livret A sera ramené de 2,25  à 1,75% le 1er février 2013 et ce coup porté au petits épargnants est expliqué par le niveau d’augmentation des prix. Si la Banque de France devait appliquer strictement la formule de rémunération, ajoute-t-on, le taux devrait être baissé à 1,5%. On note que, après avoir relevé le plafond des dépôts à 22.950 € avec le taux de 2,25%, cette baisse apparaît comme la suite d’un piège financier pour les petits épargnants. La rémunération de 2,25% couvrait à peine l’inflation en 2012. Un taux d’inflation à 1,7 apparaît comme illusoire. Même si c’est le mandat de la BCE de limiter la hausse des prix sur le moyen terme sous les 2%, les experts les plus optimistes la situe au dessus de 2% et les plus pessimistes bien plus élevée.

    Le seul intérêt du livret A résidera donc dans son plafond relevé et la défiscalisation du capital déposé dont les bénéficiaires restent les épargnants les plus fortunés. En ouvrant des livrets aux noms de leurs enfants, parents et grands-parents, ils  pourront ainsi profiter de la défiscalisation des revenus de cette épargne et écarter une partie de leur capital de l’ISF. Pour les épargnants modestes, il s’agit là encore d’un engagement gouvernemental non tenu de taxer le capital. Si le relèvement du plafond a suscité une explosion des dépôts avec une augmentation globale de 2,4 milliards d’euros relevée en novembre 2012, on note que celle du Livret de développement durable est de 2,82 milliards d’euros. Il serait intéressant de savoir ce qui motivera les dépôts après la baisse de la rémunération des livrets A et la hausse du plafond déposé?

    Le livret A (anciennement livret d'épargne, ou livret série A) est créé le 23 mai 1818 concomitamment à la Caisse d'épargne de Paris, à l'initiative de Benjamin Delessert, qui fut industriel et banquier. La présidence de cette nouvelle institution sera rapidement confiée au duc François Alexandre Frédéric de La Rochefoucauld-Liancourt. Les motivations de sa création par Louis XVIII étaient de solder la crise financière léguée par les guerres napoléoniennes.

    Le livret A est le compte d'épargne réglementé et défiscalisé français le plus utilisé. Depuis le 1er janvier 2009, toutes les banques peuvent distribuer le livret A, faisant perdre l'exclusivité de distribution aux opérateurs historiques que sont La Banque postale, la Caisse d'épargne et le Crédit mutuel (livret bleu). Les banques en ont profité pour orienter leurs clients vers les assurances car leur attrait pour le livret A n’avait pour raison que de casser un monopole et de porter un coup sérieux à des organismes bancaires non totalement privatisés.

    Depuis le 1erJanvier 2013, le plafond a donc été porté à 22.950 €. Les intérêts sont exonérés de tout impôt et charges sociales. Il existe des plafonds plus élevés : le plafond des dépôts pour les sociétés mutualistes et les institutions de coopération, de bienfaisance et autres sociétés de même nature est de 76 500 € et le plafond des dépôts pour les organismes d'habitations à loyer modéré et de crédit immobilier et illimité.

    Le livret A est-il devenu un piège pour les petits épargnants ou une niche de plus pour les plus riches? Le placement reste réputé sûr même si la preuve serait faite de sa vulnérabilité avec ses résultats de 2011 : une perte d’exploitation de 600 millions d’euros. Et en 2008, la perte d’exploitation avait même été de 1,65 milliard d’euros, selon un article de Challenges paru le 9 octobre dernier.

    La grande confiance que les Français accordent au Livret A tient au support de l’Etat. Le Fonds de garantie des dépôts est géré par l’Etat, et a en charge le remboursement des clients en cas de carence de leur banque. Pourtant, en cas de faillite des banques, le Fonds de garantie des dépôts ne pourrait assurer qu’un dédommagement symbolique.

    La baisse du taux d’intérêt à  1,75% ne le laisse attractif que par sa défiscalisation et son utilisation comme niche fiscale de l’ISF. Il reste donc un placement intéressant pour les capitaux et devient à nouveau un placement dérisoire pour les petits épargnants. Pendant que les riches s’en servent de niche fiscale et font des placements plus lucratifs sur des valeurs comme l’or et l’immobilier, les petites économies n’échapperont pas à l’inflation.

    Hollande et son gouvernement claironnent qu’ils ont pris des dispositions fiscales pour taxer le capital à la hauteur des salaires, pour faire contribuer les riches plus que les pauvres. Régulièrement, nous nous apercevons que, derrière la parole, les actes sont discutables et que la politique menée est plus proche d’un pragmatisme droitier que d’une politique de gauche. Une politique réaliste nous dit-on. Pendant que des concessions sont faites au capital, on  inflige un nouveau coup aux petits épargnants, c’est-à-dire aux revenus modestes.

    Nous aimerions faire l’expérience d’une vraie politique de gauche plutôt qu’être soumis au réalisme financier de ce socialisme libéral si proche de celui de la Droite ultralibérale. Il nous semblait que la dernière élection présidentielle était la manifestation démocratique de notre souhait partagé avec la majorité des électeurs. Il ne s’agit pas d’enrober la même politique dans un langage plus social mais de pratiquer une politique sociale dans les actes.

    En jouant avec le  livret A, François Hollande risque d’agacer une fois de plus son électorat. Il ne faudrait pas que ce soit toujours les mêmes à qui l’on casse les noisettes. Enlever à l’écureuil sa queue en panache, il n’est plus qu’un rat à quatre pattes. Il paraît que cet animal cache tellement bien ses noisettes qu’il n’arrive plus à les retrouver. Peut-être qu’Hollande a trop bien caché son programme, qu’il ne le retrouve plus? Il devrait cependant savoir que, lorsque la martre Le Pen  est prête à mettre bas, elle grimpe au nid de l'écureuil, l'en chasse, en élargit l'ouverture, s'en empare et y fait ses petits.

    Rompiscàtule.

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