• Les para-diastoles des paléo-libéraux pseudo-modernes

    A l’Internationale chantée par les peuples de gauche, les classes dominantes opposent les bienfaits de la mondialisation et du néo-colonialisme. Les mots « socialisme » et « communisme » sont diabolisés en caricatures staliniennes ou maoïstes pour être rejetés dans les poubelles de l’Histoire et laisser la place à la droite « moderne, pragmatique et réaliste » chaque jour plus proche de l’extrême-droite dont on tente de faire oublier la filiation et la constance dans la xénophobie et le racisme. 

    La gauche dite « radicale » ou pire « extrême » est stigmatisée comme archaïque et, lorsque ce n’est pas le cas, paradoxalement comme utopique, mais toujours dangereuse. Le député de « droite forte » Eric Ciotti vient d’interpeller, de sa voix nasillarde,  Manuel Valls au Parlement en ces termes : « Ne laissez pas ceux qui, dans votre gouvernement, sont prisonniers d'une idéologie d’extrême gauche post soixante-huitarde détruire ce qui est la force de notre système scolaire », lui qui est si proche de l’idéologie d’extrême-droite. Il demande la dissolution des groupes violents prétendus d’extrême-gauche mais n’a jamais dénoncé les groupuscules fascisants de l’extrême-droite.

    Les para-diasyoles des paléo-libéraux pseudo-modernes

     

    Les para-diastoles des paléo-libéraux pseudo-modernes

    Tous les discours politiques d’une classe dominante de droite ou « ni droite ni gauche » ont pour but de nous soumettre à l’ordre libéral en laissant croire que la gauche n’a plus rien à proposer lorsqu’elle n’a plus de relais médiatique dans une presse entre les mains d’une caste.

    La loi El Khomri illustre de quelle manière François Hollande et Manuel Valls (pour qui le socialisme est archaïque)  défendent ce qu’ils appellent l’exception du modèle social français. Ils ont engendré Emmanuel Macron sur la scène politique après l’avoir couvé dans les arcanes de l’Elysée. Comme le dit le bon sens populaire : « garde-moi de mes amis, je m’occupe de mes ennemis ». C’est valable pour la Gauche.

    La soumission à la violence économique est-elle modernité ? Vouloir garder la maîtrise de son existence est-ce une attitude archaïque ? Chacun sait que la soumission peut mener de la précarité à l’esclavage, de la démocratie à la dictature. Au siège de Sanofi, chaque employé est géo-localisé. Il porte déjà avec lui une chaîne virtuelle. Jusqu’où iront  ces  Bigs Brothers ? Est-ce que nous finirons tous avec un bracelet géolocalisable ?

    La répression monte en intensité contre la jeunesse. Les jeunes casseurs sont-ils des délinquants ordinaires ? Pas tous ! Le parisien en a rencontré un, fils de pharmaciens et master en poche. Il explique son choix de la violence de rue : « Il faut en passer par là. C'est un entraînement à défier cet Etat répressif qui criminalise les syndicalistes, jette à la rue les ouvriers, les employés et les cadres. Le combat ne fait que commencer. Les jeunes comme moi sont condamnés aux petits boulots à répétition. Il faut un idéal pour vraiment vivre » et il ajoute : « La vie qu'on veut nous promettre n'est pas notre destin. La lutte est la seule solution pour que le peuple décide enfin… Nos parents ont trop tardé à agir. Il est temps de reprendre le flambeau... ». Est-il archaïque et conservateur ? Sa violence est-elle ordinaire ? Elle est politique là où d’autres vont jusqu’à la barbarie dans le radicalisme religieux.  Décrit-il un présent offert par un Président de la république dont la jeunesse était la priorité ? Quel avenir lui promet le libéralisme économique en dehors de l’austérité et de la précarité ? Quelle réponse immédiate apportent Hollande et Valls à cette jeunesse qui choisit la violence et refusent l’enfumage autour de la loi El Khomri ? La répression comme un aveu d’abandon, malgré quelques sucettes distribuées tardivement par Manuel Valls aux étudiants.

    Les para-diasyoles des paléo-libéraux pseudo-modernesLe discours reste le même. On concerte  pour  diviser  les syndicats par quelques mesures non financées. On table sur l’essoufflement de la contestation. L’essentiel de la loi El Khomri est préservé : un mauvais coup contre la sécurité de l’emploi et le temps du travail. Une partie de la droite et du PS votera la loi sous la pression du Medef. Si le projet de loi Travail n’est pas de nouveau modifié à l’Assemblée nationale, Pierre Gattaz demandera « la suspension des négociations d’assurance-chômage ». Il veut un retour au projet initial dont il est l’inspirateur.  Il alterne  les faux engagements pour l’emploi et le chantage au chômage. Il va jusqu’à donner un ultimatum au gouvernement. Le patron des patrons réclame le retrait du compte personnel d’activité (CPA), de la surtaxation des CDD et du mandatement pour les petites entreprises sans représentation du personnel, qui devront négocier avec des salariés mandatés par un syndicat contrairement au projet initial. Les députés de la commission des Affaires sociales ont terminé le 8 avril l’examen du projet de loi El Khomri. L’examen du texte en séance débute le 3 mai et pourrait durer jusqu’au 12 mai. Le président du Medef a prévenu qu’un conseil exécutif du Medef aurait lieu le lundi 9 mai.

    La presse a voulu voir dans le  mouvement la Nuit Debout un forum ni droite ni gauche. Elle est déçue de sa politisation et le travail de diabolisation a commencé. Le « ni droite ni gauche » est un concept politique qui arrange la classe politique et ses donneurs d’ordre. En validant la rhétorique du MEDEF, le gouvernement suscite la surenchère patronale. Résultat: Pierre Gattaz jette son engagement mensonger "1 million d'emplois" à la poubelle et prend la France en otage en lançant un ultimatum. Pierre Gattaz se présente souvent comme le défenseur des PME et des TPE qui ne lui ont rien demandé et dont les représentations syndicales réclament le retrait pur et simple de la loi. En effet trois organisations patronales - l'UNAPL, l'UPA et l'UDES - lancent une campagne pour demander le retrait de la loi El Khomri. Ils lui reprochent de modifier les règles de la représentativité patronale, en privilégiant les grands groupes au détriment des TPE-PME. Cela montre la paternité du Medef en ce qui concerne la première mouture de la loi dite El Khomri.

    Nous avons retrouvé le soutien apporté par des économistes à  François Hollande en 2012. L’un d’eux, Thomas Piketty écrit aujourd’hui : "Le succès remporté aujourd’hui par Sanders montre qu’une bonne partie de l’Amérique est lassée de la montée des inégalités et de ces pseudo-alternances, et entend renouer avec l’agenda progressiste et la tradition égalitaire américaine" (13/02/2016, article du Monde « Le choc Sanders »). Les Américains évolueraient-ils à rebrousse-poil des socio-libéraux français ? Il parle du « lénifiant discours méritocratique tenu par les gagnants du système ».  Tiens, ça rappelle des trucs chez nous ! Il constate que « Le sénateur du Vermont devance désormais Hillary Clinton parmi l’ensemble des sympathisants démocrates de moins de 50 ans, et seuls les seniors permettent à Hillary de maintenir l’avantage ». Le socialisme est-il aussi archaïque que le disent les jeunes vieux Valls et Macron ?

    Thomas Piketty, auteur d’un best seller traduit en plusieurs langues dans le monde,  a les yeux rivés sur les USA comme champ d’expérimentation et, pour lui, le succès relatif de Sanders est un choc. Il y voit la fin d’un cycle et une évolution possible : « Face à la machine Clinton et au conservatisme des grands médias, Bernie ne gagnera peut-être pas la primaire. Mais la preuve est faite qu’un autre Sanders, sans doute plus jeune et moins blanc, pourrait un jour prochain gagner la présidentielle américaine et changer le visage du pays. Par bien des aspects, on assiste à la fin du cycle politico-idéologique ouvert par la victoire de Ronald Reagan aux élections de novembre 1980 ». Ancien proche du Parti socialiste, l’économiste  n’a pas été tendre par la suite avec le gouvernement au moment de refuser la Légion d’honneur. Le dernier rebondissement d’une histoire tumultueuse. Thomas Piketty qui prône une taxation des revenus du capital au niveau international avait été en 2012 l'artisan de la grande réforme fiscale que le président François Hollande avait promis de réaliser à son arrivée à l'Elysée mais qu'il a abandonnée depuis. Il a de quoi être déçu après avoir auparavant conseiller Ségolène Royal lors de la précédente campagne électorale.  Il n’a pas réussi à les convaincre de réduire les inégalités par la fiscalité.

    En France des économistes hétérodoxes se sont montrés plus clairvoyants que lui en ce qui concerne François Hollande et son ex-compagne. Frédéric London en fait partie au sein du groupe « Economistes atterrés ».

    Des entretiens entre Gilles Balbastre et Frédéric Lordon apparaissent comme une analyse de l’usage du discours orthodoxe des économistes libéraux repris de façon médiocre et cynique par les politiciens et les médias. C’est sur le blog « Nada-info.fr » du Monde diplomatique. Il s’agit d’une série de deux entretiens sur les inégalités sociales et sur le libéralisme économique.

    La deuxième partie des entretiens est très intéressante car elle décortique le discours et le vocabulaire du néolibéralisme. L’usage de certains mots montre l’indigence d’un discours paléolibéral qui se pare de la plume de la modernité après trois décennies d’échec. Attention à l'addiction provoquée par les discours indigents des néo-modernes ! De la flexibilité, ils passent à la souplesse pour proposer l'agilité. Ils vont finir par nous faire grimper aux arbres et manger des bananes. Ne les singeons pas ! Ce libéralisme est aujourd’hui incarné par ses chantres de la droite et du parti socialiste qui de social-démocrate est passé à social-libéral avec une nouvelle figure médiatisée : Emmanuel Macron. Ce dernier, chevalier venu d’une autre planète selon son épouse dans Paris-Match, est le spécialiste des para-diastoles dont il a dû comprendre le sens lorsque son épouse était sa prof de français et dont il a compris toute la rouerie en passant par l’Ena et la banque Rothschild. Dans les études bibliques, paradiastole est parfois un type de l’anaphore (la répétition d'un mot au début des phrases successives  est cette figure de style que François Hollande affectionne). La paradiastole utilise alors quelques mots (soit, ou, ni, pas…) comme disjonctions.  Une disjonction diffère d'une conjonction car elle sépare les choses, alors que la conjonction se joint à eux. C’est ainsi qu’Emmanuel Macron se dit porteur d’un discours ni de droite, ni du centre, ni de gauche en pensant avoir trouvé un créneau apolitique qui serait une alternative. Alors nous avons relu Voltaire lorsqu’il écrit : « Cette agglomération qui a été appelée et qui se dit encore le Saint Empire romain était ni saint, ni romain, ni… un empire ». L’agglomération apolitique qui a été appelée « un discours ni de droite ni de gauche » est un enfumage, un faux discours, une négation de l’engagement politique qui ne masquera pas son ultralibéralisme réactionnaire de droite. Il n’est pas une alternative. Macron est un homme de droite qui a fait carrière grâce à des parrains socio-libéraux incrustés dans le parti socialiste. Il représente la droite en quête d’un lifting de surface, d’une fausse jeunesse.

    Frédéric Lordon estime que, trop souvent répété, le mot « moderne » est un indice qui permet d’identifier des spécimens de crétins bien dodus. Leur modernisme consiste à proposer des choses plus vues depuis cent ans et de faire du capitalisme d’avant les années 1940 une idéologie moderne. D’aucuns iraient jusqu’à revenir au travail des enfants. Nous ne sommes pas loin de cela avec un président du Medef qui veut plus d’apprentis et moins de bacheliers. La suppression des syndicats les arrangeraient tous. Ils voudraient sans doute les remplacer par des clubs de supporteurs pour l’équipe dirigeante.

    Le discours des néolibéraux utilise les para-diastoles, c’est-à-dire qu’ils donnent à des mots des significations qui sont leur contraire comme modernité et conservatisme. Ils recadrent leurs vices en vertus. Ils pratiquent l’inversion du sens et, par exemple, une contre-réforme devient une réforme. Les néolibéraux se posent en modernes, pragmatiques et réalistes, rejetant les gens de gauche (hors PS) et les syndicats opposés à la déréglementation du code de travail dans la catégorie « archaïques, irréalistes et radicaux » avant d’en faire des terroristes.

    Ce discours est relayé par les chiens de garde d’une presse aux mains de la classe dominante. Ces journalistes propagandistes ont pour mission d’habituer le peuple à ce discours qui a une extraordinaire constance dans tous les grands médias et dans la bouche de la classe politique jusque chez les socio-libéraux comme Hollande et Valls.

    Les para-diasyoles des paléo-libéraux pseudo-modernesPar la bêtise des arguments sans cesse réitérés par les éditocrates autorisés de la presse,  les donneurs d’ordre  parviennent à rendre en apparence cohérents les reculs sociaux. Ces fourbes font passer ces reculs pour des adaptations "logiques" ou "pragmatiques", voire "modernes", à un environnement qu’ils ont choisi de bâtir, la Mondialisation. Le pire étant l’arrogance avec laquelle ils nous somment de nous soumettre à ce piège qu’ils ont tendu.  Duhamel, Joffrin, Elkabach et d’autres jouent chacun le rôle d’homme de mots, le benêt d’une escroquerie médiatique. On se demande parfois, néanmoins, quelle serait leur réaction si un jour il leur était expliqué qu’en fin de compte, l’esclavage constituerait un système "très flexible" permettant efficacement de "lutter contre le chômage". Ils seraient foutus de rétorquer le plus sérieusement du monde qu’en effet, "l’esclavage, c’est moderne". Ce sont tous des tacticiens comme le sont les élus du N. Ces derniers voient que la laïcité et la République sont des mots porteurs, donc ils les utilisent. « Mais ce discours ne les engage à rien. Quelque part, ils sont aussi absolutistes dans l'identité que les islamistes. Le rêve de ces derniers est un monde immanent et figé. C'est pareil pour le FN, qui a une vision d'une France presque mythifiée, figée dans ses représentations. Pour moi, l'un comme l'autre pue la mort » dit Céline Pina, auteure de « Silence coupable » dans une interview chez le journal Marianne.

    Des Duhamel ou des Joffrin se font les promoteurs agressifs d’une "flexibilisation" dont ils sont bien à l’abri dans une France qu’ils veulent figée dans les privilèges, sans songer qu’un marché du travail totalement flexibilisé, c’est à dire précarisé, serait la ruine du système financier largement fondé sur le crédit aux ménages. Des salariés flexibilisés deviendraient assez vite des emprunteurs de piètre qualité, et l’atrophie du système financier ne pourrait qu’en résulter. Les chantres du néolibéralisme et de la classe dominante agissent-ils rationnellement et intelligemment ou bien ne sont-ils que des tigres de papier, des êtres sans épaisseurs qui suent la médiocrité ? Sont-ils prêts à scier la branche sur laquelle ils sont assis ? C’est un fait que, à travers les médias, ils imposent leur mantra imperturbablement. L’extrait de Duhamel, exemple emblématique  proposé par Balbastre dans l’entretien avec Lordon, est significatif d’un discours indigent dans la bouche d’un vieux chien de garde qui, lorsqu’il était un jeune vieux, disait déjà la même chose sous Pompidou.

    La machine médiatique tourne à fond lors de chaque projet de recul social. Les vieux chiens de garde réapparaissent et des jeunes vieux viennent les épauler avec leur apparente jeunesse. Certains ont des noms à particule, d’autres pas. Toutes et tous sont BCBG, de bons petits toutous obéissants. Les termes d’immobilisme et modernisme sont  inlassablement repris par les uns et les autres. Les conservateurs ne sont plus les réacs de droite mais sont stigmatisés à gauche comme une minorité archaïque. On a pu entendre Manuel Valls dire que sa politique est celle que les Français attendent, qu’il ne cédera pas aux conservatismes. Ce n’est pas la droite qu’il stigmatise, ce sont les syndicats et les partis de la gauche devenue radicale et extrême. Le premier ministre avait même pour ambition de supprimer le terme « socialiste » du parti qui l’a reçu. Il s’est fait doubler, un an avant les présidentielles, par Emmanuel Macron qui a créé son mouvement « En Marche » ni gauche ni droite, donc tout droit vers l’ultralibéralisme. « Le ni-ni est fashion », dirait Jean-Claude Van Damne. L’épouse du Ministre de l’économie a déclaré à une journaliste de Paris Match que ce dernier est un chevalier venu d’une autre planète. Nul n’ignore qu’il est passé par la planète ENA et celle de la Finance puisqu’il a été embauché puis débauché (ou vice versa) par la banque Rothschild. Ce cursus en dit long sur le personnage. Si on devait lui inventer une vie intergalactique, nous dirions que « Macron » rime avec « Pluton », cette planète naine considérée comme un objet transneptunien. En se souvenant que Neptune est le dieu des Océans, il nous vient à l’esprit une image de capitaine de pédalo.   

    Alors que François Hollande avait promis le changement, ce mot est devenu synonyme de « continuité » et nous entendons toujours le même discours stéréotypé depuis trente ans. Si l’on utilisait un analyseur des discours de la droite et des socio-libéraux du PS, nous obtiendrions un même champ lexical qui pourrait être adapté à chaque pays du capitalisme mondialisé.

    Les mots ne seraient rien sans nous. Ils ne doivent pas nous intimider. Il faut les soupeser, jouer avec eux pour en sourire lorsque d'autres s'en servent dans un discours qui, analysé, est indigent. Il suffit parfois de les retourner contre le locuteur pour le confondre.

    Ce qui frappe c’est cette indigence du discours habillé par des mots détournés. Pour Frédéric Lordon, la propagande néolibérale est fanatique au sens premier du terme. Il parle même de stalinisme libéral qui,  comme Staline, stigmatise des sabotages pour justifier des échecs. L’échec du libéralisme, c’est la sécurité de l’emploi, les syndicats, les fonctionnaires, les tabous de la gauche…Autant de saboteurs de la compétitivité et de la création d’emplois.  Ces paléolibéraux iront jusqu’à réduire les salariés jusqu’au dernier degré de la précarité pendant encore trente ans d’échec idéologique.

    Tous ces fanatiques ultralibéraux et leurs convertis veulent nous habituer à être des loosers. Il faut se convaincre qu’ils ont bêtes à manger du foin et retrouver le sens de la lutte sociale. Frédéric Lordon cite le sociologue et économiste Bernard Friot qui  lui a compris comment sortir de cette loose sans tomber dans l’éloge du protectionnisme et autres impasses politiques qui ne s’attaquent pas au problème : la domination capitaliste, et le cœur de son fonctionnement : la propriété lucrative des moyens de production opposée à la propriété d’usage.  Il est possible de larguer les amarres avec le capitalisme. Ce n’est pas qu’une réforme gouvernementale qu’il faut empêcher, c’est l’expropriation des propriétaires lucratifs qu’il faut imposer... La marionnette El Khomri a une existence insignifiante, lorsqu’il faut s’attaquer aux racines du mal.

    Il faut un agenda et montrer que les propositions ne manquent pas lorsque la classe dominante prétend sournoisement être seule à proposer alors qu’elle s’est appropriée la machine médiatique. Le mouvement  Nuits debout  est le début d’une prise de conscience et de confiance. Il fait peur. Il suffit d’avoir suivi comment la fausse affaire Finkielkraut a été traité par la presse télévisée et la classe politique. Les débats sur l’agora inquiètent la nomenklatura française.

    Le travail, comme la terre, n’est pas une marchandise. Lorsque les terres et le travail sont considérés comme n’importe quelles marchandises et que le dogme du Marché s’impose comme le meilleur moyen d’arriver à une répartition « juste » selon la théorie économique orthodoxe, on est devant une tromperie et une acculturation de la société. Le travail devrait être vu comme ce qu’il est, un lien social. C’est un besoin et un droit vis-à-vis de la société.

    Le droit du travail est sous le feu de critiques – il serait archaïque, trop protecteur, trop compliqué… – justifiant une véritable hystérie réformatrice.  On a peu entendu les sociologues. Dans son ouvrage récent « L’institution du travail », l’autre sociologue Claude Didry revient sur la construction historique du droit du travail en France, et sa réalité contemporaine, pointant notamment les erreurs de diagnostics sur lesquelles repose selon lui le projet de Loi El Khomri qui suscité des controverses parmi les économistes, et a aussi fait l'objet de débats entre juristes, même si beaucoup des travaillistes, les spécialistes du droit du travail, y sont fermement opposés. En revanche, on avait peu entendu les sociologues. Le livre de Claude Didry  tombe à pic : fruit de longues années de recherches, L'Institution du travail, permet de comprendre pourquoi cette loi mobilise tant contre elle, en prenant la mesure du véritable changement de paradigme auquel elle prétend procéder.

    Claude Didry  rend compte des dynamiques historiques du droit et du travail, telles qu’elles se déploient de la Révolution française jusqu’à nos jours. Cette analyse permet de prendre la pleine mesure de la rupture que représente l’adoption d’un code du travail dans la France de la Belle Époque. Elle permet de saisir le contrat de travail comme la base des coopérations durables et innovantes entre ouvriers, ingénieurs et techniciens, dont sortiront tout à la fois les industries et les grandes luttes sociales du XXe siècle. Ce droit nouveau ne se réduit pas à un empilement irrationnel de protections présentées aujourd’hui comme désuètes, mais institue le travail comme une activité sociale définie par un temps, la durée légale, et un lieu, l’établissement. On comprend dès lors que la remise en cause de ce droit ne peut qu’accentuer les dérives d’un capitalisme financier qui déstabilise les entreprises, en portant atteinte, dans sa substance même, au travail. Cette grande fresque historique conduit à redécouvrir l’importance du droit du travail dans la vie des salariés, et à proposer de le prolonger par une sécurité sociale industrielle qui remettrait le travail au centre de l’entreprise et de la société.

    Pidone

    Nous avons commenté l’entretien précité. Vous pouvez maintenant le regarder et l’écouter.

     

    Frédéric Lordon est économiste et philosophe. Les vues qu’il exprime ici sont de sa seule responsabilité et n’engagent personne d’autre. Il est notamment l’auteur de Jusqu’à quand ? Pour en finir avec les crises financières, Raisons d’agir, 2008 ; Capitalisme, désir et servitude. Marx et Spinoza, La Fabrique, 2010 ; D’un retournement l’autre, Seuil, 2011 ; La société des affects, Seuil, 2013 ; et Imperium. Structures et affects des corps politiques, La Fabrique, 2015. 

     

    Pour celles et ceux qui ont été séduits par les explications claires de Frédéric Lordon avec le concours de Gilles Balbastre voici la première partie de leur conversation.

     

    Face à l’entêtement du gouvernement à maintenir son projet, la détermination reste intacte et soutenue massivement par l’opinion publique », CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF, UNL et FIDL appellent à une nouvelle journée de grève interprofessionnelle et de manifestations le 28 avril 2016.

     

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