• Notes de voyage dans les Balkans

    Belgrade

    la faculté de philosophie  est en résistance

     

    Le 20 octobre dernier, nous étions de passage à Belgrade dans le cadre d'un séjour solidaire. A deux pas de la principale rue piétonne, coeur économique et touristique de la ville, les étudiants de la faculté de philosophie protestaient et occupaient les locaux. Un mois plus tard, le 20 novembre, ces mêmes  étudiants sont toujours présents dans l'action et ils contrôlent leur université, devenant ainsi un lieu de revendication et de lutte contre la paupérisation qui les menace.  

    Tout semble figé.

    Sur le parvis de l'université les banderoles, les affiches et les inscriptions sont toujours là. Elles informent et appellent à la solidarité étudiante, mais aussi la solidarité du monde du travail. Une volonté de passerelle entre ces deux mondes qui souffrent aujourd'hui en Serbie. Mais surtout une volonté d'en sortir, de trouver une issue à un conflit qui s'enlise et qui dure.  

    Probablement, qu'ici comme ailleurs, les autorités espèrent avec le temps qui passe, obtenir la résignation des étudiants, le pourrissement du conflit et ainsi, faire passer leur politique austéritaire, cause du conflit. 

    A proximité de la faculté, sur les murs se trouvent apposées des affiches de Poutine le président Russe qui nous rappellent son passage éclair il y a peu en Serbie,  mais aussi une certaine sympathie de la part du pouvoir de Belgrade pour l'homme fort de Russie.  Il faut savoir que la Serbie est aujourd'hui dirigée par un régime de centre droit, nationaliste, qui applique avec zèle une politique libérale, dont les recettes anti sociales font des ravages dans de nombreux autres pays. Cette politique n'est pas seulement l'apanage de la droite, les "gauches" au pouvoir en France et en Europe ont aujourd'hui adopté ces thèses libérales avec toutes les conséquences néfastes pour les populations.

    La Serbie espère entrer dans l'Union Européenne dans un avenir proche et c'est ainsi, que pour une part, l'Europe et le FMI ne sont pas étrangers aux directives de déréglementation des universités serbes qui ont pris modèle sur les politiques européennes en la matière. 

    Mais les étudiants de philosophie à Belgrade sont en résistance contre cette politique de restrictions budgétaires qui en demande toujours plus et qui met en danger l'éducation, l'égalité des chances, la cohésion et le lien social dans le pays. 

    Le salaire moyen dans le pays est d'environ 250 euros et les frais d'inscription à la faculté de philosophie sont approximativement de 1000 euros aujourd'hui. En cause, la baisse du budget des facultés imposée par le gouvernement pour faire des économies. 

    Dans ces conditions et quand on est issu d'une famille modeste, comment espérer faire des études dans des conditions normales.  La ségrégation sociale est ainsi de mise dans un pays encore marqué par l'ancienne Yougoslavie où la question de l'éducation était primordiale et gratuite, tout comme la santé. 

    En Serbie comme dans les autres pays des Balkans, le taux de chômage atteint des plafonds et beaucoup de jeunes vivent avec l'idée de l'exil faute de débouchés sur place.

    Des populations entières vivent en dessous du seuil de pauvreté, et depuis ce mois de novembre, une batterie de mesures anti sociales est mise en œuvre et touche de nombreuses catégories.  

    Les salaires dans la fonction publique vont être amputés de près de 10% pendant que les retraités vont, quant à eux, subir une ponction de leur pension entre 6 et 11%. 

    Après deux décennies de conflits et guerres, qui ont vu l'éclatement de la Yougoslavie, une certaine lassitude semble s'être  installée, une résignation conduisant à une sorte de repli, voire individualisme et parallèlement à une certaine nostalgie du passé.  

    Dans ces circonstances, la lutte des étudiants n'est pas seulement exemplaire par sa longévité, elle porte en elle l'émergence d'une autre politique, plus humaine, plus sociale, solidaire.

    Toutes ces mesures de restrictions financières vont permettre au gouvernement serbe d'économiser plusieurs milliards de dinars, 1,5 % du produit intérieur brut du pays. 

    La Serbie n'est pas encore entrée dans l'Union Européenne, mais déjà elle applique les mesures anti sociales préconisées par celle-ci et les technocrates européens. 

    Jacques Casamarta

     

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