• O Tempora ! O Mores !

    Diogène_caricature

    Dans les années cinquante du 20ème siècle, un journaliste insulaire tenait une rubrique satirique « Le coin de Diogène » dans le journal bastiais « L’Informateur ». Il se moquait notamment des mœurs politiques. Depuis plus de soixante ans, rien n’ayant changé au 21ème siècle, nous commettons un texte sur le sujet parfois à la manière de Diogène et donc inspiré de certains de ses articles…

    La grande presse (grande grâce aux capitaux de quelques milliardaires et aux subventions de l’Etat) balance des sondages orientés qui attisent la droitisation des politiciens professionnels. A l’horizon des prochaines élections régionales, chez nous en Corse, les affres de l’incertitude, due à la multiplication des candidats, provoquent une fébrile activité chez les nombreux « panzi-pilosi » (expression ajaccienne qui peut se traduire par récipients d’air) de la politique. L’idéologie n’a rien à voir dans les conciliabules secrets dans les bistrots et les arrières boutiques des permanences électorales où ces messieurs se distribuent les places sur les listes électorales, préparant les alliances du second tour. Des listes semblent sorties d’un shaker électoral tant elles sont hétéroclites. On nous sert des cocktails de droite et d’une pseudo-gauche canada-dry. La digestion sera difficile après le premier tour. Au second tour, nous verrons quels sont ceux qui acceptent le concubinage sans renier leur pavillon et sans trahir leurs électeurs. D’aucuns peuvent déjà compter sur les votes par correspondance qui assurent des réélections et de nouveaux mandats à des élus sortants. Il n’est pas besoin de faire venir un troupeau d’électeurs continentaux par bateau ou avion. Les compagnies maritimes et d’aviation ne bénéficient même plus de cette manne économique. Ces votes n’ont aucun intérêt économique mais représentent une véritable catastrophe sur la démocratie locale. Dans la pièce de Sartre « Les séquestrés d’Altona », un personnage dit « un plus u égale un ». Transposons cette apostrophe existentialiste sur le plan mesquin de la politique corse, nous pouvons dire : «  Un politicien plus un politicien égalent un politicien » soit « kif-kif bourricots ! »,  ou bien « blanc bonnet et bonnet blanc ». Où sont les bienfaits des uns et les bienfaits des autres depuis des dizaines d’années ? Qu’ont fait les Topaze de Pagnol et les fils du bohème Rameau dans l’œuvre de Diderot ? Qu’ont fait ceux à qui l’argent donne une belle assurance ? Quand la Corse connaîtra-t-elle un renouveau ? L’occasion pourrait se présenter aux prochaines élections régionales, même si elles ne se déroulent pas au printemps, avec un mouvement réunissant Manca alternativa/Ensemble et tout ceux qui veulent une rupture avec la pulitichella et la l’austérité.

    Un parti semble prospérer partout en France, c’est celui des abstentionnistes. Des « scrogneugneu » préconisent de rendre le vote obligatoire et même de punir les abstentionnistes. Ils voudraient que le suffrage universel reste une fabrique de fromages à condition d’en être les « récipients d’air ». Ce sont souvent les mêmes qui ne veulent pas recourir au référendum. Les abstentionnistes et les votes blancs devraient être pris en compte car, lorsqu’ils sont majoritaires, ils devraient remettre en cause la légitimité des élus d’une république qui a pour devise « Liberté, Egalité, Fraternité », trois grands mots qui ne sont pas entrés dans la réalité. Chacun reste libre de voter ou non. Le problème n’est pas l’abstention mais ses causes. Elle n’est que le symptôme d’un démocratie malade.

    C’est aux abstentionnistes qu’il faut s’adresser pour transformer la « fabrique à fromages » en démocratie. Comme le beurre se forme au fond de la baratte, du « baratin »  jaillissent nos élus friands de légions d’honneur, de petits fromages et autres colifichets. La fée Marianne, devenue aveugle en vieillissant, les décore d’un ruban rouge pour attirer autour d’eux des habitants transformés en grenouilles. Electeurs, ne vous cherchez pas des chefs de clans, des roitelets avec leurs « ventrepreneurs » ? Chaque élection est l’occasion d’un renouveau. La présence d’une nouvelle force politique apparaît souhaitable en Corse, dans la mesure où elle met en avant des idées et des solutions plutôt que des politiciens, lamantins usés par la pulitichella ou simples relais de la politique nationale quelle qu’elle soit.

    O tempora ! O Mores ! Sans jouer le Ciceron, chacun doit dénoncer la cuisine peu reluisante à laquelle se livrent certains proconsuls de clocher. O combien de promesses, à corbeilles bien remplies, qui fleurissent pendant les campagnes électorales pour s’évanouir après les élections ! Combien ont disparu pour aller dans la lune et sont dans le néant à jamais enfouies ! Combien de projets morts pour sauver des fromages. L’ouragan du profit, d’un souffle puissant, en disperse vite les morceaux. Un million et cinq cent mille auro ont été jetés à la mer par l’office des transports de la CTC pour la location à 15000 € par jour d’un bateau « Le pélican » affrété sur le continent et devant servir en cas de grève des salariés de la SNCM. Le Pélican, a été affrété par l’OTC et armé par la Compagnie Méridionale de Navigation pour assurer la continuité territoriale coûte que coûte. Les grèves n’ont pas été déclenchées et l’argent public gaspillé pour briser des grèves virtuelles auraient pu servir à renflouer la compagnie maritime qui, avec La Méridionale, assure un service public. On a envie de leur citer un passage de l’opus « Le verbe est un navire » écrit par Anatole Bisk, dit Alain Bosquet : « N'écoutez que votre inconscience : elle seule peut vous offrir des fruits qui chantent et des neiges qui soudain, en plein vol, se transforment en pélicans ». Ce stalvadoghiu illustre bien une politique dispendieuse des deniers publics pour les uns pendant qu’on impose l’austérité aux autres.

    Il y a urgence ! Un mouvement à la fois politique (au bon sens du mot « politique ») et issu de la société civile  devrait émerger en Corse pour redonner un espoir aux citoyens corses réfugiés dans l’abstention ou prêts à écouter les sirènes de la « fachosphère ». La Corse a besoin d’un vrai projet de société et d’un renouveau avec des femmes et des hommes issus du monde du travail et ancrés dans la réalité sociale.  

    Sachez qu’une campagne électorale coûte cher et que, seuls, ceux qui obtiendront plus de 5% des voix seront remboursés. Souvent seuls les élus en place et les partis du Système ont les moyens d’y participer. C’est l’argent, là encore, qui prime. C’est pour cela qu’il faut soutenir ceux qui prennent de vrais risques financiers dans l’intérêt commun et non pas les partis aux finances prospères alimentés par des lobbies et des intérêts personnels.

    U cuginu di Diogène

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