• Quelle société voulons-nous?

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    Thomas Coutrot, co-président d´Attac France, membre du Conseil scientifique d´Attac et des économistes atterrés, économiste et statisticien, a tenu une conférence suivie d’un débat organisé vendredi 14 mars en Corse par le FSU syndicat enseignant. C’est l’occasion de revenir sur  une analyse critique de la politique néolibérale et d’avoir sa propre opinion plutôt que de gober les stratégies économiques des experts d’une oligarchie politico-médiatique. On connaît leur discours. Les mesures qui sont proposées s'appuieraient « sur la conviction que l'on peut concilier compétitivité, flexibilité et sécurité pour les salariés ».

    Pas de « réduction du déficit à 3% du PIB » pour 2013. On se souvient de cet aveu d’échec fait par Jean-Marc Ayrault alors que  Matignon s’était engagé à cet objectif absurde en voulant réduire à marche forcée le déficit public dans une période de récession. Thomas Coutrot l’avait prédit comme d’autres économistes atterrés mais François Hollande a continué à faire la politique de l’autruche en chantre de la politique d’austérité prônée dans les médias enfermés dans un autisme néolibéral. L’austérité n’est pas la solution car elle entraîne« dépression et récession ».

    L’austérité n’inverse pas la courbe du chômage mais crée du chômage et précarise l’emploi lorsqu’elle est associée à des pactes de compétitivité dont le dernier en date, après l’accord ANI, est nommé « pacte de responsabilité »,  une fumisterie que la droite n’aurait pas osée. Le comble est que le Medef obtient plus de la gouvernance socialiste néolibérale que de la droite ultralibérale. Les patrons obtiennent des avantages énormes au détriment du financement de la solidarité et des services publics. Le chômage apparaît comme un moyen de chantage à long terme. Il ne s’agit donc pas de le réduire mais de le rendre endémique tout en contrôlant sa fourchette supportable. A 10%, le Medef ne recule devant aucune demande et le gouvernement s’ingénie simplement à faire passer les injustices comme des remèdes à une crise qui n’en finira jamais.

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    Si nous prenons un exemple dans l’actualité économique, Peugeot-PSA est significatif. Après avoir décidé de fermetures d’usines et de licenciement, le groupe lance une campagne de recrutements intérimaires avec travail de nuit pour assurer les commandes de la Peugeot 308, baptisée véhicule de l’année. On supprime des CDI pour faire appel à l’intérim. Les chaînes de montage ne s’arrêtent plus, jour et nuit. Voilà le modèle de patronat à qui le pacte de responsabilité octroie des milliards sans contreparties chiffrées et qui créera des emplois intérimaires. Le chômage est devenu l’alibi pour précariser les travailleurs. En avril prochain, le site Peugeot-PSA d’Aulnay va fermer et 400 intérimaires sur 880 seraient remerciés. Aujourd’hui on en embauche d’autres pour créer des équipes de nuit à Sochaux. A la place des CDI, on embauche des intérimaires de façon à pouvoir réduire les effectifs à volonté.  La « flexibilité », c’est la précarité des travailleurs. Lors de la réunion du 25 septembre 2013, M. Varin PDG de PSA devait prendre des « engagements » sur l’emploi en contrepartie des reculs sociaux que les salariés devraient accepter dans le « nouveau contrat antisocial ». En fait de contreparties, les organisations syndicales n’en ont eu aucune, et au contraire c’est la poursuite de délocalisations qui a été annoncée. La direction de PSA Peugeot Citroën et quatre syndicats ont signé jeudi 24 octobre 2013 officiellement un accord de compétitivité qui garantirait la pérennité des sites en France d'ici à 2016, en échange d'efforts des salariés. Dans un communiqué, le constructeur a indiqué qu'"à l'issue d'un comité central d'entreprise (CCE) qui a donné un avis favorable". Le nouveau contrat social a été signé  entre la direction et quatre organisations syndicales (CFE-CGC, CFTC, FO et GSEA).  « Compétitivité, flexibilité et sécurité pour les salariés », quelle sécurité ? Ce soit disant bon accord serait le résultat de "la qualité du dialogue social". La CGT et la CFDT ont refusé de le signer. La stratégie patronale et gouvernementale est de diviser les syndicats.Les syndicalistes du site d’Aulnay détenaient un document secret de la direction qui prévoyait la fermeture d'Aulnay. Et la direction jurait main sur le cœur que ce n'était pas vrai. Les ouvriers avaient décidé de se jeter dans la bagarre et c’est leur combat qui a fait bouger les lignes même si le site d’Aulnay sera fermé. Un film a été réalisé sur leur lutte : « On se battra comme des lions” (cliquer ici)

    Où en est-on en ce qui concerne le site d’Aulnay ? Nous avons trouvé le compte rendu d’un syndicaliste à une sortie d’audience devant un tribunal…

    Un nouveau patron arrive à la tête du constructeur automobile avec l’appui du gouvernement et sa personnalité ne laisse aucun doute sur la politique menée. Il s’agirait de Louis Gallois. En 2008, il est le quatorzième patron le mieux payé de France avec 2,52 millions € de rémunérations annuelles. Après la SNCF et EADS, on parlait de lui comme ministre de l’industrie dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault qui l’a chargé de la rédaction d'un rapport sur la compétitivité française, qu'il remet le 5 novembre 2012 à son commanditaire. Ce rapport, qui fait la part belle aux patrons, est devenu la bible de la politique néolibérale menée par François Hollande et son gouvernement. On lui doit l’expression « sécurisation de l’emploi » pour justifier sa précarisation et le recours au chômage partiel. Voilà un nouveau PDG, partisan du « pacte social » qui s’inscrira dans la politique de Peugeot-PSA en matière d’emplois. Il préconisait un « choc de compétitivité » en « déchargeant le travail dans l’entreprise du poids du financement d’une partie des prestations sociales, notamment de celles de solidarité, en le reportant sur la fiscalité et la réduction de la dépense publique », de qui permettrait « d’apporter un « ballon d’oxygène » aux entreprises pour l’investissement et d’amorcer la montée en gamme. »

    La diminution du coût du travail ne génère pas d’emploi mais crée du chômage. Cela ne diminue pas les prix des marchandises et des services. Il s’agit pour les grandes entreprises de distribuer toujours plus de dividendes. La politique d’austérité grève le pouvoir d’achat et donc contrarie la consommation. L’Etat finance des entreprises qui continuent à licencier et c’est le cas pour Peugeot-PSA.

    A côté des bagnes modernes, s’est créée une organisation "néolibérale" du travail : flux tendus, standardisation des procédures, autonomie contrôlée… On y ajoute la précarité et le recours à l’intérim. Certaines sociétés d’intérim offrent déjà des emplois à temps complets. Thomas Coutrot en tire la conclusion: les salariés "sont des sujets dans leur travail, des objets dans leur emploi".   Les salariés doivent mobiliser leur intelligence et leur passion au service de l'entreprise, alors qu'en retour celle-ci les traite comme des marchandises, dont on se sert ou que l'on jette au gré des circonstances.

    Rompre avec le fédéralisme austéritaire pour reconstruire une Europe démocratique et solidaire. Thomas Coutrot,  n'a eu de cesse de démontrer la faillite des politiques d'austérité en Europe. Nous mettons en ligne son point de vue…

    L’organisation du travail, le fédéralisme austéritaire, l’oligarchie européenne… sont responsables d’une crise qui n’en finit pas. En outre, au moment où la pollution pose des problèmes graves de santé publique, nos modèles de consommation aggravent la crise écologique. 

    "L'amélioration des services publics, la gratuité des transports, la diminution de la facture énergétique grâce notamment à l'isolation des logements... Il y a beaucoup de façons d'améliorer le confort de vie sans dépenser et sans consommer plus" explique Thomas Coutrot. 

    Refusant la fatalité de la crise imposée par le système politico-médiatique, Thomas Coutrot participe à la réflexion et la diffusion de propositions économiques et fiscales alternatives pour une plus grande justice sociale ainsi qu’un meilleur partage du travail et des richesses. 

    Il faut tirer les leçons de passé, sinon à quoi servirait l’expérience. Il faut proposer des alternatives crédibles qui s’appuient sur les mouvements sociaux pour changer les rapports de force. Des réponses humanistes peuvent être apportées aux questions actuelles : Comment maîtriser la finance et l’économie ? Doit-on redéfinir le rapport entre les hommes et la nature, redonner un sens social au travail ? Démocratiser l’État et l’économie, humaniser la mondialisation en tirant les progrès sociaux vers le haut et non pas vers le bas ? Peut-on construire et gouverner les biens communs de l’humanité par une démocratie active ? La fiscalité peut-elle être juste ? 

    François Hollande applique une politique néolibérale sans lendemain qui chante pour les travailleurs. Il pactise avec le patronat. Il néglige l’écologie. Il suffit de relever à quels postes de ministres il a place les deux écologistes du gouvernement. Le débat organisé par  la FSU a permis d’aborder des thèmes sur lesquels nous devons réfléchir lors des campagnes électorales des Municipales et des Européennes. Alors que l’on invente des mots hypocrites pour revenir sur tous les acquis sociaux (flexibilité, compétitivité, pacte social, sécurisation de l’emploi…),  les problèmes abordés touchent aux conditions de vie, au travail et à l’avenir des peuples européens.

    Manca alternativa a ouvert le plus concrètement possible  des débats sur la plupart des interrogations qui se posent aujourd’hui. Il faut choisir le modèle de société souhaitable pour le plus grand  nombre. Au niveau local, les sujets ne manquent pas : gratuité des transports, maîtrise des services de l’eau, services publics, culture....  Mais on ne peut pas regarder uniquement le bout de son nez : chaque élection est un enjeu national et non pas un  jeu de chaises orchestré par les barons locaux des grands partis en place. Le chômage reste un problème national, comme la défense des services publics, la santé, l’enseignement et la sécurité notamment.

    A chacun d’apporter sa contribution en débattant dans son entourage et en participant aux actions programmées comme celle du 18 mars 2014 à laquelle le FSU, la CGT et FO ont unitairement appelé. 

    Barbutu

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