• Tout doit partir d'en bas

    Tribune

    Le mouvement des gilets jaunes doit inspirer la vraie gauche

     

    Les gilets jaunes sont en train de donner une fabuleuse leçon à la gauche, à notre gauche qui n’a pas été capable de pressentir, de comprendre ce qui se passe au plus profond de la société française, en particulier dans les couches sociales les plus défavorisées. Le mouvement des gilets jaunes, certes hétéroclite, non dépourvu d’ambiguïtés et de comportements pas toujours acceptables, a révélé un ras le bol général de gens que d’aucuns qualifiaient de résignés, de lassés de la politique politicienne, de moins que rien, de fainéants rejetant les corps intermédiaires quels qu’ils soient, y compris la Cgt et se réfugiant massivement dans l’abstention ou encore dans le vote pour le parti de la haine et du racisme.

    Sans entrer dans le détail et sans remonter à l’empire romain, ces couches sociales ont été les premières victimes des différentes politiques d’austérité et de régression sociale menées depuis des décennies, au moins depuis le fameux tournant de 1983, sous la présidence de François Mitterrand. Politiques dictées et imposées par la Troïka et les marchés financiers. Politiques défendues avec zèle, y compris par ceux qui se réclamaient de la gauche, le Parti socialiste, pour ne pas le citer, ou encore par ceux qui se sont compromis avec ces pseudo forces de gauche. L’exemple de la Corse est particulièrement édifiant avec le rôle joué par les radicaux dits de gauche et leurs divers alliés. Par leurs pratiques basées sur le clientélisme et la corruption ceux-là ont contribué à jeter le discrédit sur tout ce qui s’apparentait à la gauche, à ouvrir la voie aux nationalistes et à favoriser une abstention massive (près de 50% des électeurs se sont abstenus lors des dernières territoriales).

    L’élection présidentielle de 2017 avait ouvert de nouvelles perspectives aux véritables forces de gauche. Jean-Luc Mélenchon a obtenu près de 20% des suffrages exprimés. Mais ce potentiel n’a pas été utilisé à bon escient.  Chasser le naturel il revient au galop. L’unité – même précaire – qui s’était constituée autour de la candidature de Jean-Luc Mélenchon a vite volé en éclat, à cause de prétentions hégémoniques et variées des différents protagonistes. Par exemple, Jean-Luc Mélenchon a voulu imposer sa conception de l’unité à gauche. Unité, oui, mais pas dans la diversité. Unité derrière le leader maximo. C’est-à-dire une unité de type bonapartiste. Tous derrière le chef. En Corse, il est bon de rappeler que le « patron » de la France insoumise s’est livré à une attaque en règle contre les membres de la Corse insoumise qui avaient décidé à une très forte majorité de constituer une liste regroupant différentes forces de gauche, des militants syndicaux et associatifs pour les régionales de 2017. Cette attaque inqualifiable a eu un impact sur le résultat de ces élections. Résultat : la gauche est absente de l’Assemblée territoriale !

    Le syndrome italien guette le pays

    La France insoumise qui représentait un espoir pour beaucoup de gens s’est vite transformée en un mouvement gazeux, coupé des réalités sociales du pays. Dans le même temps, le Parti communiste a amorcé un repli sur ses valeurs fondamentales, dans l’espoir – vain croyons-nous – de se refaire une santé, oubliant peut-être qu’il n’est plus le grand parti du temps de la Libération et des Trente glorieuses.

    Les Verts eux aussi, croyant de plus en plus aux vertus de l’écologie se réfugient dans un splendide isolement, espérant marquer quelques points lors des prochaines élections européennes.

    On mesure déjà les résultats probables de la division de la gauche. Le syndrome italien nous guette, avec pour conséquence, s’il n’y a pas de sursaut, la disparition pure et simple de la gauche, comme chez nos cousins transalpins. Et qui gouverne en Italie actuellement ? Une coalition entre un parti de type fascisant, la Lega et un mouvement populiste les Cinque Stelle.

    La refondation de la gauche ou son véritable renouveau ne pourra pas se faire selon les schémas traditionnels, par des accords de sommet, au gré des circonstances électorales. Il faut qu’on retienne la leçon que nous livrent les gilets jaunes. Leur mouvement, inédit, jeune, montre qu’il est possible de sortir des gens de leur isolement, de leur désespérance, de renouer avec la solidarité et la fraternité et surtout de mettre en difficulté le pouvoir macronien. Chose qu’on n’a pas pu ou su faire lors de la mise en pratique des contre-réformes sur le Travail, des mesures fiscales en faveur des plus riches, etc.

    Partir d’en bas

    Donc, une première leçon qu’on peut tirer des six semaines de lutte des gilets jaunes, c’est que tout doit partir d’en bas et que tout doit se faire par le bas. Le temps des « experts », des élites, de ceux qui savent doit finir. Il nous faut, non pas récupérer le mouvement, comme d’aucuns tentent de le faire, mais s’en inspirer. L’idée de créer des structures de base autonomes doit être retenue, sans pour autant, pour chacun d’entre nous, renoncer à sa propre structure. Structures de base, de concertation, de débats et de propositions dans lesquelles peuvent se retrouver celles et ceux qui aspirent à de profond changement dans notre société. Mais ces structures de base ne sauraient suffire. Il faut mettre en place des coordinations aux niveaux  départemental, régional et national, sans reproduire la structuration des partis traditionnels, avec des représentants – non des carriéristes -  élus par la base, renouvelables, et révocables selon des règles établies. L’objectif, c’est de créer une véritable force politique de transformation sociale, économique et écologique s’appuyant sur un nouveau bloc historique regroupant toutes les couches sociales qui souffrent du capitalisme et qui aspirent à de vrais changements.

    On a envie de dire chiche.

     

    Maria Maddalena Lanteri

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