• Va-t-on débroussailler le Buisson?

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    L’affaire Patrick Buisson met crûment en évidence la réalité du Sarkozisme mais une réalité que seuls ceux qui se bouchaient les yeux et les oreilles ne voulaient pas connaître. Elle met aussi en évidence la mauvaise fois de certains chroniqueurs politiques qui ont toujours fait des commentaires favorables au libéralisme et à Sarkozy dans l’entourage duquel ils obtiennent des informations privilégiées. Des relations qui les lient à des hommes politiques dont ils se font insidieusement les défenseurs en utilisant la pratique qu’ils ont de la dialectique.

    Alors que cette affaire d’enregistrement ne fait qu’ajouter à tous les casseroles qui pèsent encore sur l’avenir politique de Nicolas Sarkozy, d’aucuns s’ingénient à en minimiser la portée. Curieusement les propos de chroniqueurs de journaux de droite ressemblent à ceux de quelques mauvais ténors sarkozistes. Et ces journalistes frileusement légitimistes ont entonné les mêmes refrains moralistes. « Pas de révélation fondamentale » et « embarrassant pour tous », déclarait par exemple la directrice politique de France 2 au journal de 13 heures. Sur d’autres chaînes, on croirait parfois entendre dans la bouche des chroniqueurs politiques un Jean-François Copé ou un Christian Jacob… « Une affaire anecdotique alors que les Français veulent qu’on leur parle du chômage, de leur pouvoir d’achat… etc . »

    Est-il seulement anecdotique d’apprendre qu’un remaniement ministériel se fait au sein d’un cabinet noir, que le choix d’un garde des sceaux implique des considérations sur sa capacité à contrôler le parquet, que le texte de l’annonce du remaniement ministériel est transmis avec des consignes en avant-première au directeur du Figaro, Etienne Mougeotte, qui titrait le lendemain matin dans la ligne de l’Elysée ? Un journaliste de pouvoir, Jean-Claude Dassier, venait jouer les cyniques blasés et soutenir que tout le monde fait pareil (iTélé, 4 mars 2014). Ancien directeur de LCI — la chaîne d’info en continu du groupe Bouygues —, il a recruté Patrick Buisson avant que le groupe Bouygues ne lui confie la chaîne Histoire. Est-il anecdotique d’avoir confirmation que le couple Sarkozy était très intéressé par les gros sous, qu’elle attendait des contrats mirifiques et qu’il se voyait en Ramirez à la caisse?

    Nous allons maintenant entrer dans la phase judiciaire de ces enregistrements car tout le monde va déposer plainte avec, en point de mire, les journaux qui ont diffusé les enregistrements. L’aspect juridique va porter d’une part sur l’enregistrement et la divulgation de discussions privées, mais aussi sur le vol des enregistrements. Les premiers plaignants se sont annoncés par l’intermédiaire de leurs avocats. Nicolas Sarkozy et Carla Bruni-Sarkozy vont déposer plainte en tant que victimes des enregistrements clandestins et de la diffusion de leurs conversations. Patrick Buisson a fait connaître son intention de déposer plainte pour le vol de ses enregistrements. Il ne regagnera pas la confiance de Sarkozy mais compte éviter une condamnation en plaidant sa bonne foi d’historien ayant enregistré des éléments de travail. Il doit regretter de ne pas avoir fait comme dans le film « Mission impossible » en terminant ses enregistrements par « la bande s’autodétruira dans dix secondes ». Toutefois il aura fait de la fumée et il n’y a pas de fumée sans feu.

    Il existerait des centaines d’heures d’enregistrement et la presse n’en a dévoilé qu’une infime partie : les petits extraits choisis. On s’interroge sur l’avenir de l’ensemble des enregistrements. Contiennent-ils des secrets d’Etat et d’autres propos édifiants sur la personnalité de chacun ? Va-t-on débroussailler cette nouvelle affaire Buisson sans tout couper au sécateur ? Les plaintes sont-elles de nature à empêcher d’en savoir davantage ? C’est possible et c’est sans doute dans ce but que les plaintes seront déposées notamment par Nicolas Sarkozy dont l’avocat aurait choisi la procédure du « référé » destinée à interdire toutes nouvelles publications sous peine de fortes amendes et d’emprisonnement. Ensuite il restera à savoir ce que la Justice fera des enregistrements éventuellement saisis alors que Nicolas Sarkozy fait l’objet de plusieurs procédures judiciaires dont l’une met aussi en cause Patrick Buisson qu’il aurait favorisé par des commandes de sondages payés par le contribuable. On peut s’inquiéter sur la suite judiciaire attendue lorsque l’on écoute un passage des enregistrements dans lequel Patrick Buisson fait allusion aux connivences entre Claude Guéant et le Parquet… Le site Atlantico a mis en ligne  un enregistrement où l'on entend notamment Patrick Buisson s’interroger auprès d’un autre conseiller sur la capacité du nouveau secrétaire général de l’Elysée Xavier Musca à savoir "se mouiller" auprès du Parquet  autant que Claude Guéant pour les "affaires". Curieusement le rédacteur en chef de ce site de propagande libérale pense que les extraits choisis par sa rédaction sont plutôt favorables à Nicolas Sarkozy qui s’y montre le plus sympathique, le plu conciliant. Ce même rédacteur s’est d’ailleurs prononcé contre la publication d’autres extraits.

    Cette affaire des enregistrements volés est l’illustration de la dérive d’une classe politique plus soucieuse de son pouvoir et des carrières de chacun que de l’avenir des Français à long terme. Le climat délétère qui s’est installé dans cette Cinquième république détourne les électeurs des urnes ou les poussent vers le FN  et pose le problème de la légitimité des élus qui se sont installés dans des rentes de situation en faisant des scores minables. Les politiciens devraient signer un pacte de responsabilité avec le peuple en s’engageant pour une véritable transparence et une déontologie garantissant des comportements dignes des mandats obtenus.

    Sarkozy est l’exemple de la déliquescence de la morale politique. Patrick Buisson est le conseiller qu’il a choisi, qu’il a écouté, qu’il a décoré, qu’il a présenté au Pape, qui l’accompagnait jusque lors de sa dernière campagne électorale. On ne peut imaginer qu’il méconnaissait le passé de ce royaliste venu de l’extrême-droite et dont le projet était de phagocyter la droite en lui faisant adopter l’idéologie du Front national. Peut-être a-t-il même lu quelques ouvrages de ce Maurassien parmi les quels 1940-1945 années érotiques, Vichy ou les infortunes de la vertu ?

    Il n’ignorait sans doute rien du comportement de ce Raspoutine de l’extrême-droite déjà accusé d’avoir mis sous écoute ses collaborateurs lorsqu’il était rédacteur en chef du torchon « Minute ». Il devait même l’approuver lorsqu’il en usait à son profit. L’histoire des enregistrements n’est autre que celle connue de l’arroseur arrosé. Est-il encore à démontrer que Nicolas Sarkozy est prêt à s’associer au diable et à s’entourer de traitres dans ce qu’il nomme l’ouverture ?

    La semaine aura été riche en enseignement sur Nicolas Sarkozy et sa garde prétorienne mais aussi sur cette presse de droite à la langue de bois qui nous a servi en plus le retour souhaité de DSK dans un sondage divulgué mais non publié par le Parisien.  Le duel Sarkozy/DSK qui n’a pas eu lieu fait encore rêver des chroniqueurs politiques au mépris des Français. Le sondage du Parisien sans doute induit par les questions posées (ce qui explique la non publication) est une manipulation de plus en plein affaires Copé empêtré avec Bygmalion et Sarkozy avec Buisson. Cette presse est-elle prête à tout faire pour que Sarkozy reste et DSK revienne ?

    Une grande partie de la presse complaisante et servile devant ceux qui détiennent un pouvoir (surtout au sein des chaînes télévisées) continuera à édulcorer l’information par des analyses trompeuses et hypocrites. Elle abuse du pouvoir d’informer et il faut toujours se méfier des analyses orientées. C’est à chacun de prendre connaissance des faits sans se laisser manipuler par des journaux contrôlés mais aussi des émissions propagandistes comme celles d’Yves Calvi et consorts ou faussement journalistiques comme celles des Laurent Ruquier ou autres amuseurs publics. Tous ces occupants du PAF mettent leur intelligence au service de ceux qui les emploient. Leur grand défaut est de la croire supérieure à la moyenne des Français. Lorsqu’un journaliste n’est plus que le porte-parole du Système, il n’est plus un journaliste indépendant. Cela se voit et s’entend au fil de ses interventions et de ses acrobaties verbales. Lorsque toutes les chaînes parlent d’une seule voix et produisent les mêmes experts, on assiste au concert bien réglé d’une ritournelle faite pour endormir les consciences. On revient à l’ORTF sous une diversité de façade.

    Et François Hollande dans tout ça ? Bien sûr des élus socialistes insistent sur la gravité de l’affaire Buisson et Harlem Désir demande une commission d’enquête parlementaire. Toutefois, en ce qui concerne la presse, on constate que, depuis 2012, les informations des chaînes nationales sont restées entre les mêmes mains et que les mœurs médiatiques et politiques n’ont pas changé. Les promesses de transparence se sont transformées en mesurettes volontairement inefficaces. Bien sûr l’élimination éventuelle de Nicolas Sarkozy semblerait arranger les affaires de François Hollande pour une réélection en 2017 mais c’est sans compter sur les abstentions et sur la montée médiatiquement aidée du Front National qui pourrait être le vainqueur d’une autre partie politique d’arroseur-arrosé. Il n’est pas dit que, avec ou sans Sarkozy, le projet de Patrick Buisson ne se réalise pas lorsque l’on constate la gestion qui est faite de l’UMP. Marine Le Pen qui stigmatise l’UMPS verrait sans doute d’un bon œil (sous celui mauvais de son père) l’arrivée au FN des déçus de l’UMPS.

    Jean-François Copé ne veut pas que l’affaire Buisson détourne le débat public des vrais problèmes qui touchent les Français tout en faisant paradoxalement des Municipales un test national. Bien sûr, cette élection a un enjeu national qui est de changer le cap d’une politique libérale sans lendemain pour la grande majorité des Français et leurs descendances. Toutefois, dans cet enjeu national, les enregistrements permettent aussi de juger d’un quinquennat qui s’est soldé par un échec et dont il est l’un des défenseurs et des prétendants à la succession. En fait le président de l’UMP, lui-même empêtré dans une affaire, voudrait que le chômage et le pouvoir d’achat détournent les regards de ce qui le gêne. Alors, il combat hypocritement la politique de François Hollande qui est la continuation de celle de Sarkozy sur le plan économique et sociale. C’est cette politique qu’il faut condamner et il en est l’un des partisans les plus retors.

    Le bipartisme a montré ses limites en France. La classe politique en place n’a pas d’idée neuve et se montre de plus en plus réactionnaire. L’Europe de la Troïka vient encore de faire pression sur l’Etat français pour aggraver sa politique d’austérité. A toutes et tous les déçu(e)s de l’UMPS, nous rappelons qu’il existe une alternative démocratique et républicaine : le Front de gauche. C’est en mettant l’Humain d’abord que l’on pratique une politique juste, c’est-à-dire qui ne sacrifie pas le « social » à la Finance.

    Pidone

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