• Valls égal à lui-même

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    Manuel Valls a choisi la fondation Jean Jaurès pour défendre hier la loi Macron avalisée par son gouvernement avant le débat à l’Assemblée nationale. La loi sur « la croissance et l’activité » doit libérer l’économie française. La fondation Jean Jaurès est proche du parti socialiste et les intervenants devaient débattre sur le thème de l’égalité. Mais Manuel Valls a parlé de libéralisme avec des phrases lancées comme des slogans : « sortir du logiciel des trente glorieuses », « ne pas aller chercher les réponses de demain dans les armoires du passé et les archives de l’histoire ».  On sait qu’il veut supprimer le socialisme du parti socialiste et, hier, il fustigeait encore une gauche qu’il qualifie de « passéiste » sous l’effigie de Jean Jaurès.  Il persiste et signe dans sa politique libérale qui divise la gauche et le parti socialiste. Il est un psychorigide et tout le montre chez lui. Il parle beaucoup de concertation sociale. Il dit qu’il écoute mais n’infléchit en rien sa politique. Les critiques et les revendications lui rentrent par une oreille et ressortent par l’autre. Il s’est mis sur des rails, terminus les Présidentielles. Dans une vision néo-gaullienne des Français, il voudrait que nous regardions passer son train de réformes comme les veaux le font près de la voie ferrée. De la métaphore des rails, passons naturellement à celle des droites parallèles. Le premier ministre met le dialogue social en parallèle avec son monologue libéral selon une géométrie politique qui fait qu’ils ne se rejoignent jamais. Trêve de métaphores ! Ne nous  lançons pas aussi dans l’anaphore, figure de style dévoyée par les promesses non tenues de François Hollande qui use et abuse de toutes les ficelles de la rhétorique dans ses discours.

    Sans doute la rumeur de son départ du gouvernement après les élections de mars 2015 explique-t-elle le soin que Manuel Valls met à donner des signes de force et de cohérence. Il essaie de rassembler autour de lui tous ceux qui ne sont pas encore ouvertement frondeurs. Il a réuni récemment des parlementaires socialistes triés sur le volet autour d’un « apéritif amical » et le voilà hier à la fondation Jean Jaurès où il devait parler de l’égalité et où il a parlé surtout de « libéralisme ». Qu’a-t-il dit sur le thème du jour :  « Pour beaucoup de nos concitoyens, l'égalité est devenue un mythe, un mirage, une promesse non tenue de la République » pour ajouter ensuite que, à cause de cela, la gauche, s’est rendue « inaudible » et doit « changer », reprenant ce qu’il avait déjà dit en août, lors de son discours de clôture de l'université d'été du PS à La Rochelle, puis le 16 septembre devant l'Assemblée nationale, lors de sa seconde déclaration de politique générale.

    Donc le « changement maintenant », ce n’est plus le changement de politique annoncé par François Hollande en 2012 mais le changement de la gauche qui doit contribuer à la pérennité d’une alternance libérale en  se désocialisant. La gauche doit se réinventer, selon Manuel Valls et il explique : « L'idéal de l'égalité est éternel, mais nous devons envisager de nouveaux moyens, de nouvelles façons d'agir pour l'atteindre ». Il a même trouvé un nom de remède-miracle : la « pré-distribution ». Il la définit ainsi : « Alors que la redistribution se contente de revenir a posteriori sur les inégalités, je crois que nous devons orienter notre modèle vers la pré-distribution, c'est-à-dire : prévenir les inégalités ».  Le concept a fondé par un think tank britannique en 2011, il est aujourd'hui porté principalement en Europe par Ed Miliband, le chef du parti travailliste britannique (Labour).  Donc « mieux vaut prévenir que guérir ».  On peut difficilement aller plus loin dans le cynisme d’un conservateur déguisé en progressiste. Il sait que les inégalités se sont aggravées avec la crise. L’écart s’est creusé entre les riches et les pauvres. Il ne faut donc pas revenir sur les inégalités et simplement prévenir qu’elles ne s’aggravent pas davantage.

    Manuel Valls ne s’attaque pas aux privilèges et aux monopoles mais veut les figer, les contenir par le jeu de la concurrence, si nous comprenons bien sa pré-distribution. C’est sans doute ce qu’Emmanuel Macron a voulu concrétiser en élargissant l’accès à certaines professions réglementées comme celles d’avocats, de notaires, d’huissier et de commissaires-priseurs. Dans ces secteurs, l’idée n’est pas idiote en elle-même mais c’est oublier le caractère fortement corporatif de ces professions libérales lucratives qui ne veulent pas trop de concurrence dans leurs secteurs respectifs. Finalement, dans un régime libéral, la dérégulation c’est pour les salariés mais surtout pas pour les professions réglementées qui votent en majorité à droite. Le train de vie dans toutes ces professions est lié à une sorte de numérus clausus que l’on retrouve aussi dans les études médicales : en limitant le nombre de réussites et donc le nombre de nouveaux médecins, les mandarins préservent leur pré gardé. Voilà une mesure libérale qui n’ira pas à son terme.

    Le projet de loi doit «redonner de la vitalité à l'économie française» et «n'enlève rien à personne», a assuré Macron, qui a martelé être guidé par le «pragmatisme». Articulé en trois chapitres – «libérer», «investir» et «travailler» – il entend, en vrac, baisser les tarifs des notaires, permettre de traverser la France en bus, ouvrir davantage de commerces le dimanche, soutenir les start-up, accélérer les procédures aux prud'hommes, mettre plus de concurrence dans la grande distribution ou encore s'attaquer aux délais pour passer le permis de conduire. La loi Macron est une sorte d’inventaire à la Prévert de mesures tous azimuts parmi lesquelles un assouplissement de l’interdiction du travail dominical qui divise un peu plus le parti socialiste. Martine Aubry est sortie de sa réserve pour critiquer vivement ce renoncement à ce que le parti socialiste avait combattu sous le quinquennat de Sarkozy. A l’époque une dizaine des ministres actuels s’étaient élevé contre une telle idée et pas des moindres puisqu’on y trouve Rebsamen, actuel ministre du travail. Ce dernier, agacé par le rappel de sa position antérieure,  a expliqué devant une caméra, sans rien expliquer, que le projet socialiste était différent de celui qu’il avait jadis rejeté… une pirouette et puis s’en va ! Voici ce que Martine Aubry a dit : «Ce n'est pas une réforme subalterne, c'est un moment de vérité autour de la seule question qui vaille : dans quelle société voulons-nous vivre ? Veut-on faire de la consommation - encore plus qu'aujourd'hui - l'alpha et l'oméga de notre société ? La gauche n'a-t-elle désormais à proposer comme organisation de la vie que la promenade du dimanche au centre commercial et l'accumulation de biens de grande consommation ? Le dimanche doit être un temps réservé pour soi et pour les autres». Elle ajoutait : «Je me suis toujours engagée pour un dimanche réservé à la vie : vie personnelle, vie collective. Aujourd'hui, je suis fermement opposée au passage de 5 à 12 dimanches ouverts par an. Je combattrai cette régression pour notre société au niveau national, comme dans ma ville». C’est clair et cohérent avec ses prises de position antérieures, ce qui n’est pas le cas pour des membres du gouvernement associés à cette régression.

    On se demande ce qu’il va rester de la loi Macron au bout du compte… sans doute pas grand-chose et surtout pas ce qu’il pouvait y avoir de bon. A Matignon, c’est un peu comme dans un mauvais restaurant, on vous présente un menu et puis on vous sert à la carte des plats indigestes. De toute façon, on sait que le gouvernement actuel ne combat pas les inégalités et qu’il ne changera pas de cap. Quant à la croissance, l’austérité ne fait que la freiner et, si l’on en croît l’augmentation importante des dividendes distribués aux actionnaires en 2014, les crédits d’impôts au patronat n’auront  aucun effet sur le chômage qui continue à s’aggraver. La précarité est devenue la règle dans la réalité des emplois offerts puisque l’on ne recense que 20% de CDI en moyenne. C’est pour cela que le Medef refuse toute contrepartie en emplois et fait monter les enchères en expliquant que les milliards consacrés aux entreprises sont insuffisants et qu’il faut encore plus de dérégulation.

    Les provocations de Pierre Gattaz (dont la dernière est la demande de supprimer l’ISF) s’inscrivent dans une stratégie patronale favorisée par la politique menée sous la pression du patronat et de la chancelière allemande au sein de l’Europe.  Après en avoir bu la moitié, le patronat voit toujours son verre à moitié vide et tous les gouvernements les resservent au nom du libéralisme, de la compétitivité et de la croissance qui sont les remèdes toujours inefficaces à un chômage devenu endémique en devenant un objet de chantage social. Alors Manuel Valls nous dit qu’il faut sortir du logiciel des trente glorieuses. Il répète ainsi ce que dit la droite depuis longtemps pour signifier la fin de l’état-providence, qui ressemble plus à une volonté d’euthanasier la gauche. Manuel Valls et Emmanuel Macron font échos aux phrases toutes faites, qui tournent en boucle dans les médias ou émaillent les discours de la plupart des ministres et dirigeants patronaux. Ces « vérités » pointant les pseudo-rigidités du marché du travail ou les lourdeurs de la France servent à légitimer les coups de boutoir libéraux.

    U barbutu  

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